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06/06/1996 | FRANCE | N°93NC01080

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 06 juin 1996, 93NC01080


(Deuxième Chambre)
VU la requête, enregistrée le 4 novembre 1993 présentée par M. Gérard X... domicilié 15, résidence du Château à Acy-en-Multien (Oise) ;
M. X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 15 septembre 1993 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires sur le revenu des années 1982, 1983, 1984 et 1985 mises en recouvrement les 30 avril et 31 août 1987 ;
2°/ d'accorder les décharges demandées ;
3°/ d'accorder le remboursement des frais exposés soit

la somme de 20 000F y compris les frais de première instance ;
VU le jugement attaqu...

(Deuxième Chambre)
VU la requête, enregistrée le 4 novembre 1993 présentée par M. Gérard X... domicilié 15, résidence du Château à Acy-en-Multien (Oise) ;
M. X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 15 septembre 1993 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires sur le revenu des années 1982, 1983, 1984 et 1985 mises en recouvrement les 30 avril et 31 août 1987 ;
2°/ d'accorder les décharges demandées ;
3°/ d'accorder le remboursement des frais exposés soit la somme de 20 000F y compris les frais de première instance ;
VU le jugement attaqué ;
VU le mémoire en défense enregistré le 14 mars 1994, présenté par le ministre du budget ; il conclut :
1°/ au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements accordés soit 2 602F pour 1982, 2 118F pour 1983, 1 865F pour 1984, 1 663F pour 1985 ;
2°/ au rejet du surplus des conclusions de la requête ;
VU le mémoire en réplique enregistré le 25 avril 1994 présenté par M. Gérard X... ; il conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
VU le second mémoire en défense enregistré le 18 juillet 1994, présenté par le ministre du budget ; il conclut :
1°/ au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements accordés ;
2°/ au rejet du surplus des conclusions de la requête ;
VU le second mémoire en réplique enregistré le 28 février 1996 présenté par M. Gérard X... ; il tend aux mêmes fins que la requête et le précédent mémoire par les mêmes moyens ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 1996 :
- le rapport de Mme FELMY, Conseiller ;
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision en date du 31 janvier 1994, postérieure à l'introduction de la requête, le Directeur des Services Fiscaux de l'Oise a prononcé les dégrèvements en droits et pénalités, à concurrence des sommes de 2 602F pour 1982, 2 118F pour 1983, 1 865F pour 1984 et 1 663F pour 1985, des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. X... a été assujetti au titre desdites années ; que les conclusions relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le Tribunal Administratif d'Amiens saisi du litige de M. X... a répondu à l'ensemble des griefs invoqués tant à l'encontre de la motivation de redressement que sur la charge de la preuve et la prétendue substitution de base légale à laquelle aurait procédé l'administration en cours d'instruction ; qu'il a écarté la demande d'expertise comme superfétatoire ; qu'il n'a entaché sa décision d'aucune contradiction de motifs entre le dispositif et les motifs de sa décision fondée sur l'absence de production de justification de frais professionnels ; que les moyens tirés par M. X... de l'irrégularité du jugement attaqué doivent par suite être écartés ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Sur les moyens tirés de l'insuffisance de la motivation de la notification de redressements et de la réponse aux observations du contribuable :
Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée" ;
Considérant que par sa notification en date du 17 décembre 1986 le service a remis en cause, sous le régime de la procédure contradictoire, le bien-fondé de la déduction des frais professionnels dont M. et Mme X... s'étaient prévalus chacun en ce qui le concerne ;
En ce qui concerne la déduction des frais professionnels de M. X... :
Considérant que s'agissant des frais professionnels afférents à l'activité de M. X..., le service a énoncé le motif pour lequel le principe même de cette déduction n'était pas accepté et a permis au contribuable de formuler utilement ses observations, ainsi qu'il l'a fait le 27 décembre 1986 ; que le service a répondu de manière détaillée à l'observation formulée sur le caractère mobile de l'emploi et la permanence du lieu de travail ; que M. X... ne peut se prévaloir sur ce point d'aucune irrégularité ;

