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09/03/1993 | FRANCE | N°90NC00241

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 09 mars 1993, 90NC00241


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés les 7 mai 1990 et 10 janvier 1991 au greffe de la cour administrative d'appel sous le n° 90NC00241, présentés pour la SARL SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES (S.E.E.C.) dont le siège social est sis Château du Clos Mortier - Chanzy-Louis - 52100 Saint-Dizier, représentée par son gérant en exercice ;
La SARL SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er mars 1990 en tant que par ledit jugement le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à la c

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Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés les 7 mai 1990 et 10 janvier 1991 au greffe de la cour administrative d'appel sous le n° 90NC00241, présentés pour la SARL SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES (S.E.E.C.) dont le siège social est sis Château du Clos Mortier - Chanzy-Louis - 52100 Saint-Dizier, représentée par son gérant en exercice ;
La SARL SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er mars 1990 en tant que par ledit jugement le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 596120,67 F représentative de ses pertes commerciales et à lui rembourser une somme de 261 729,35 F avancée pour des travaux à la charge de l'Etat, assorties des intérêts au taux légal ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser les indemnités susvisées avec les intérêts et les intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse An VIII ;
Vu la loi du 16 septembre 1807 ;
Vu la loi du 19 juillet 1919 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 1993 :
- le rapport de M. BONHOMME, Conseiller,
- les observations de Me X..., représentant la SCP LYON-CAEN, avocat de la SARL SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la société à responsabilité limitée SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES (S.E.E.C.), qui exploite à Charmes une usine hydro-électrique alimentée par les eaux de la Moselle, a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le directeur régional de la navigation à Nancy, aux demandes présentées par la SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES au mois de septembre 1985 pour obtenir la remise en état des berges submergées en 1983 par les eaux de la Moselle, l'indemnisation des pertes commerciales provoquées par le contournement du barrage de Charmes par les eaux en crue, soit 596 120,67 F, et le remboursement des sommes avancées par elle pour la remise en état du bief du barrage, soit 261 729,35 F, et, d'autre part, la condamnation de l'Etat à lui verser ces mêmes sommes ; que, par le jugement attaqué en date du 1er mars 1990, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande après avoir estimé en premier lieu que les pertes d'exploitation étaient couvertes par l'assureur de la requérante au titre de l'indemnisation des catastrophes naturelles et ne pouvaient faire l'objet d'une seconde indemnisation, et en second lieu que, pour la remise en état de la digue, l'Etat avait engagé des travaux dont le montant de 180 000F était supérieur à la quote-part de 1/16ème mise à sa charge par l'arrêté préfectoral du 12 mars 1956 ; que, dans le dernier état de ses conclusions d'appel, la SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES ne demande plus que la condamnation de l'Etat à lui verser, d'une part, au titre des frais de remise en état de la digue et des berges qu'elle a avancés, une somme totale de 261 729,35 F dont 99 929 F au titre des mesures urgentes prises par la commune de Charmes pour le compte de l'Etat, et 161 800 F au titre des travaux ultérieurs de rétablissement des berges qui comprennent l'aménagement du lit en aval de ses installations (95 093,48 F), des travaux de gros oeuvre réalisés sur le barrage (22 802,11 F) et des travaux concernant les turbines hydrauliques et la mécanique générale (43 904,36 F), et d'autre part au titre de ses pertes d'exploitation, une somme de 596 120,67 F ;
Sur le préjudice résultant des frais de remise en état de la digue et des berges de la Moselle exposés par la requérante :

