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06/03/1996 | FRANCE | N°94NC01326

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 06 mars 1996, 94NC01326


(Deuxième Chambre)
VU, rendu le 17 juin 1994, l'arrêt par lequel le Conseil d'Etat, statuant sur le pourvoi en cassation présenté pour la SOCIETE "NORD ECLAIR", société anonyme, dont le siège social est ..., représentée par son Président-directeur général en exercice, par la SCP de CHAISEMARTIN-COURJON, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, a annulé l'arrêt en date du 2 octobre 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 29 août 1988 qui a rejet

sa demande en décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel...

(Deuxième Chambre)
VU, rendu le 17 juin 1994, l'arrêt par lequel le Conseil d'Etat, statuant sur le pourvoi en cassation présenté pour la SOCIETE "NORD ECLAIR", société anonyme, dont le siège social est ..., représentée par son Président-directeur général en exercice, par la SCP de CHAISEMARTIN-COURJON, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, a annulé l'arrêt en date du 2 octobre 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 29 août 1988 qui a rejeté sa demande en décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices ... ;
VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 octobre 1988 sous le numéro 102 931 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2février 1989, présentés pour la société NORD-ECLAIR ;
La société demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 29 août 1988 par lequel le tribunal administratif de LILLE a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1979, 1980 et 1981 sous les rôles n° 500124 à 500126 de la commune de Roubaix ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
VU le mémoire en défense, enregistré le 10 avril 1990, présenté par le Ministre délégué chargé du budget et tendant au rejet de la requête ;
VU le mémoire en réplique enregistré le 25 juillet 1990 présenté pour la société "Nord Eclair" tendant aux mêmes fins que la requête ;
VU les observations en réplique enregistrées le 18 septembre 1990 présentées pour la société Nord Eclair tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
VU le mémoire enregistré le 13 novembre 1990 présenté pour l'Etat par le ministre de l'économie des finances et du budget et tendant au maintien de ses précédentes conclusions ;
Le ministre précise que si la société se réfère aux dispositions de la loi de finances pour 1988, en l'espèce l'administration a appliqué les dispositions législatives en vigueur lors des faits a l'origine des impositions contestées ;
VU, enregistré au greffe le 19 décembre 1994, le mémoire présenté pour la société NORD ECLAIR et tendant aux mêmes fins que ses précédents mémoires, et demandant la condamnation de l'ETAT à lui verser 15.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU, enregistré le 24 avril 1995, le mémoire présenté pour l'Etat par le ministre du budget et tendant au maintien de ses précédentes conclusions ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 1996 :
- le rapport de M. GOTHIER, président-rapporteur,
- les observations de Maître de CHAISEMARTIN, avocat de la Société NORD-ECLAIR,
- et les conclusions de M.COMMENVILLE commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société NORD-ECLAIR et la société Presse-Nord, dont les capitaux respectifs étaient détenus en quasi-totalité par le groupe "SOC PRESSE",avaient conclu un accord aux termes duquel la société NORD ECLAIR facturait au prix de revient l'impression des journaux parisiens du groupe à la société Presse-Nord, cette dernière refacturant cette impression aux sociétés intéressées après application d'une marge bénéficiaire de 45% ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société NORD ECLAIR portant sur les exercices clos en 1978, 1979, 1980 et 1981, l'administration estimant que l'opération n'était pas conforme à l'intérêt de la société NORD ECLAIR et constituait un acte anormal de gestion a réintégré dans les résultats de ladite société au titre de l'exercice 1981 la somme de 2 034 316 F correspondant au bénéfice qui aurait dû être appréhendé par la société NORD ECLAIR ; que cette dernière demande la décharge des impositions supplémentaires qui lui ont été assignées au titre de l'exercice 1981 ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Sur l'acte anormal de gestion :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par une société, à l'exception de celles qui, en raison de leur nature ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que, dans la mesure où ces dernières ont eu pour effet de diminuer le bénéfice net de la société en réduisant ses profits ou en augmentant ses charges, il y a lieu de procéder aux réintégrations correspondantes pour la détermination du bénéfice net imposable ;
Considérant que si l'appréciation du caractère anormal d'un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ; que ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve ;
Considérant que le différend né du refus par la SOCIETE "NORD ECLAIR" du redressement qui lui a été notifié a été soumis à l'examen de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que cette commission n'a pas admis le bien-fondé de l'appréciation des faits à laquelle s'était livrée l'administration ; qu'il suit de là que l'administration, qui n'a pas suivi l'avis de la commission départementale, a la charge d'établir les faits d'où résulterait l'acte anormal de gestion qu'elle invoque ;

