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09/11/1995 | FRANCE | N°93NC01119

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 09 novembre 1995, 93NC01119


(Deuxième Chambre)
VU la requête, enregistrée le 19 novembre 1993, présentée pour M. Jacques Y... domicilié ... ;
M. Y... demande à la Cour :
1°) - de réformer le jugement en date du 5 octobre 1993 du tribunal administratif de Strasbourg :
- d'une part, en tant que l'article 1er de ce jugement prévoit la compensation entre des honoraires de consultation faisant l'objet d'une décharge d'impôt et des revenus de même nature, non déterminés, perçus durant l'année 1983 ;
- d'autre part, en tant que l'article 2 du même jugement lui refuse la décharge d'un suppl

ément d'impôt correspondant à la réintégration, dans son revenu imposable au titr...

(Deuxième Chambre)
VU la requête, enregistrée le 19 novembre 1993, présentée pour M. Jacques Y... domicilié ... ;
M. Y... demande à la Cour :
1°) - de réformer le jugement en date du 5 octobre 1993 du tribunal administratif de Strasbourg :
- d'une part, en tant que l'article 1er de ce jugement prévoit la compensation entre des honoraires de consultation faisant l'objet d'une décharge d'impôt et des revenus de même nature, non déterminés, perçus durant l'année 1983 ;
- d'autre part, en tant que l'article 2 du même jugement lui refuse la décharge d'un supplément d'impôt correspondant à la réintégration, dans son revenu imposable au titre de l'année 1983, d'un ensemble d'honoraires d'hospitalisation ;
2°) - de lui accorder la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1983 et demeurant en litige ;
3°) - de condamner l'Etat à lui verser 15 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU, enregistré au greffe le 7 février 1995, le mémoire en réponse présenté au nom de l'Etat par le ministre du budget ; le ministre conclut :
- à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué, en tant que le tribunal a méconnu sa compétence, en ne fixant pas lui-même le montant de la somme à compenser avec les honoraires de consultation perçus en 1982, à hauteur de 34 181 F ;
- au non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement de 23 994 F en droits, consenti au titre de l'année 1983, en conséquence de la renonciation, par l'administration, à solliciter une compensation des honoraires de consultation susévoqués, avec d'autres ressources similaires perçues en 1983 ;
- au rejet du surplus des conclusions de la requête ;
VU, enregistré au greffe le 15 mars 1995, le mémoire complémentaire présenté pour le Dr Y..., afin de prendre acte du dégrèvement intervenu ainsi que de confirmer le surplus de ses conclusions et moyens initiaux ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 1995 :
- le rapport de M. BATHIE, Conseiller ;
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant qu'en cours d'instance, par une décision du 21 février 1995, le directeur des services fiscaux de la Moselle a accordé au requérant un dégrèvement de 24 336 F en droits et pénalités, correspondant à l'exclusion de son revenu imposable de l'année 1983, d'un ensemble d'honoraires de consultations s'élevant à 34 181 F, déjà rattachés aux recettes de l'année 1982 ; que l'administration, comme elle le confirme en outre dans son mémoire, a ainsi renoncé à la demande de compensation des honoraires litigieux, avec des recettes similaires de l'année 1983, formulée devant les premiers juges ; qu'il résulte de ces éléments que la requête du docteur Y... n'a plus d'objet concernant les honoraires de consultation susceptibles de se rattacher à l'année 1983 ; qu'il n'y a donc plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête relative à ces honoraires ;
Sur les honoraires d'hospitalisation :
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 12, 13, 92 et 93 du code général des impôts, que les recettes professionnelles à retenir pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre d'une année déterminée sont celles qui, au cours de ladite année, ont été mises à la disposition du contribuable par voie de paiement ou autrement ; que, dans le cas où le contribuable a confié à un tiers le soin d'encaisser pour son compte certaines de ses recettes professionnelles, les sommes versées à ce tiers doivent en principe, aussitôt qu'elles sont encaissées par celui-ci, être réputées se trouver à la disposition du contribuable ; que ce dernier devrait cependant être regardé comme ayant disposé de ses recettes professionnelles à une date postérieure à leur encaissement par le tiers si des obstacles de droit ou de fait, assimilables à une force majeure rendaient les fonds indisponibles pour le créancier pendant un délai déterminé ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des années en litige, la clinique Claude X... à Metz dans laquelle le docteur Y... exerçait ses activités médicales, se chargeait de percevoir en son nom les honoraires dûs pour des hospitalisations et les lui reversait dans un délai de sept mois ; que cette pratique, destinée à faire face aux importants besoins de trésorerie de l'établissement, a été mise en place à compter de l'année 1976 et faisait suite à des demandes de garanties formulées par les organismes prêteurs ; que le docteur Y..., dès son intégration parmi les praticiens exerçant leurs activités dans la clinique en 1978 a été soumis à cette procédure, laquelle était toujours appliquée au cours des années 1982 et 1983 ; que le requérant avait donc, au moins tacitement, accepté de percevoir ses honoraires d'hospitalisation au terme d'une rétention systématique de sept mois par l'établissement dans lequel il possédait en outre la qualité d'associé ; que, dans ces conditions, la pratique susévoquée ne peut s'analyser, à l'égard du contribuable, comme une contrainte insurmontable et totalement extérieure, assimilable à une force majeure ;

Considérant, par ailleurs, que si le ministre allègue que les problèmes de trésorerie de la clinique auraient, en fait, rendu les honoraires des médecins indisponibles plusieurs mois, il ne ressort du dossier ni que ces difficultés d'ordre conjoncturel auraient été de nature à interdire tout reversement de ces honoraires dans des délais plus brefs, ni que la poursuite des activités de l'établissement en eût alors été compromise ; qu'il résulte de ces données qu'en l'espèce, le contribuable doit être regardé comme ayant disposé des honoraires en litige dès leur encaissement par la clinique où il exerçait sa profession, et avoir sciemment accepté leur blocage durant quelques mois au profit de l'établissement ; que le docteur Y... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 octobre 1993, le tribunal administratif de Strasbourg a refusé de lui accorder la décharge de l'impôt correspondant à des honoraires d'hospitalisation perçus en 1982 par la clinique Claude X... de Metz et reversés durant l'année 1983 ;
Sur les frais de procédure :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser au requérant une somme de 8 000 F, en application de ces dispositions ;
Article 1 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de M. Jacques Y..., à concurrence d'un dégrèvement, intervenu en cours d'instance, pour un montant de 24 336 F, sur l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1983.
Article 2 : La base de l'impôt sur le revenu assigné à M. Y..., au titre de l'année 1983, est réduite d'une somme de 332 209 F.
Article 3 : M. Y... est déchargé des droits et intérêts de retard correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 2.
Article 4 : Le jugement susvisé du 5 octobre 1993 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 5 : L'Etat versera au requérant une somme de 8 000 F, en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jacques Y... et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93NC01119
Date de la décision : 09/11/1995
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-03-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LE REVENU - DETERMINATION DU REVENU IMPOSABLE - REVENUS A LA DISPOSITION


Références :

CGI 12, 13, 92, 93
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BATHIE
Rapporteur public ?: M. COMMENVILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1995-11-09;93nc01119 ?
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