Considérant toutefois que par une lettre adressée à M. X... le 13 août 1987, l'administration lui a demandé de justifier des frais de déplacement qu'il soutient avoir exposés pour se rendre sur les divers chantiers sur lesquels il travaillait ; que cette demande, dans les circonstances où elle est intervenue, avait pour seul objet de permettre l'instruction de la réclamation de M. X... et notamment de permettre à l'administration de vérifier qu'il remplissait bien toutes les conditions d'admissibilité des frais réels en déduction des revenus perçus ; que, l'administration n'ayant à aucun moment de la procédure contentieuse réitéré le motif des redressements mentionné dans la notification de redressements et tiré du caractère de convenance personnelle qu'aurait revêtu le choix par M. X... d'un domicile éloigné de ses lieux de travail, elle doit être regardée comme ayant abandonné ce motif ; qu'il résulte de la position prise par elle devant le juge de l'impôt qu'elle a substitué à ce motif un motif nouveau tiré de ce que M. X..., pour n'avoir pas répondu à la demande ci-dessus mentionnée, n'avait pas justifié de la réalité des frais dont il demande la déduction ;
Considérant que l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier les redressements opérés en se fondant sur des motifs différents de ceux qui étaient indiqués dans la notification de redressements ; qu'il suit de là que le changement de motifs ainsi opéré par l'administration, qui n'est ni une substitution de base légale, ni une compensation, n'affecte pas la régularité de la procédure d'imposition en tant qu'elle concerne les redressements opérés au titre des années 1982, 1983 et 1984 ; que, par contre, en ce qui concerne les redressements opérés au titre de l'année 1985, pour laquelle les impositions supplémentaires n'ont été mises en recouvrement que le 31 août 1987, l'administration ne pouvait, antérieurement à l'établissement de l'impôt, modifier les motifs des redressements qu'elle avait exposé dans sa notification qu'en procédant à une nouvelle notification de redressement ; que, faute d'une telle notification, la procédure d'imposition qui a abouti à la réintégration dans la base d'imposition de l'année 1985 d'une somme de 45 325F correspondant au montant des frais réels de déplacement déclarés par M. X... est irrégulière ; qu'il y a lieu en conséquence de réduire de ce montant la base d'imposition de ladite année ;
En ce qui concerne la déduction des frais professionnels de Mme X... :

Considérant par contre que, par la même notification de redressement, le service a informé Mme X... qu'il retenait les frais professionnels qu'elle avait déclarés, en limitant toutefois le nombre de jours à prendre en compte à 230, au lieu de 283, et en réduisant à 10, au lieu de 30, le nombre de kilomètres journaliers admis ;
Considérant que sur ces deux points, le service n'a pas énoncé les motifs de fait qui le conduisaient à remettre en cause la déclaration de Mme X... ; que, par suite, la notification n'a pas sur ces points respecté les prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, M. X... est fondé à demander que les bases d'imposition du foyer fiscal dans la catégorie des traitements et salaires soient réduites et soient fixées en considération d'une part du montant des frais kilométriques déclarés et, d'autre part, du nombre des repas pris à l'extérieur indiqué dans la déclaration, soit 283 ;
Considérant toutefois que, pour le calcul de la réduction qu'il appartient à la Cour de prononcer, l'administration est fondée à soutenir que, faute pour M. X... d'avoir produit les justificatifs des dépenses de repas réellement exposées, le coût de chaque repas doit être fixé au montant forfaitaire indiqué par elle ; que le montant des frais réels exposés par Mme X... et à admettre en déduction s'élève, sur ces deux chefs de dépense, à 566 F et 841 F pour 1982, à 662 F et 918 F pour 1983, à 721 F et 995 F pour 1984 et à 933 F et 1 054 F pour 1985 ;
En ce qui concerne les charges déductibles du revenu global :
Considérant que le redressement concernant les charges déductibles du revenu global a été opéré sous le régime de la taxation d'office ; qu'une telle procédure n'obligeant pas le service à répondre aux observations du contribuable, l'inadéquation observée sur ce point entre la réponse du contribuable et la confirmation des redressements n'est pas susceptible d'affecter la régularité de la procédure d'imposition ;
Sur la charge de la preuve et sur le bien-fondé des redressements opérés dans la catégorie des traitements et salaires :
En ce qui concerne les déductions opérées sur les salaires de M. X... :
Considérant que, lorsqu'elle pratique dans le cadre de la procédure contentieuse une substitution de motifs, l'administration supporte la charge de la preuve des faits qui sont susceptibles de justifier les nouveaux motifs invoqués par elle ;
Considérant qu'aux termes de l'article 83-3 du code général des impôts : "le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés ... 3°/ les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels ..." ;