Considérant que la société NORD ECLAIR expose :
- que les travaux d'impression qu'elle assure au profit de la société PRESSE NORD représentent 30 % de son chiffre d'affaires et contribuent de façon essentielle à assurer le plein emploi du personnel et la rentabilisation des matériels d'impression, lesquels ont été l'objet d'investissements importants réalisés par le groupe SOC PRESSE ;
- que la pérennité de la société requérante est conditionnée par la survie de la société PRESSE NORD ; que, compte tenu des difficultés rencontrées par cette dernière, l'avantage qui lui est consenti en lui facturant au prix de revient les travaux d'impression effectués pour elle n'est ainsi, pour la société requérante, pas dépourvu de contrepartie ;
Considérant que, de son côté, l'administration qui, comme il a été dit plus haut, supporte la charge de la preuve, et qui soutient que l'opération aurait pour objet le transfert entre filiales du groupe SOCPRESSE de bénéfices vers une société déficitaire, oppose,à cette invocation par NORD ECLAIR de son intérêt propre d'une part que la perte éventuelle de 30 % de son chiffre d'affaires serait compensée par une diminution corrélative de ses charges et, d'autre part, qu'une organisation différente des flux économiques et financiers à l'intérieur du groupe SOC PRESSE permettrait d'atteindre par des voies plus orthodoxes l'objectif de survie de la société PRESSE NORD ;
Considérant, sur le premier point, que l'administration qui, notamment, ne donne aucune indication sur la prise en compte des nécessités de la rentabilisation des investissements ni sur la flexibilité des effectifs, ne peut être regardée comme ayant établi, par une simple affirmation, que la société NORD ECLAIR trouverait, dans une diminution des charges supportées par elle, une contrepartie à la perte éventuelle de la clientèle de PRESSE NORD de nature à écarter les risques que lui ferait courir la perte de 30 % de son chiffre d'affaires ;
Considérant, sur le second point, qu'à supposer même que des relations économiques et financières différentes au sein du groupe SOC PRESSE pourraient être de nature à permettre à NORD ECLAIR d'atteindre ses objectifs, l'administration ne peut utilement, dès lors qu'elle ne démontre pas, ni d'ailleurs ne soutient, que la société requérante aurait la maîtrise de ces relations dans le groupe, s'appuyer sur l'hypothèse d'une organisation alternative des flux économiques et financiers au sein de celui-ci pour démontrer l'anormalité d'une décision de gestion qui, compte tenu de la part qu'occupent dans la formation du chiffre d'affaires de la société requérante les travaux d'impression effectués par elle pour PRESSE NORD, ne peut a priori pas être regardée comme dépourvue de contrepartie directe pour l'entreprise concernée, ni, par là même, comme ayant pour seul objectif le transfert entre filiales, au sein du groupe SOCPRESSE de bénéfices sur une société déficitaire ;

Considérant qu'aucun des deux arguments invoqués par elle n'a ainsi permis à l'administration d'apporter la preuve de l'anormalité de l'acte de gestion à l'origine des impositions supplémentaires contestées ; que, par suite, il y a lieu d'accorder à la société NORD ECLAIR la décharge de ces impositions ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande de la société et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 15 000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1 : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société NORD ECLAIR sont réduites de 2 034 316 F pour l'exercice clos en 1981.
Article 2 : Il est accordé à la société NORD ECLAIR la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de l'impôt sur les sociétés pour l'année 1981 à concurrence de la réduction des bases prévue a l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 29 août 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société NORD ECLAIR et ministre délégué au budget, porte parole du Gouvernement.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94NC01326
Date de la décision : 06/03/1996
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-083 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - RELATIONS ENTRE SOCIETES D'UN MEME GROUPE


Références :

CGI 38, 209
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. GOTHIER
Rapporteur public ?: M. COMMENVILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1996-03-06;94nc01326 ?
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