La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/03/1996 | FRANCE | N°93NC01073

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 06 mars 1996, 93NC01073


(Deuxième Chambre)
Vu, enregistrée au greffe de la Cour, le 2 novembre 1993, sous le n° 93NC01073, le recours présenté par le MINISTRE DU BUDGET ;
Le Ministre demande à la Cour :
A titre principal :
- d'annuler le jugement en date du 1er juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Lille a accordé à la Sarl Cabinet Comptable de la Vallée de la Lys, la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1983, 1984 et 1985, et, demeurés à sa charge ;
- de remettre intégralement à la charge de cett

e société, les impositions demeurant dues à la date de ce jugement pour des montan...

(Deuxième Chambre)
Vu, enregistrée au greffe de la Cour, le 2 novembre 1993, sous le n° 93NC01073, le recours présenté par le MINISTRE DU BUDGET ;
Le Ministre demande à la Cour :
A titre principal :
- d'annuler le jugement en date du 1er juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Lille a accordé à la Sarl Cabinet Comptable de la Vallée de la Lys, la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1983, 1984 et 1985, et, demeurés à sa charge ;
- de remettre intégralement à la charge de cette société, les impositions demeurant dues à la date de ce jugement pour des montants respectifs, en droits et pénalités de :
- 508 384 F au titre de l'exercice 1983 ;
- 250 099 F au titre de l'exercice 1984 ;
- 176 319 F au titre de l'exercice 1985 ;
A titre subsidiaire :
- de remettre à la charge de la société précitée, sur le fondement des dispositions combinées des articles 38-2, 38-2bis et 38-3 du code général des impôts, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, à concurrence de bases s'établissant à :
- 404 817 F pour l'exercice 1983 - 84 302 F pour l'exercice 1984 - 30 235 F pour l'exercice 1985
Vu, enregistré au greffe de la Cour le 10 janvier 1994, le mémoire en réponse par lequel la Sarl Cabinet Comptable de la Vallée de la Lys conclut :
- à titre principal à ce que le recours soit rejeté comme ayant été présenté au-delà du délai de deux mois dont disposait le ministre pour faire appel du jugement attaqué ; ce dernier lui a été notifié le 1er juillet 1993, alors que le mémoire d'appel n'a été déposé que le 2 novembre 1993 au greffe de la Cour ;
- à titre subsidiaire au rejet de la requête par les moyens que :
- les retards de déclaration invoqués sont minimes et ne justifiaient pas une procédure de taxation d'office des résultats de la société ;
- la comptabilité était régulière, dès lors que, pour un prestataire de services le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée est constitué par les encaissements ;
Vu, enregistré au greffe le 18 juillet 1994, le mémoire complémentaire par lequel le ministre confirme ses conclusions et moyens initiaux ;
Vu, enregistré au greffe le 3 avril 1995, le mémoire complémentaire par lequel la société confirme ses conclusions et moyens tendant au maintien du jugement attaqué ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 1996 :
- le rapport de M. BATHIE, Conseiller-rapporteur,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée au recours du ministre du budget par la contribuable, et tirée du dépassement du délai d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales : "A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre"
Considérant qu'il ressort de l'instruction que le jugement attaqué du tribunal administratif de Lille a été notifié au directeur des services fiscaux du Nord-Valenciennes, le 13 juillet 1993 ; qu'en application de dispositions précitées de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales, le ministre disposait d'un délai de quatre mois pour faire appel de ce jugement, à compter de cette notification ; que le mémoire introductif d'appel du ministre déposé au greffe de la Cour le 2 novembre 1993, n'est donc pas tardif ; que la fin de non-recevoir pour tardiveté opposée à cette requête par la société requérante doit par suite être écartée ;
Sur la solution déduite par le tribunal administratif des dispositions de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 décembre 1986 : "Sont taxés d'office : ... 2e A L'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration de résultats ..." ;

Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, la Sarl Cabinet Comptable de la Vallée de la Lys a été taxée d'office à l'impôt sur les sociétés, sur ses résultats des exercices 1983, 1984 et 1985, au titre desquels ses déclarations avaient été déposées au delà du délai légal ; que si la loi n° 86-1307 du 30 décembre 1986 a amendé les dispositions de l'article L. 66-2e précité, en exigeant désormais que le service, pour pouvoir mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office, ait préalablement procédé à une mise en demeure de déposer les déclarations tardives, non suivie d'effet dans un délai de trente jours, ces nouvelles dispositions, entrées en vigueur à compter du 1er janvier 1987, n'étaient pas applicables en l'espèce dès lors que le délai de déclaration le plus récent pour les trois exercices en litige se trouvait expiré dès le 1er avril 1986, soit avant l'entrée en vigueur de la loi ; que les dispositions de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992 n'ont eu ni pour objet, ni pour effet de rendre rétroactivement applicables les dispositions de la loi du 30 décembre 1986 relatives à la mise en demeure préalable ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé pour vice de procédure les redressements d'impôts sur les sociétés en litige, au motif que les nouvelles dispositions de l'article L. 66-2e du livre des procédures fiscales, issues de la loi n° 86-1307 du 30 décembre 1986, auraient été méconnues ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société contribuable devant le tribunal administratif ;
Sur la régularité de la procédure de taxation d'office mise en oeuvre à l'encontre de la société :
Considérant en premier lieu que l'administration soutient que la société requérante n'avait adressé, pour les exercices en cause, ses déclarations de résultat que plusieurs mois après la date limite de déclaration ; que si la société soutient pour sa part qu'elle aurait adressé ses déclarations dans le délai légal, elle n'apporte à l'appui de ses allégation aucun commencement de preuve ;
Considérant en deuxième lieu que, comme il a été indiqué précédemment, l'administration n'était pas tenue d'adresser une mise en demeure à la contribuable avant de la taxer d'office pour défaut de déclaration de résultats dans le délai légal ;
Considérant en troisième lieu que, à l'époque des redressements en litige, le visa d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal, n'était exigé que pour l'engagement d'une procédure de rectification d'office conformément aux dispositions combinées des articles L. 75 et R. 75-1 du livre des procédures fiscales ; que cette procédure n'a pas été mise en oeuvre à l'encontre de la contribuable ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de visa d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal sur la notification des redressements est inopérant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Sarl Cabinet Comptable de la Vallée de la Lys n'est pas fondée à soutenir que l'administration a irrégulièrement mis en oeuvre, pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés dont elle était redevable au titre des exercices 1983 à 1985, la procédure de taxation d'office ;
Sur le bien-fondé des redressements d'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'il incombe à la société contribuable, en raison de la procédure de taxation d'office mise en oeuvre à son égard, d'établir l'exagération des nouvelles bases de l'impôt auquel elle a été assujettie, au titre des exercices 1983, 1984 et 1985, conformément à l'article L. 193 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne les avances en compte courant consenties au gérant :
Considérant que le vérificateur a constaté que le compte courant ouvert, dans les écritures de la société, au nom du gérant, M. X..., présentait un solde débiteur, de février à novembre 1983 ; que si la société soutient que ces opérations correspondaient en fait à des versements de salaires, elle n'apporte aucune justification à l'appui de ce moyen ; que la circonstance que M. X... remboursait en fin d'année le solde débiteur de son compte courant n'était pas de nature à ôter aux sommes en cause leur caractère d'avances consenties au gérant ; que, dans ces conditions, et eu égard notamment à l'importance des avances en cause, qui se sont élevées à 932.444 F, l'administration est fondée à soutenir que la renonciation de la société à percevoir des intérêts sur les sommes ainsi avancées constituait une pure libéralité étrangère à une gestion normale et a donc pu, à bon droit, réintégrer dans le bénéfice imposable de la société, le montant des intérêts au taux normal qu'elle a renoncé à percevoir pour ces avances, intérêts qui s'élèvent au montant non contesté de 9 166 F ;
En ce qui concerne les exercices de rattachement des recettes de l'entreprise :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'effet des dispositions de l'article 209-1 du même code : "2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées. 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont l'achèvement des prestations pour les fournitures de services" ;

