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07/04/1994 | FRANCE | N°92NC00717

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 07 avril 1994, 92NC00717


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 16 septembre 1992 présentée par M. X... demeurant à Cuis (Marne), ... ;
M. X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 90-364 en date du 16 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982, 1983 et 1984 ;
2°/ de lui accorder la décharge sollicitée ;
Vu, enregistré le 29 juillet 1993, le mémoire présenté au nom de l'Etat par le M

INISTRE DU BUDGET ; le ministre conclut d'une part au rejet de la requête et, d'aut...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 16 septembre 1992 présentée par M. X... demeurant à Cuis (Marne), ... ;
M. X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 90-364 en date du 16 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982, 1983 et 1984 ;
2°/ de lui accorder la décharge sollicitée ;
Vu, enregistré le 29 juillet 1993, le mémoire présenté au nom de l'Etat par le MINISTRE DU BUDGET ; le ministre conclut d'une part au rejet de la requête et, d'autre part au rétablissement de M. X... au rôle de l'impôt sur le revenu des années 1982, 1983 et 1984 à concurrence, en bases, de 20 608 F, 46 956 F et 46 788 F, enfin à la réformation en ce sens du jugement du tribunal administratif ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 1994 :
- le rapport de M. DARRIEUTORT, Président-rapporteur,
- les observations de M. X...,
- et les conclusions de M PIETRI, Commissaire du Gouvernement ;

Sur les conclusions de la requête :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que la notification adressée le 24 juillet 1986 à M. X... faisait référence, s'agissant du redressement relatif à l'insuffisance du fermage des vignes données en location à ses enfants, au métayage au "tiers franc" tel qu'en usage en Champagne, en vertu duquel le bailleur reçoit le tiers de la récolte levée dans la limite de l'appellation Champagne théoriquement fixée à 7 500 kg de raisin à l'hectare, soit 2 500 kg, et concluait que les fermages exigés de ses trois enfants, s'élevant à 493 kg/ha, 498 kg/ha et 499 kg/ha apparaissaient trop faibles par rapport aux conditions couramment observées dans les baux similaires conclus entre tiers sans lien familial, et constituaient par suite un acte anormal de gestion ; que cette notification contenait les motifs des redressements envisagés et toutes les précisions nécessaires pour que le contribuable puisse y répondre ; qu'elle satisfaisait ainsi aux prescriptions de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ; qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'obligeait l'administration à y mentionner les articles du code général des impôts sur lesquels les redressements étaient fondés ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la notification de redressement doit être écarté ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant que M. X..., exploitant viticole a donné à bail à ses trois enfants également exploitants à titre individuel d'entreprises viticoles, des vignes moyennant un loyer avoisinant 500 kg de raisin à l'hectare pour les années 1982, 1983 et 1984 et mis gratuitement à leur disposition, pour les mêmes années, ses installations de stockage et d'élevage des vins ; qu'à l'issue de la vérification de sa comptabilité, l'administration a estimé que par ces locations conclues à un prix inférieur aux usages locaux et cette mise à disposition à titre gratuit, M. X... avait, par un acte anormal de gestion, consenti sans contrepartie des avantages aux entreprises de ses enfants ;
Considérant que, lorsque l'administration soutient, comme en l'espèce, qu'une opération retracée en comptabilité était insuffisamment facturée au client ou n'a pas donné lieu au paiement d'un prix, il lui appartient d'établir les faits dont il ressortirait que l'entreprise aurait renoncé, sans justification, à percevoir une fraction des recettes qui lui auraient été normalement dues, conférant à cet acte un caractère anormal ;
Considérant que l'administration établit, en se référant à des baux pratiqués au cours des années en litige dans des communes viticoles du département de la Marne, que la valeur normale du fermage des vignobles appartenant au requérant n'était pas inférieure à l'équivalent de 2 000 kg de raisin à l'hectare ; que M. X... ne saurait utilement invoquer, à l'encontre de ces constatations, les dispositions d'un arrêté du préfet de l'Aisne, département dans lequel, au surplus, n'est située aucune de ses parcelles ;
Considérant que M. X... fait valoir que l'avantage qu'il a ainsi procuré à ses enfants a trouvé sa contrepartie dans la valeur du concours que ceux-ci lui ont apporté sous forme de prestations gratuites de travail dans le cadre de l'entraide familiale ;

