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14/03/1996 | FRANCE | N°93NC00729

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 14 mars 1996, 93NC00729


(Deuxième Chambre)
VU la requête, enregistrée le 2 août 1993 à la Cour, présentée pour la S.A.R.L. INTER SELECTION dont le siège social est à Lys-lez-Lannoy (Nord) - Zone Industrielle de Roubaix-Est, rue de Toufflers, par Me DELTOUR, avocat au Barreau de Lille ;
La S.A.R.L. INTER SELECTION demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement en date du 11 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à la décharge de l'avis de mise en recouvrement du 13 juin 1986 auquel elle a été assujettie à raison des retenues à la source dont e

lle a été rendue débitrice au titre des exercices 1981, 1982, 1983 et 1984 ...

(Deuxième Chambre)
VU la requête, enregistrée le 2 août 1993 à la Cour, présentée pour la S.A.R.L. INTER SELECTION dont le siège social est à Lys-lez-Lannoy (Nord) - Zone Industrielle de Roubaix-Est, rue de Toufflers, par Me DELTOUR, avocat au Barreau de Lille ;
La S.A.R.L. INTER SELECTION demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement en date du 11 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à la décharge de l'avis de mise en recouvrement du 13 juin 1986 auquel elle a été assujettie à raison des retenues à la source dont elle a été rendue débitrice au titre des exercices 1981, 1982, 1983 et 1984 au titre des intérêts versés à des personnes non domiciliées en France ;
2°) - d'accorder la décharge demandée ;
3°) - d'accorder le remboursement des frais exposés ;
VU le jugement attaqué ;
VU le mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 1993, présenté par le ministre du budget ; le ministre conclut au rejet de la requête ;
VU le mémoire en réplique, enregistré le 6 décembre 1993, présenté pour la S.A.R.L. INTER SELECTION ; il conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
VU le 2ème mémoire en défense, enregistré le 6 février 1996, présenté par le ministre de l'économie et des finances, tendant aux mêmes fins que le premier mémoire, par les mêmes moyens ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la convention fiscale entre la France et la République Fédérale d'Allemagne du 21 juillet 1959, ensemble la loi du 7 juillet 1961 et le décret du 31 octobre 1961 ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 1996 :
- le rapport de Mme FELMY, Conseiller ;
- les observations de Me DELTOUR, avocat de la requérante ;
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : "Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : ... b. Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c. Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. Si elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit ou ne s'est pas rangée à l'avis de ce comité, il lui appartient d'apporter la preuve du bien-fondé du redressement" ; que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;
Considérant que par une convention souscrite le 12 décembre 1980, la S.A.R.L. INTER SELECTION dont le siège est à Lys-lez-Lannoy dans le département du Nord, a emprunté à la société Kurfürst Verlag, faisant partie du même groupe multinational et dont le siège est à Keulen (Allemagne), une somme de 5 000 000 de francs suisses moyennant un intérêt de 7,75 % ; qu'elle s'est acquittée des intérêts dus au titre des années 1981 à 1984 auprès de cette société en faisant application de l'article 10, paragraphe 1 de la convention franco-allemande du 21 juillet 1959 modifiée aux termes duquel : "les intérêts et autres produits des obligations, bons de caisse, prêts et dépôts ou de toutes autres créances, assortis ou non de garanties hypothécaires, ne sont imposables que dans l'Etat contractant dont le bénéficiaire est résident" et en ne soumettant pas, en conséquence, les intérêts payés à la société de droit allemand aux dispositions de l'article 125-A-III du code général des impôts portant retenue à la source sur les revenus encaissés par des personnes morales n'ayant pas leur siège social en France ;