Considérant que, dès lors que, en raison de sa forme sociale, la société requérante était assujettie à l'impôt sur les sociétés, il résulte des dispositions susreproduites que les produits de ses activités de prestataire de service devaient être rattachés à l'exercice au cours duquel est intervenu l'achèvement des prestations de service ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, cet achèvement ne résulte que de l'exécution par le prestataire de ses propres obligations et ne dépend pas de l'exécution par la partie co-contractante des obligations auxquelles elle est en contrepartie tenue, à savoir notamment le paiement ; que, sauf circonstances particulières que la société requérante n'établit pas, cet achèvement des prestations correspond pratiquement à l'établissement des factures, venant concrétiser les créances acquises de l'entreprise ;
Considérant que, dès lors qu'il avait constaté, en ce qui concerne l'agence de RONCQ, que l'enregistrement des produits était réalisé selon les encaissements, le vérificateur était fondé à corriger la comptabilité présentée et à la baser sur les créances acquises, afin de se conformer aux exigences légales susévoquées ; que, si la société invoque la circonstance que plusieurs factures auraient été annulées postérieurement à leur établissement, à la suite notamment de la défaillance des débiteurs, elle n'établit pas que, à la date de l'achèvement des prestations, les produits correspondant n'auraient pas procédé de telles créances acquises, devant être rattachées à l'exercice en cours indépendamment de leur évolution ultérieure ; qu'en particulier, la mise en oeuvre de procédures de règlement ou de liquidation judiciaire à l'encontre de certains débiteurs, si elle peut, à certaines conditions, justifier la constitution d'une provision, ne suffit pas, à elle seule, et à défaut d'autres données, à faire regarder la créance comme entièrement et définitivement irrécouvrable ;
Considérant par ailleurs que le service a corrigé les erreurs matérielles qui lui ont été signalées ;
Considérant enfin, en ce qui concerne l'agence d'HALLUIN, que le service était fondé à rattacher à l'exercice 1983, les produits des prestations exécutées pour lesquelles la créance correspondante avait été déterminée avant le 31 décembre de cette même année, et qui avaient été enregistrés indûment parmi les produits de l'exercice 1984 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 1er juillet 1993, le Tribunal administratif de Lille a accordé à la Sarl Cabinet Comptable de la Vallée de la Lys, la décharge des suppléments d'impôts sur les sociétés demeurés à sa charge ; qu'il y a lieu de remettre ces impositions à la charge de la contribuable ;
Par ces motifs,
Article 1er : Les suppléments d'impôt sur le revenu auxquels la Sarl Cabinet Comptable de la Vallée de la Lys a été assujettie au titre des exercices 1983, 1984 et 1985, sont remis à sa charge, à concurrence des montants respectifs ci-après : - au titre de l'exercice 1983 : 402 680 F en droits et 105 704 F en intérêts de retard, - au titre de l'exercice 1984 : 211 655 F en droits et 38 444 F d'intérêts de retard, - au titre de l'exercice 1985 : 162 881 F en droits et 13 438 F d'intérêts de retard.
Article 2 : Le jugement susvisé du 1er juillet 1993 du Tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Cabinet Comptable de la Vallée de la Lys et au ministre délégué au budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93NC01073
Date de la décision : 06/03/1996
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT OU INSUFFISANCE DE DECLARATION.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES - DETERMINATION DU BENEFICE IMPOSABLE.


Références :

CGI 38, 209
CGI Livre des procédures fiscales R200-18, L66, L75, R75-1, L193
Loi 86-1307 du 30 décembre 1986
Loi 92-1376 du 30 décembre 1992 art. 108


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BATHIE
Rapporteur public ?: M. COMMENVILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1996-03-06;93nc01073 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award