Considérant qu'il résulte de l'article 20 de la loi susvisée n° 62-933 du 8 août 1962 que les exonérations fiscales attachées à l'entraide concernent "les échanges de services en travail et en moyens d'exploitation" ; que la renonciation par le requérant à une partie des fermages que la location de ses terres aurait pu lui procurer ainsi qu'à tout loyer sur les caves n'entre pas dans les prévisions de ce texte ; qu'en revanche, la mise à disposition de cuves constitue un service en moyens d'exploitation qu'un agriculteur peut, sans commettre un acte anormal de gestion, fournir gratuitement à un autre agriculteur en échange de services en travail ; qu'il résulte de l'instruction que la valeur locative des cuves, soit 16 714 F pour 1982, 27 645 F pour 1983 et 26 122 F pour 1984, est notablement inférieure à celle des prestations en travail procurées gratuitement au requérant par ses enfants pendant les mêmes années et dont, même en l'absence de carnet d'entraide, la réalité est établie par les pièces du dossier ; que M. X... est en conséquence fondé à demander que ses bases d'imposition soient réduites desdites sommes ;
Sur le recours incident du Ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article 31 de l'annexe II du code général des impôts : "Si la location est consentie directement ou indirectement par une personne physique, le montant de l'amortissement ne peut excéder le montant du loyer perçu pendant l'exercice considéré, diminué du montant des autres charges afférentes au bien donné en location" ;
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, M. X... a mis gratuitement à la disposition de ses enfants les installations nécessaires au logement des vins provenant de leurs exploitations personnelles ; que la circonstance qu'il n'a été perçu aucun loyer ne s'opposait pas à ce que les dispositions précitées trouvent application ; que c'est, par suite, à bon droit que le service a refusé la déduction des amortissements pratiqués sur la valeur des installations mises par M. X... à la disposition de ses enfants, soit des sommes de 20 608 F, 46 956 F et 46 788 F respectivement pour les années 1982, 1983 et 1984 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. X... est fondé, à hauteur des sommes de 16 714 F pour 1982, 27 645 F pour 1983 et 26 122 F pour 1984, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande de réduction de ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu, d'autre part, que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que le même jugement a réduit lesdites bases d'imposition des sommes de 20 608 F, 46 956 F et 46 788 F ; qu'il y a lieu, en conséquence, de décider que M. X... sera rétabli à l'impôt sur le revenu des années 1982, 1983 et 1984 sur des bases de 3 894 F, 19 311 F et 20 666 F ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : M. X... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu des années 1982, 1983 et 1984 à concurrence en bases de 3 894 F, 19 311 F et 20 666 F.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 16 juin 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours incident du ministre est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au MINISTRE DU BUDGET.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 92NC00717
Date de la décision : 07/04/1994
Sens de l'arrêt : Rejet droits maintenus
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-082 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - ACTE ANORMAL DE GESTION -Absence - Echanges de services relevant de l'entraide entre agriculteurs.

19-04-02-01-04-082 En vertu de l'article 20 de la loi n° 62-933 du 8 août 1962, les exonérations fiscales attachées à l'entraide concernent "Les échanges de services en travail et en moyens d'exploitation". La renonciation par un exploitant viticole à une partie des fermages que la location de ses terres aurait pu lui procurer ainsi qu'à tout loyer sur des caves viticoles n'entre pas dans les prévisions de ce texte. En revanche, la mise à la disposition de cuves constitue au sens du texte précité un service en moyens d'exploitation qu'un agriculteur peut, sans commettre un acte anormal de gestion, fournir gratuitement à un autre agriculteur en échange de services en travail.


Références :

CGI Livre des procédures fiscales L57
CGIAN2 31
Loi 62-933 du 08 août 1962 art. 20


Composition du Tribunal
Président : M. Léger
Rapporteur ?: M. Darrieutort
Rapporteur public ?: M. Pietri

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1994-04-07;92nc00717 ?
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