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20/10/1994 | FRANCE | N°93NC00429

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 20 octobre 1994, 93NC00429


VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la Cour le 14 mai 1993 et le 13 septembre 1993, présentés pour la commune de SAINT-QUENTIN ;
La requérante demande à la Cour :
1°/ D'annuler le jugement en date du 5 mars 1993 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a condamné conjointement et solidairement le District et la commune de SAINT-QUENTIN à payer à Mme X... une indemnité de 245 000F, à supporter les frais d'expertise s'élevant à 58 988F, et a condamné l'État à garantir le District de la moitié des indemnités mises à sa charge s

olidairement avec la commune ;
2°/ De rejeter la requête de M. et Mme X.....

VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la Cour le 14 mai 1993 et le 13 septembre 1993, présentés pour la commune de SAINT-QUENTIN ;
La requérante demande à la Cour :
1°/ D'annuler le jugement en date du 5 mars 1993 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a condamné conjointement et solidairement le District et la commune de SAINT-QUENTIN à payer à Mme X... une indemnité de 245 000F, à supporter les frais d'expertise s'élevant à 58 988F, et a condamné l'État à garantir le District de la moitié des indemnités mises à sa charge solidairement avec la commune ;
2°/ De rejeter la requête de M. et Mme X... ;
3°/ Subsidiairement, de condamner l'État à la garantir des condamnations qui resteraient à sa charge ;
VU le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 28 juillet 1993, présenté pour M. et Mme Raymond X... ;
M. et Mme X... demandent à la Cour :
1°/ D'une part, de rejeter la requête ;
2°/ D'autre part, par la voie du recours incident, de condamner la commune et le District de SAINT-QUENTIN à leur verser une somme de 50 000F à titre de dommages et intérêts ainsi que les intérêts de la somme de 245 000F que la commune et le District de SAINT-QUENTIN ont été condamnés à leur verser ;
VU le mémoire en défense enregistré le 21 septembre 1993, présenté par le Ministre de l'Équipement, des Transports et du Tourisme ;
Le Ministre demande à la Cour :
1°/ De rejeter la requête de la commune de SAINT-QUENTIN ;
2°/ D'annuler le jugement attaqué en ce qu'il retient la responsabilité de l'État et le condamne à garantir le District de SAINT-QUENTIN ;
3°/ Subsidiairement, de condamner l'entreprise BIONNE à le garantir des condamnations qui seraient maintenues à sa charge ;
VU le mémoire en défense enregistré le 10 décembre 1993, présenté pour le District de SAINT-QUENTIN ;
Le District demande à la Cour :
1°/ D'une part, de rejeter la requête ;
2°/ D'autre part, par la voie du recours incident :
° D'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a mis à sa charge une part de responsabilité et de le mettre hors de cause ;
° Subsidiairement, au cas où sa responsabilité resterait reconnue, de condamner l'État à le garantir entièrement et à lui rembourser la somme de 76 538,15F payée le 27 avril 1993 en
application du jugement attaqué, en principal, intérêts et frais d'expertise, et ce avec les intérêts de droit à compter de cette date ; de condamner également la commune, le cas échéant, à lui rembourser cette somme ;
3°/ De condamner solidairement l'État et la ville de SAINT-QUENTIN à lui payer la somme de 10 000F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU le mémoire en défense enregistré le 19 avril 1994, présenté pour l'entreprise BIONNE, tendant, d'une part, au rejet de la requête de la ville de SAINT-QUENTIN et de l'appel en garantie dirigée contre elle par l'État, et, d'autre part, à ce que cette dernière soit condamnée à lui payer une somme de 10 000F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU le mémoire en réplique enregistré le 10 mai 1994, présenté pour la ville de SAINT-QUENTIN tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens, et en outre à ce que Mme X..., le District de SAINT-QUENTIN et l'État soient condamnés à lui payer une somme de 15 000F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU l'ordonnance en date du 28 juin 1994 par laquelle le Président de la formation de jugement a fixé la clôture de l'instruction de la présente instance au 28 juillet 1994 ;
VU la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy (Section administrative d'appel) n° 93/03888 en date du 19 novembre 1993 accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme Veuve Denise X... née Z... ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi du 28 pluviôse an VIII ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 et le décret n° 92-245 du 17 mars 1992 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 1994 :
- le rapport de M. LAPORTE, Président-Rapporteur,
- les observations de Me Y... de la S.C.P. WAQUET-FARGE-HAZAN, avocat de la commune de SAINT-QUENTIN et de Me TEBOUL, avocat du District de SAINT-QUENTIN,
