(Troisième Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 10 avril 1995, présentée au nom de l'Etat par le Garde des Sceaux, MINISTRE DE LA JUSTICE ;
Le MINISTRE DE LA JUSTICE demande à la Cour :
1 ) - d'annuler le jugement du 2 février 1995 par lequel jugement le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser à M. Pierre PANCRAZY une indemnité de 35 320 F, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 1990, en réparation du préjudice résultant du refus du ministre de la justice de faire application des dispositions du 10 août 1966 relatif au remboursement des frais de déplacement ;
2 ) - de rejeter la demande présentée par M. PANCRAZY devant le tribunal administratif de Strasbourg concernant le paiement des frais de déplacement ;
VU le jugement attaqué ;
VU le mémoire en défense, enregistré le 8 mars 1995, présenté pour M. Pierre PANCRAZY, par Me X..., avocat ;
M. PANCRAZY conclut :
1 ) - au rejet de la requête, à cette fin il soutient qu'il peut prétendre au remboursement de frais de déplacement qu'il a exposés à la suite de sa mise à disposition d'un établissement éloigné de son ancienne affectation ;
2 ) - par la voie du recours incident, à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 20 000 F au titre de l'indemnité exceptionnelle prévue par le décret du 9 avril 1990, le montant de l'indemnité de mutation prévue par les décrets des 23 février 1972 modifié et du 16 novembre 1990, ainsi que par tout autre texte applicable ainsi qu'une somme de 74 152 F au titre de ses frais de déplacement ; à cette fin, il soutient que l'administration a commis une faute en ne faisant pas figurer la maison centrale d'Haguenau sur la liste annexée au décret du 9 avril 1990 et qu'il était en situation de bénéficier des dispositions de l'article 6 du décret du 10 août 1966 ;
3 ) - à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5 000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU le mémoire en réplique, enregistré le 6 décembre 1995, présenté au nom de l'Etat, par le Garde des Sceaux, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le ministre conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
VU, en date du 9 avril 1996, l'ordonnance du président de la première chambre de la cour administrative d'appel fixant la clôture de l'instruction à partir du 26 avril 1996 à 16 heures ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 ;
VU le décret n 66-619 du 10 août 1966 ;
VU le décret n 72-146 du 23 février 1972 ;
VU le décret n 90-1022 du 16 novembre 1990 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 1996 :
- le rapport de M. STAMM, Conseiller ;
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la recevabilité des conclusions incidentes :
Considérant que les conclusions incidentes de M. PANCRAZY en tant qu'elles portent sur l'octroi des indemnités exceptionnelles fondées tant sur les décrets des 9 avril 1990 et 23 février 1972 modifié et du 16 novembre 1990 que sur tout autre texte applicable, soulèvent un litige différent de celui soumis à la Cour par le recours du ministre ; que, par suite, les conclusions incidentes de M. PANCRAZY ne sont recevables qu'en tant qu'elles tendent à la majoration de l'indemnité allouée par le jugement attaqué au titre de la réparation du préjudice résultant du refus du ministre de rembourser les frais de transport exposés par le requérant de première instance pour se rendre sur les lieux de son affectation ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la fermeture de la maison centrale d'Haguenau, intervenue le 10 juillet 1986 en raison de l'état d'insalubrité des bâtiments, a conduit l'administration à affecter en surnombre le personnel de cet établissement dans différents établissements similaires de la région dans l'attente notamment de l'ouverture de la nouvelle maison d'arrêt de Strasbourg ; que, dans ces conditions, M. PANCRAZY ne pouvait plus, à compter de cette date, être regardé comme ayant conservé à Haguenau sa résidence administrative telle qu'elle est définie par le statut général et l'article 5 du décret du 10 août 1966 ; que, nonobstant le caractère provisoire de son affectation en surnombre et quelles que soient les conditions dans lesquelles cette décision est intervenue, l'administration a modifié la situation légale du fonctionnaire concerné en l'affectant dans un établissement pénitencier différent ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant qu'en l'absence de toute décision formelle de mutation, ce fonctionnaire avait conservé sa résidence administrative au lieu de son ancienne affectation dans un établissement qui n'avait plus d'existence et en condamnant l'Etat à verser à M. PANCRAZY une somme de 35 320 F, assortie des intérêts légaux à compter du 21 décembre 1990, au titre de ses frais de déplacement ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. PANCRAZY devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant qu'aux termes de l'article 24 du décret du 10 août 1996 : "le déplacement effectué par l'agent pour se rendre de sa résidence personnelle à son lieu de travail ne peut donner lieu à aucun remboursement" ; que, comme il vient d'être dit, à compter de son affectation à la maison d'arrêt de Strasbourg, M. PANCRAZY doit être regardé comme ayant eu sa résidence administrative sur le territoire de cette commune ; que les dispositions réglementaires précitées font obstacle à ce que les trajets effectués par le fonctionnaire pour se rendre de son domicile au lieu de sa résidence administrative lui soient remboursés ; que, par suite, c'est à bon droit que le ministre a opposé un refus implicite à la demande d'indemnisation présentée par ce fonctionnaire ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à la demande de remboursement de frais de transport présentée par M. PANCRAZY ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que l'Etat soit condamné à payer à M. PANCRAZY la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 2 février 1995 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la requête présentée par M. Pierre PANCRAZY devant le tribunal administratif de Strasbourg et tendant au remboursement de ses frais de déplacement sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions incidentes de M. Pierre PANCRAZY et ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Garde des Sceaux, ministre de la justice et à M. PANCRAZY.