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03/06/1993 | FRANCE | N°91NC00515

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 03 juin 1993, 91NC00515


Vu le recours enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 8 août 1991, sous le n° 91NC00515 présenté par le ministre des affaires sociales et de la solidarité ;
Le ministre demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 2 juillet 1991 par lequel le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser au docteur X... la somme de 4 564 391,93 F en réparation du préjudice qu'il aurait subi entre le 21 janvier 1977 et le 17 juin 1983 du fait du refus illégal d'ouverture d'une clinique médico-chirurgicale de 90 lits à Orchies ;
2°/ de rejete

r la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de L...

Vu le recours enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 8 août 1991, sous le n° 91NC00515 présenté par le ministre des affaires sociales et de la solidarité ;
Le ministre demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 2 juillet 1991 par lequel le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser au docteur X... la somme de 4 564 391,93 F en réparation du préjudice qu'il aurait subi entre le 21 janvier 1977 et le 17 juin 1983 du fait du refus illégal d'ouverture d'une clinique médico-chirurgicale de 90 lits à Orchies ;
2°/ de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lille ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 12 novembre 1991 présenté pour le docteur Emile X... et tendant au rejet de la requête, à la condamnation de l'Etat à lui rembourser la somme de 8 000 F au titre des frais de procédure et à l'augmentation des intérêts légaux jusqu'à la date de l'arrêt de la Cour ;
Vu le mémoire complémentaire en défense enregistré le 1er juillet 1992 présenté pour M. X... tendant à ce que la Cour condamne l'Etat au versement des intérêts légaux dûs sur le montant de la réparation n'ayant pas fait l'objet d'une indemnité provisionnelle à la date de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy et à la capitalisation de ces intérêts ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 1993 :
- le rapport de M. JACQ, Conseiller,
- et les conclusions de M. DAMAY, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la demande d'autorisation d'ouvrir une clinique médico-chirurgicale de 90 lits à Orchies présentée le 7 décembre 1976 par M. X... a fait l'objet d'un refus de la part du préfet du Nord le 21 janvier 1977, puis, à la suite du recours hiérarchique formé par l'intéressé, d'un refus du ministre de la santé ; que cette dernière décision a été annulée par le tribunal administratif de Lille par un jugement en date du 3 juillet 1980 qui a été confirmé par une décision du Conseil d'Etat en date du 26 novembre 1992 ; que, saisi d'une nouvelle demande d'autorisation, le commissaire de la République de la région Nord-Pas-de-Calais compte tenu des modifications de fait et de droit intervenues depuis la demande initiale a rejeté la seconde demande par une décision du 17 juin 1983, ensuite confirmée par une décision du ministre en date du 7 février 1984 ; que, par un jugement avant-dire droit du 8 septembre 1988, le tribunal administratif de Lille a considéré que les décisions annulées constituaient une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat et a estimé que la durée du préjudice indemnisable subi par M. Emile X... devait être limitée à la période s'étendant du 21 janvier 1977, date de la première décision illégale de refus, au 17 juin 1983, date de la seconde décision régulière de rejet ; que, par un jugement du 2 juillet 1991, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à l'intéressé une indemnité de 4 564 391,93 F avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 1985 ainsi que les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 58 591,95 F ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il ressort du jugement du 3 juillet 1980 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du ministre chargé de la santé publique en date du 7 septembre 1977 que M. X... était fondé à demander l'autorisation d'ouvrir à Orchies une clinique médico-cirurgicale de 90 lits ; que l'annulation de la décision ministérielle n'est pas intervenue, contrairement à ce que soutient l'administration, pour un motif formel, mais a censuré une erreur de droit ; que, quelles qu'aient pu être les circonstances de fait qui ont motivé cette décision, l'illégalité de l'arrêté ministériel a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il y a lieu, par suite de rejeter sur ce point les conclusions du recours ;
Sur le préjudice :
Considérant que c'est à juste titre que le tribunal a estimé que M. X... avait droit au remboursement des frais afférents à la constitution du dossier qu'il devait, conformément aux dispositions réglementaires en vigueur, joindre à sa demande d'autorisation d'ouverture de clinique et qu'il a en se basant sur le rapport d'expertise fixé à la somme de 715 000 F ;

Considérant que M. X..., qui n'aurait pu en tout état de cause acquérir en l'espèce aucun droit patrimonial, l'autorisation délivrée en application de l'article 31 de la loi du 31 décembre 1970 ne créant au profit de son titulaire aucun droit cessible ou transmissible autre que celui de poursuivre l'exploitation de l'établissement dans la mesure où les conditions légales de l'autorisation continuent à être remplies, n'était pas par contre fondé à demander réparation du préjudice, d'ailleurs purement éventuel, résultant de la plus-value qu'aurait pu lui procurer la "cession" ultérieure des lits de la clinique et les parts de la société civile immobilière qui aurait été constituée si l'autorisation avait été accordée ; qu'il n'était pas davantage fondé à soutenir qu'il avait subi un préjudice du fait de la privation de la possibilité d'ouvrir un cabinet de radiologie dans les locaux de la clinique ; que le ministre délégué à la santé est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille l'a condamné sur ces chefs de préjudice à verser à M. X... la somme de 3 843 523 F ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. X... a droit aux intérêts de la somme de 715 000 F à compter du 24 septembre 1985, date d'enregistrement de sa requête ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 17 janvier 1991 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 ajouté au code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par l'article 75-11 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et applicable à compter du 1er janvier 1992 : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; qu'en application de cette disposition, il y a lieu de condamner l'Etat, partie perdante, à verser à M. X... une somme de 3 000 F au titre des sommes exposées par ce dernier et non comprises dans les dépens ;
Article 1 : La somme de 4 564 391,93 F que l'Etat a été condamné à verser à M. X... par le jugement du tribunal administratif de Lille du 2 juillet 1991 est ramenée à 715 000 F. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 24 septembre 1985. Les intérêts échus les 17 janvier 1991 et 13 mai 1993 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 2 juillet 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre des affaires sociales et de la solidarité est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville et à M. X....


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 91NC00515
Date de la décision : 03/06/1993
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-04-01-02-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE. - CARACTERE CERTAIN DU PREJUDICE - ABSENCE


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 70-1318 du 31 décembre 1970 art. 31
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75-11


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. JACQ
Rapporteur public ?: M. DAMAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1993-06-03;91nc00515 ?
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