VU la requête et les mémoires complémentaires enregistrés au greffe de la Cour les 6 avril, 7 avril et 3 août 1992, présentés pour la commune de Silly-la-Poterie (Aisne), représentée par son maire en exercice ;
Elle demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 3 février 1992 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à verser aux époux X... la somme de 61 008F avec intérêts à compter du 4 octobre 1986 en réparation du préjudice que leur a causé l'extension du cimetière ;
2°) de rejeter la demande présentée par les époux X... devant le tribunal administratif d'Amiens ; de les condamner à lui verser 15 000F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des communes ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 1993 :
- le rapport de M. SAGE, Conseiller,
- et les conclusions de M. DAMAY, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité en la forme du jugement attaqué :
Considérant que si M. et Mme X... ont soutenu, dans leur requête sommaire, que le jugement attaqué ne comporterait pas l'analyse de tous les moyens invoqués par les parties, cette allégation n'est assortie d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ;
Au fond et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabi-lité de la demande en première instance :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Silly-la-Poterie a agrandi d'environ 6 ares le cimetière communal situé à proximité immédiate de l'église ; que la nouvelle limite du cimetière est séparée de la propriété des époux X... par une distance de 10 mètres, au lieu de 22 mètres auparavant ; que, compte-tenu notamment, d'une part, de la faible importance de l'extension du cimetière et, d'autre part, de la présence entre la propriété des intéressés et le cimetière de haies touffues d'ailleurs susceptibles d'être développées, M. et Mme X... ne sauraient être regardés comme ayant subi un préjudice anormal ouvrant droit à réparation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le principe de la responsabilité sans faute de l'administration à raison de l'existence d'un ouvrage public pour déclarer la commune de Silly-le-Poterie responsable du préjudice invoqué par les époux X... ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les époux X... devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.361-1 du code des communes, dans sa rédaction résultant de l'article 2 du décret du 23 prairial an XII, modifié par l'article 1er de la loi du 26 octobre 1943 applicable à la date de la délibération litigieuse : "Des terrains sont spécialement consacrés à l'inhumation des morts en dehors de l'enceinte de chaque ville ou bourg, à une distance minimum de trente cinq mètres de celle-ci. Toutefois, quand les circonstances l'exigent et lorsque les communes sont pourvues d'eau potable sous pression alimentant toutes les habitations situées à moins de trente cinq mètres de leur cimetière, il peut être procédé, à titre exceptionnel ... 2° Par décret au Conseil d'Etat, à la réduction de cette distance pour l'agrandissement des cimetières sis à l'intérieur du périmètre d'agglomération de ces communes lorsqu'elles ne disposent d'aucun autre terrain à cet effet ..." ; qu'en vertu de l'article 1er de l'ordonnance du 6 décembre 1843, ces dispositions peuvent être étendues par arrêté préfectoral à des communes du département autres que celles visées par elles ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la partie agglomérée de la commune de Silly-la-Poterie, qui compte 110 habitants, ne peut être regardée comme une ville ou un bourg au sens de l'article L.361-1 du code des communes précité ; que, d'autre part, aucun arrêté du préfet de l'Aisne n'est intervenu pour rendre applicable à ladite commune les dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 6 décembre 1843 susmentionné ; qu'il suit de là que rien ne s'opposait légalement à l'agrandissement du cimetière situé à l'intérieur de l'enceinte de Silly-la-Poterie ni, d'ailleurs à ce que les limites de l'extension soient fixées à moins de trente mètres de celles de la propriété des requérants ; que le conseil municipal était seul compétent pour décider l'agrandissement dont s'agit ; qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X... ne sont pas fondés à soutenir que la décision d'agrandir le cimetière était entachée d'une illégalité constituant une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Silly-la-Poterie est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribu-naux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 ajouté au code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par l'article 75-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et applicables à compter du 1er janvier 1992 : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ; qu'en application de cette disposition, il y a lieu de condamner M. et Mme X..., parties perdantes, à verser à la commune de Silly-la-Poterie une somme de 10 000F au titre des sommes exposées par cette dernière et non comprises dans les dépens ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif en date du 3 février 1992 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par les époux X... devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée.
Article 3 : M. et Mme X... sont condamnés à verser à la commune de Silly-la-Poterie la somme de 10 000F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Silly-la-Poterie et à M. et Mme Philippe X....