Considérant que la preuve dont l'administration supporte la charge doit être rapportée à l'obligation que font peser les dispositions sus-reproduites de l'article 83-3 du code général des impôts, sur tout contribuable qui les invoque, de justifier de la réalité des frais dont il demande la déduction ;
Considérant que la circonstance que M. X... aurait exercé un emploi "mobile" n'est pas de nature à l'exonérer de l'obligation qui pèse sur lui d'apporter, notamment par la production de documents émanant de son entreprise, la justification de ses lieux de travail successifs, de la durée de ses séjours sur les chantiers et qu'il a personnellement supporté les frais correspondant ; que, dès lors, l'administration rapporte la preuve dont elle a la charge en se bornant à relever que le contribuable n'a pas, malgré l'invitation qui lui en a été faite, justifié de cette réalité ;
En ce qui concerne les déductions opérées sur les salaires de Mme X... :
Considérant, en second lieu, que Mme X... n'apporte aucun élément de nature à justifier que sa profession de manutentionnaire imposait le port de blouses dont la fourniture lui incombait ; que, dès lors, elle ne justifie pas que les dépenses exposées pour les acheter entraient dans la catégorie des frais inhérents à la profession ou à l'emploi au sens des dispositions sus-reproduites de l'article 83-3 du code général des impôts et n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé de les admettre en déduction de ses salaires imposables ;
Sur le bien-fondé des redressements afférents aux charges déductibles du revenu global :
Considérant, en premier lieu, que si l'article 199sexies1°a du code général des impôts et l'article 156-II-1bis dans sa rédaction en vigueur pour 1982 autorisent la prise en compte des intérêts d'emprunts afférents aux prêts contractés pour l'acquisition de la résidence principale, cette déduction ne peut toutefois être accordée que si le contribuable justifie par la production d'une attestation bancaire annuelle de la réalité des versements d'intérêts dont il se prévaut ; que la production par lui d'un tableau d'amortissements établi par sa banque n'est pas, à elle seule, de nature à justifier que le contribuable s'est acquitté des obligations dont il était redevable en sa qualité de titulaire de l'emprunt correspondant ; qu'en lui opposant cette absence de justification, l'administration n'a jeté aucune suspicion sur la réalité ou sur la portée du contrat de prêt et était en droit de refuser, pour ce motif, la déduction des intérêts en cause, sans que M. X... soit fondé à soutenir que l'administration n'aurait pu retenir cette position qu'après avoir mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit ;

Considérant, en second lieu, que si les dépenses d'économie d'énergie réalisées en 1982 peuvent donner lieu à déduction en application des article 156-II-1°quater et 199sexies du code général des impôts, cette déduction est soumise, conformément aux règles qui gouvernent la charge de la preuve en matière de déduction de charges, à la double condition que soient présentées les factures permettant l'examen de la nature des dépenses ainsi réalisées et que le contribuable justifie que lesdites dépenses sont conformes aux dépenses autorisées au titre de l'article 17-H de l'annexe du code général des impôts, lequel dresse une liste limitative des travaux et matériels ouvrant droit à déduction, ainsi que l'ont expressément prévu les dispositions législatives en vigueur, auxquelles ledit article n'ajoute pas ; que faute d'avoir produit les pièces justificatives desdits travaux et acquisitions de matériels, M. X... n'a pas mis en mesure l'administration de procéder à l'examen des dépenses réalisées ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise demandée, qui ne pourrait présenter qu'un caractère frustratoire, les conclusions de la requête ne peuvent sur ce point qu'être rejetées ;
Considérant enfin que l'inadéquation observée entre la réponse du contribuable et la confirmation des redressements opérés en matière de revenu global n'est pas de nature à révéler une exagération de la base d'imposition ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a refusé de lui accorder la réduction des frais professionnels exposés par son épouse, dans les limites énoncées plus haut ; que, pour le surplus, sa requête ne peut qu'être rejetée ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'affaire d'accorder à M. X... au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel une somme de 4 000F ;
Article 1 : A concurrence des sommes de 2 602F pour 1982, 2 118F pour 1983, 1 865F pour 1984 et 1 663F pour 1985 en ce qui concerne les compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. X... a été assujetti, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Article 2 : Les bases de l'impôt sur le revenu assignées à M. X... sont réduites de 1 407F au titre de l'année 1982, 1 580F pour 1983, 1 716F pour 1984, 45 325F et 1 987F pour 1985.
Article 3 : M. X... est déchargé des droits et pénalités correspondant aux réductions des bases d'imposition définies à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 15 septembre 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 4 000F au titre des frais irrépétibles.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93NC01080
Date de la décision : 06/06/1996
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - NOTIFICATION DE REDRESSEMENT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - TRAITEMENTS - SALAIRES ET RENTES VIAGERES - DEDUCTIONS POUR FRAIS PROFESSIONNELS.


Références :

CGI 83, 156
CGI Livre des procédures fiscales L57
CGIAN4 17
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme FELMY
Rapporteur public ?: M. COMMENVILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1996-06-06;93nc01080 ?
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