Considérant que l'administration, par la mise en oeuvre de l'assistance internationale, a eu connaissance du contrat conclu le 11 décembre 1980 entre la société Vendo Finance SA dont le siège est à Curaçao et la société Kurfürst Verlag aux termes duquel cette dernière a emprunté une somme de 6 000 000 de francs suisses moyennant un intérêt de 7,5 % l'an, prévoyant aux termes de son préambule que "l'emprunteur (Kurfürst Verlag) pour une somme de 5 000 000 de francs suisses, sera dans la possibilité de conclure à sa charge un contrat de prêt avec la société de droit français INTER SELECTION S.A.R.L." ; que l'administration a considéré que le contrat conclu le 12 décembre 1980 entre l'entreprise allemande et française, qui n'entretenaient aucune relation commerciale ou financière, lui était inopposable et avait pour seul objet d'éluder le prélèvement visé à l'article 125-A-III du code général des impôts et de masquer l'origine réelle des fonds alors que les intérêts versés ont profité effectivement et exclusivement à la société Vendo Finance à Curaçao ;
Considérant que si l'administration, en produisant l'acte de prêt établi entre la société Vendo Finance et la société Kurfürst Verlag, démontre que les fonds prêtés à INTER SELECTION provenaient de l'emprunt que la société Kurfürst Verlag avait elle-même effectué auprès de la société Vendo Finance et dont à concurrence des 5 000 000 de francs suisses, la société INTER SELECTION était bénéficiaire, les intérêts étant versés par la société Kurfürst Verlag à la société Vendo Finance en ne conservant pour elle-même qu'une rémunération de 0,25 %, elle n'établit pas que, eu égard à sa situation et à ses activités, soit la société INTER SELECTION disposait des moyens juridiques lui permettant de souscrire un contrat de prêt directement avec la société Vendo Finance, soit que ce contrat n'était pas souscrit dans l'intérêt de la société INTER SELECTION ; que si le contrat souscrit avec Kurfürst Verlag a eu pour principal effet de soustraire les intérêts du prêt aux dispositions de l'article 125-A-III du code général des impôts, il n'est pas démontré qu'il a été inspiré par aucun autre motif que celui d'atténuer les charges fiscales qu'auraient eu à subir INTER SELECTION dans le cadre d'une convention souscrite avec Vendo Finance ; que ni le fait que les sociétés allemandes et françaises n'aient eu entre elles des relations commerciales ou financières, ni le fait que la société allemande ait prêté ces fonds à la société française ne sont susceptibles de démontrer l'existence d'un abus de droit, seul fondement juridique de l'imposition invoqué par l'administration ; que c'est à tort, en conséquence, que l'administration a soumis au prélèvement visé à l'article 125-A-III du code général des impôts les intérêts versés par la société INTER SELECTION à la société Kurfürst Verlag ; qu'il y a lieu d'accorder à la requérante la décharge de l'imposition à laquelle elle a été assujettie par avis de mise en recouvrement du 13 juin 1986 pour un montant de droits et pénalités de 4 659 779 F restant à sa charge après le dégrèvement prononcé au cours de l'instance devant les premiers juges ;
Sur les frais :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que la société n'a pas chiffré le montant de sa demande ; que celle-ci ne peut être que rejetée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A.R.L. INTER SELECTION est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à la décharge de l'avis de mise en recouvrement auquel elle a été assujettie le 13 juin 1986 pour un montant de 4 659 779 F et à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 11 mai 1993 est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la société INTER SELECTION la décharge des droits et pénalités mis en recouvrement le 13 juin 1986 auxquels elle a été assujettie au titre des années 1981 à 1984 pour un montant de 4 659 779 F.
Article 3 : La demande tendant à la condamnation de l'Etat au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A.R.L. INTER SELECTION et au ministre délégué au budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93NC00729
Date de la décision : 14/03/1996
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - CONVENTIONS INTERNATIONALES.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - ABUS DE DROIT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES - REVENUS DISTRIBUES - NOTION DE REVENUS DISTRIBUES - IMPOSITION DE LA PERSONNE MORALE DISTRIBUTRICE.


Références :

CGI 125 A
CGI Livre des procédures fiscales L64
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Convention fiscale du 21 juillet 1959 France Allemagne (République Fédérale) art. 10


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme FELMY
Rapporteur public ?: M. COMMENVILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1996-03-14;93nc00729 ?
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