- et les conclusions de M. LEDUCQ, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'à la suite de l'apparition de lézardes en avril 1983 sur la façade et les plafonds de leur maison d'habitation sise ..., M. et Mme X..., qui ont attribué ce sinistre à la rupture d'une canalisation d'eau potable, ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner conjointement et solidairement le District et la ville de SAINT-QUENTIN à leur verser une indemnité totale de 245 000F correspondant à l'évaluation du coût de réparation des désordres faite par l'expert désigné par le juge des référés ; que, par le jugement attaqué en date du 5 mars 1993, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à cette demande, a condamné l'État, maître d'ouvrage des travaux de voirie réalisés par l'entreprise BIONNE et auquel a été imputée la rupture de ladite canalisation, à garantir le District de SAINT-QUENTIN de la moitié de ce montant, et a rejeté les conclusions d'appel en garantie dirigées par l'État contre l'entreprise BIONNE ; que la ville de SAINT-QUENTIN demande à la Cour d'annuler ce jugement en tant qu'il la condamne ; que les époux X..., qui concluent au rejet de cet appel, demandent la condamnation du District et de la ville de SAINT-QUENTIN et à leur verser en outre une somme de 50 000F au titre de jouissance ainsi que les intérêts de la somme de 245 000F ; que l'État conclut au rejet de la requête et demande l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il retient sa responsabilité pour le condamner à garantir le District de SAINT-QUENTIN ; que le District, qui conclut également au rejet de la requête, demande l'annulation dudit jugement en tant qu'il met à sa charge une part de responsabilité et demande à titre subsidiaire que l'État soit condamné à le garantir intégralement et à lui rembourser cette somme, et que, le cas échéant, la ville de SAINT-QUENTIN soit condamnée à lui rembourser cette même somme ;
Sur la responsabilité :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du constat d'accident de chantier établi le 13 octobre 1982 par le chef de chantier de l'entreprise BIONNE, que des ruptures de la canalisation d'eau potable enfouie sous la chaussée de la rue Kennedy se sont produites en plusieurs endroits au cours de la réalisation de travaux de voirie par cette entreprise ; que, d'autre part, l'expert désigné en référé a conclu que cette rupture, qui a entraîné des fuites d'eau et un affaissement du sous-sol au droit de l'immeuble des époux X..., avait pour causes les vibrations dues au matériel utilisé pour la réfection de la chaussée, le mauvais état de la conduite qui date du début du siècle, et la présence, sous le trottoir, d'un remblai supérieur à trois mètres d'épaisseur de limons très hétérogènes ;
Considérant que la rupture de cette canalisation, qui a entraîné la ruine partielle de l'immeuble des époux X..., lesquels avaient la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage public, est de nature à engager, à l'égard de ceux-ci, la responsabilité de la collectivité maître de l'ouvrage en l'absence de toute faute de sa part ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.164-4 du code des communes : "Les districts exercent de plein droit et au lieu et place des communes de l'agglomération la gestion : ... 4° Des services énumérés dans la décision institutive" ; que si la convention conclue entre le District et la ville de SAINT-QUENTIN le 26 février 1975 confie à la ville, qui continue d'affecter à cet effet une partie de son personnel, le soin d'assurer le fonctionnement du service des eaux, son article 7 prévoit que les fournitures et matériaux de construction disponibles au magasin de la voirie de la ville seront mis à la disposition du service des eaux, tandis que l'article 9 prévoit le remboursement par le District à la ville des dépenses exposées par elle pour le service des eaux ; qu'ainsi, la ville n'intervient que comme un prestataire de services et le District de SAINT-QUENTIN a seul la responsabilité de la maintenance technique et de l'entretien des ouvrages utilisés par ledit service ; que, dès lors, M. et Mme X... n'étaient fondés à réclamer qu'au seul District de SAINT-QUENTIN la réparation des dommages dont ils ont été victimes ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens qu'elle invoque, la ville de SAINT-QUENTIN est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens l'a également condamnée, conjointement et solidairement avec le District, à réparer ces mêmes dommages ;
Sur les conclusions des époux X... :
Considérant que les époux X... demandent la condamnation du District et de la ville de SAINT-QUENTIN à leur verser en outre une somme de 50 000F en réparation du trouble de jouissance résultant des dommages matériels dont ils ont obtenu réparation ;
Considérant que, comme il vient d'être dit ci-dessus, la responsabilité de la ville de SAINT-QUENTIN n'est pas susceptible d'être engagée envers les époux X... ; que, dès lors, ceux-ci ne sont pas fondés à demander la condamnation de cette commune à leur verser ladite somme de 50 000F ;
Considérant que les conclusions des époux X..., en tant qu'elles sont dirigées cette fois contre le District de SAINT-QUENTIN, lequel n'est pas appelant principal, constituent un appel provoqué qui n'est pas recevable dès lors que l'admission de l'appel principal de la ville de SAINT-QUENTIN n'a pas pour effet d'aggraver la situation des époux X... ; qu'en tout état de cause, ceux-ci n'établissent pas l'existence du trouble de jouissance dont ils demandent ainsi réparation ;
Sur les conclusions du Ministre de l'Équipement, des Transports et du Tourisme :
Considérant que le ministre demande, par voie de conclusions incidentes, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il condamne l'État à garantir le District de SAINT-QUENTIN et en tant qu'il rejette son appel en garantie dirigé contre l'entreprise BIONNE ; que de telles conclusions, dirigées contre des parties autres que l'appelant principal, constituent des appels provoqués, lesquels ne sont pas recevables dès lors que l'admission de l'appel principal de la ville de SAINT-QUENTIN n'a pas pour effet d'aggraver la charge de l'État ;
Sur les conclusions du District de SAINT-QUENTIN :

