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14/12/1994 | FRANCE | N°94NC00228

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 14 décembre 1994, 94NC00228


VU la requête enregistrée au greffe de la Cour le 24 février 1994, présentée pour la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F) dont le siège social est ..., par Me Claude X... de la SCP SUR-GRANGE-MAUVENU, avocats à la Cour de Paris ;
La société requérante demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 4 février 1994 par laquelle le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que le juge des référés modifie la mission impartie à l'expert par une précédente ordonna

nce du 23 septembre 1993 et qui portait sur la constatation des désordres affect...

VU la requête enregistrée au greffe de la Cour le 24 février 1994, présentée pour la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F) dont le siège social est ..., par Me Claude X... de la SCP SUR-GRANGE-MAUVENU, avocats à la Cour de Paris ;
La société requérante demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 4 février 1994 par laquelle le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que le juge des référés modifie la mission impartie à l'expert par une précédente ordonnance du 23 septembre 1993 et qui portait sur la constatation des désordres affectant les passages supérieurs et inférieurs de l'autoroute A.26 sur le tronçon Saint-Omer - Lillers, à l'effet de constater les mêmes types de désordres affectant les ouvrages de la section Nordausques - Saint-Omer ;
2°) de modifier la mission impartie à l'expert dans les sens demandé devant le juge des référés ;
VU le mémoire en réplique enregistré le 17 novembre 1994, présenté pour la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F) et tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
VU l'ordonnance en date du 17 octobre 1994 par laquelle le président de la formation de jugement a, en application des dispositions de l'article R.154 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, fixé la date de clôture de l'instruction de la présente affaire au 18 novembre 1994 à 16 Heures ;
VU l'ordonnance attaquée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 et le décret n° 92-245 du 17 mars 1992 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 1994 :
- le rapport de M. LAPORTE, Président,
- les observations de Me Y... substituant la SCP SUR-GRANGE-MAUVENU, avocat de la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F), de Me Z... de la SCP SANDERS-VERLEY, avocat de la société BEUGNET et de la Société Nouvelle des Entreprises CARETTE-DUBURCQ et de Me FIZELLIER, avocat de la Société Centrale d'Etudes Autoroutes (SCETAUROUTE),
- et les conclusions de M. LEDUCQ, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F), concessionnaire de l'Etat pour la construction, l'entretien et l'exploitation de l'autoroute A.26, notamment dans le département du Pas-de-Calais a, en sa qualité de maître d'ouvrage, par un marché du 18 avril 1979, confié les travaux concernant le tronçon Saint-Omer - Lillers de la section Nordausques - Saint-Omer - Lillers au groupement d'intérêt économique "G.R.E.R.A." composé des sociétés BEUGNET et BREZILLON, CARETTE-DUBRUCQ, LECAT, QUILLE et VIAFRANCE, solidairement tenues des dettes du groupement ; que la réception des travaux a été prononcée en décembre 1981 ; que, par un avenant n° 4 en date du 25 septembre 1982, la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F) a confié à ce même groupement la réalisation de travaux semblables en ce qui concerne le tronçon Nordausques - Saint-Omer ; que la réception globale de ces derniers travaux a été prononcée le 2 avril 1984 avec effet au 10 août 1983 ; que, postérieurement à cette réception, des désordres résultant d'une réaction dite "alcali granulat" se manifestant par des infiltrations d'eau, des fissures et des faïençages, sont apparus sur les ouvrages d'art de ce tronçon Nordausques - Saint-Omer ;
Considérant que, par une première requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lille le 23 juin 1993, la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F), qui dans l'exposé des motifs de cette demande, avait fait état des désordres affectant les ouvrages d'art de ce tronçon autoroutier, a, dans le résumé final de ses conclusions, demandé au juge des référés d'ordonner une expertise portant sur le tronçon Saint-Omer - Lillers ; que, par une première ordonnance en date du 23 septembre 1993, le juge des référés a ordonné l'expertise ainsi demandée en ce qui concerne ledit tronçon Saint-Omer - Lillers ; que, par une seconde requête dénommée "requête en référé complémentaire" enregistrée le 10 décembre 1993, la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F) a demandé la modification de l'étendue de la mission de l'expert afin que celle-ci porte désormais sur le tronçon Nordausques -Saint-Omer seul concerné par les désordres ; que, par l'ordonnance attaquée en date du 4 février 1994, le juge des référés a rejeté cette nouvelle demande après avoir considéré que si la société BEUGNET a relevé la contradiction affectant la première demande d'expertise de la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F) en demandant que la mission de l'expert soit limitée aux ouvrages concernés par l'avenant n° 4, la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F) n'a pas modifié la portée de sa demande initiale avant l'intervention de l'ordonnance du 23 septembre 1993, et que, dans ces conditions, en l'absence de circonstances nouvelles et le juge d'appel ayant tranché le débat entre les parties portant sur l'étendue de la mesure d'expertise, il ne lui appartenait pas d'étendre cette mesure à un autre tronçon ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