Considérant que les conclusions par lesquelles le District de SAINT-QUENTIN demande l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il prononce une condamnation pécuniaire à son encontre et subsidiairement que la garantie de l'État soit portée de 50 % à 100 %, constituent également des conclusions d'appel provoqué qui ne sont pas davantage recevables dès lors que l'admission de l'appel principal de la ville de SAINT-QUENTIN n'entraîne pas une aggravation de la charge du district ;
Sur les intérêts de la somme de 245 000F :
Considérant que de telles conclusions soulèvent un litige différent de celui qui a fait l'objet de l'appel principal ; que, par suite, elles ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que le bien-fondé de ces conclusions doit être apprécié au regard des dispositions applicables à la date du présent arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant que le District de SAINT-QUENTIN et la société BIONNE succombent dans la présente instance ; qu'en tout état de cause, la ville de SAINT-QUENTIN n'a pas dirigé de conclusions contre l'entreprise BIONNE ; que, dans ces conditions, leurs demandes tendant à ce que l'État et la ville de SAINT-QUENTIN soient condamnés à leur verser une somme au titre des frais qu'ils ont exposés doivent être rejetées ;
Considérant que, dans un mémoire enregistré le 10 mai 1994, la ville de SAINT-QUENTIN a demandé que Mme X..., le District de SAINT-QUENTIN et l'État soient condamnés à lui payer une somme de 15 000F au titre de ces mêmes dispositions ; que, dans les circonstances de l'affaire, il est équitable de ne pas faire droit à cette demande ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 5 mars 1993 est annulé en tant qu'il condamne la ville de SAINT-QUENTIN conjointement et solidairement avec le District de SAINT-QUENTIN à payer une somme de 245 000F à M. et Mme X....
Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme X... devant le tribunal administratif d'Amiens et tendant à la condamnation de la ville de SAINT-QUENTIN sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de SAINT-QUENTIN, au District de SAINT-QUENTIN, au Ministre de l'Équipement, des Transports et du Tourisme, à Mme X... et à la société BIONNE.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 93NC00429
Date de la décision : 20/10/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - LIEN DE CAUSALITE.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - PERSONNES RESPONSABLES.


Références :

Code des communes L164-4
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LAPORTE
Rapporteur public ?: M. LEDUCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1994-10-20;93nc00429 ?
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