Considérant que si, en raison de l'urgence qui s'attache à la procédure du référé, les observations présentées en défense n'ont pas en principe à être communiquées en défendeur, il appartient au juge des référés d'ordonner une telle communication lorsque ces observations donnent naissance à une discussion portant sur l'étendue de la mission susceptible d'être confiée à l'expert compte tenu des conclusions du demandeur ; qu'il n'est pas contesté que le mémoire en défense enregistré le 11 août 1993 par lequel la société BEUGNET a relevé l'ambiguïté des conclusions de la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F) et a demandé que la mission d'expertise ne concerne que le tronçon Nordausques - Saint-Omer n'a pas été communiqué à la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F) ; qu'il ne ressort aucunement de la motivation de l'ordonnance du 23 septembre 1993 que le juge des référés ait entendu trancher un tel débat ; que, dans ces conditions, en estimant que les limites de la mesure d'expertise prescrite par l'ordonnance du 23 septembre 1993 "ont fait l'objet d'un débat entre les parties expressément tranché par le juge", le juge des référés, qui a ainsi refusé de modifier une mission d'expertise inutile ordonnée au vu de conclusions manifestement erronées, a entaché sa décision d'une erreur de fait de nature à entraîner son annulation ;
En ce qui concerne la recevabilité de la demande présentée devant le juge des référés le 10 décembre 1993 :
Sur la prescription de l'action en garantie décennale :
Considérant que le cahier des clauses administratives particulières du marché principal se réfère au cahier des clauses administratives générales annexé au décret du 21 janvier 1976 ; que ni ce marché ni l'avenant n° 4 à ce marché, relatif au tronçon Nordausques - Saint-Omer, ne dérogent à l'article 45 dudit cahier des clauses administratives générales qui fixe le point de départ de la garantie décennale à la date d'effet de la réception ; que le procès-verbal de réception des ouvrages de ce même tronçon autoroutier établi le 2 avril 1984 mentionnait qu'il prenait effet au 10 août 1983 ; que, dès lors, le délai d'action en garantie décennale a commencé à courir à compter de cette date et devait normalement expirer le 10 août 1993 ;

Considérant que si, en raison d'une erreur matérielle, la première demande de la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F) mentionnait le tronçon Saint-Omer - Lillers dans le résumé final de ses conclusions, cette société avait préalablement soutenu, en se référant aux constatations d'un cabinet spécialisé, que les désordres litigieux ne concernaient que le tronçon Nordausques - Saint-Omer, et qu'il y avait lieu d'ordonner une expertise afin, notamment, de déterminer les causes de ces désordres et d'indiquer les travaux nécessaires pour y remédier ; que, dans ces conditions, la société BEUGNET et la Société Nouvelle des Entreprises CARETTE-DUBURCQ ne sont pas fondées à soutenir que le délai décennal n'a pas été interrompu par la première requête de la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F) dans la mesure où elle aurait désigné des désordres autres que ceux à l'égard desquels ledit délai avait commencé à courir ;
Sur l'exception tirée de l'autorité relative de la chose jugée par la première ordonnance de référé du 23 septembre 1993 :
Considérant que l'ordonnance par laquelle le juge des référés désigne un expert n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne la définition de l'étendue de la mission de l'expert dès lors que cette mission peut être étendue ou modifiée, soit en raison de circonstances nouvelles, soit lorsque les limites antérieurement fixées à cette mesure n'ont pas, avant l'intervention de la première ordonnance, fait l'objet d'un débat entre les parties expressément tranché par le juge ; que, dès lors, la société BREZILLON n'est pas fondée à soutenir qu'en tout état de cause, l'autorité de la chose jugée par l'ordonnance du 23 septembre 1993 s'oppose à la modification de la mission initialement impartie à l'expert ;
En ce qui concerne le bien-fondé de la demande présentée devant le juge des référés le 10 décembre 1993 :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de modification de la mission impartie à l'expert par le juge des référés est recevable et fondée ; qu'il y a lieu d'y faire droit et de modifier la mission impartie initialement à l'expert afin qu'elle porte désormais sur la constatation des désordres affectant les ouvrages d'art du seul tronçon autoroutier Nordausques - Saint-Omer, dans les conditions fixées par le dispositif du présent arrêt ;
En ce qui concerne les demandes de mise hors de cause de la société LECAT TPR et de la société BREZILLON :
Considérant que, par le présent arrêt, la cour administrative d'appel se borne à ordonner une expertise portant sur un objet différent de celle ordonnée par le juge des référés ; qu'elle ne peut, sans faire préjudice à la solution du litige principal qui reste pendant devant le tribunal administratif de Lille, statuer sur les demandes de mise hors de cause présentées par les entreprises susmentionnées ;
Article 1 : L'ordonnance du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille en date du 4 février 1994 est annulée.
Article 2 : Les opérations de l'expertise prescrite par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille en date du 23 septembre 1993 porteront non pas sur les passages supérieurs du tronçon Saint-Omer - Lillers de l'autoroute A.26 mais sur les passages supérieurs et inférieurs du tronçon Nordausques - Saint-Omer de l'autoroute A.26.
Article 3 : L'ordonnance du 23 septembre 1993 visée à l'article 2 ci-dessus est réformée en ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (S.A.N.E.F), au G.R.E.R.A, à la société BEUGNET, à la société BREZILLON, à la Société Nouvelle des Entreprises CARETTE-DUBRUCQ, à la société LECAT, à la société QUILLE, à la société VIAFRANCE, à la Société Centrale d'Etudes Autoroutières (SCETAUROUTE), à la société BETONS NORD et ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 94NC00228
Date de la décision : 14/12/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

54-04-02-02-01-03 PROCEDURE - INSTRUCTION - MOYENS D'INVESTIGATION - EXPERTISE - RECOURS A L'EXPERTISE - MISSION DE L'EXPERT


Références :

Décret 76-87 du 21 janvier 1976 annexe, art. 45


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LAPORTE
Rapporteur public ?: M. LEDUCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1994-12-14;94nc00228 ?
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