Considérant que la digue dont il s'agit a été établie sur la rive gauche de la Moselle en amont du barrage des Grands Moulins de Charmes ; qu'en édifiant en 1952 cette digue artificielle à la place de la berge naturelle emportée par une crue, l'Etat n'a pas, contrairement à ce que soutient le ministre, réalisé un ouvrage de défense des eaux pour protéger son domaine privé des inondations, mais a, dans un but de conservation du domaine public fluvial, exécuté un travail public destiné à rétablir le lit habituel de la rivière et à permettre un usage de ses eaux dans des conditions conformes à sa destination et aux droits des riverains ; qu'ainsi, la digue reconstruite à de telles fins par l'Etat sur son domaine public fluvial constitue un ouvrage public alors même que sa construction aurait été partiellement financée par des fonds privés ; que si cet ouvrage dont le soubassement fait ainsi partie du domaine public fluvial de l'Etat est utile à la société requérante et permet au barrage de remplir sa fonction en assurant une alimentation régulière des turbines, il ne constitue pas pour autant un accessoire dudit barrage, étant en outre destiné à permettre l'alimentation en eau du canal de l'Est et du canal des Moulins de la ville de Charmes ;
Considérant que la digue litigieuse qui, comme il vient d'être dit, ne constitue pas un accessoire du barrage, n'entre pas dans le champ d'application de l'arrêté préfectoral du 12 mars 1956 qui prévoit que l'Etat sera seul chargé de l'entretien et des réparations du barrage dit des Grands Moulins, et que les dépenses correspondantes seront supportées dans la proportion de 15/16èmes par la société des Grandes Brasseries de Charmes aux droits de laquelle vient la SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES, et de 1/16ème par l'Etat ; que, par suite, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter ses conclusions tendant au remboursement des frais exposés pour la remise en état de la digue et des berges de la Moselle, le tribunal administratif de Nancy a considéré que l'Etat avait engagé pour lesdits travaux une somme de 180 000 F supérieure au 1/16ème mis à sa charge par ledit arrêté ;
Considérant que la dépense globalisée de 261 729,35 F mentionnée ci-dessus et qui, selon la SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES, n'a pas pour objet la remise en état d'ouvrages, d'installations ou de biens lui appartenant, mais correspond à des sommes qu'elle a avancées pour financer des travaux de rétablissement des berges entrepris par l'Etat, ne constitue pas pour cette société une conséquence dommageable directe de la rupture de la digue ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à en demander le remboursement ;
Sur le préjudice résultant des pertes d'exploitation :
Considérant que la SARL SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES expose devant la Cour qu'elle n'était pas assurée en 1983 contre les risques de catastrophes naturelles telles que les inondations, ce que reconnaît le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace ; que par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour écarter sa demande d'indemnisation des pertes de production d'électricité subies d'avril à décembre 1983, le tribunal administratif a considéré qu'elle était assurée et qu'elle ne saurait être indemnisée une seconde fois par l'Etat ;

Considérant que le titulaire d'une permission de d'occupation du domaine public ou d'une autorisation de disposer de l'énergie hydraulique d'une rivière pour la mise en jeu d'une installation de production d'énergie électrique ne peut être astreint à supporter sans indemnité le dommage subi en sa qualité d'occupant du domaine public fluvial dans les ouvrages objet de la permission que lorsque le dommage est la conséquence de travaux exécutés dans l'intérêt de la conservation du domaine ou de son utilisation en conformité de sa destination et dans des conditions normales, ou la conséquence nécessaire du fonctionnement normal d'un ouvrage public édifié dans l'intérêt du domaine pour lequel l'autorisation d'occupation est accordée ; qu'ainsi, le régime de responsabilité sans faute dont les occupants du domaine public fluvial bénéficient pour la réparation des dommages subis en cette qualité ne s'applique qu'aux ouvrages qui font l'objet de la permission, à l'exclusion des préjudices de nature commerciale consistant notamment dans des pertes d'exploitation ; qu'en revanche lorsque le préjudice subi par le permissionnaire a pour cause une faute du maître de l'ouvrage, il peut être réparé par application des principes généraux gouvernant la responsabilité de la puissance publique, lesquels n'impliquent pas l'exclusion de dommages résultant de pertes d'exploitation ; qu'enfin, lorsque le dommage subi est lié à la situation de riverain du permissionnaire et est donc sans rapport avec sa qualité d'occupant du domaine public fluvial, de telles pertes d'exploitation sont susceptibles d'être indemnisées en application des principes généraux gouvernant la réparation des dommages de travaux publics ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les pertes d'exploitation subies par la société requérante sont en rapport direct avec sa qualité d'occupant du domaine public fluvial ; que, dès lors, un tel préjudice n'est pas de nature à lui ouvrir droit à réparation sur le fondement du risque;
Considérant que l'entretien de la digue constitue un travail conforme à la destination du domaine public fluvial ; que si la SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES a appelé l'attention du service de la navigation sur les signes de fragilité présentés par l'état de cet ouvrage, il n'est pas contesté que l'Etat a fait exécuter les travaux qu'exigeaient les circonstances ; qu'il n'est pas établi que ces travaux ont été exécutés dans des conditions anormales ; que l'effondrement de cette digue sous la pression des eaux en crue malgré la réalisation de tels travaux ne suffit pas à révéler une insuffisance d'entretien de cet ouvrage, alors même que la crue dont s'agit ne présentait pas le caractère d'un événement de force majeure, ni une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers la SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES, dès lors que cette dernière n'a pas signalé de risques d'effondrement après l'exécution des travaux susvisés ;

Considérant en outre que, dans les circonstances de l'espèce, l'Etat n'étant tenu à l'égard de la SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES à aucune obligation de reconstruire l'ouvrage dont il s'agit, la circonstance que le service de la navigation ne disposait pas des autorisations budgétaires nécessaires pour lui permettre d'intervenir immédiatement après la rupture de la digue, ou le fait qu'il s'est écoulé un certain laps de temps avant l'ouverture de l'enquête publique préalable à la réalisation des travaux de reconstruction de la digue ne constituent pas davantage des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers la SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 ajouté au code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par l'article 75-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et applicable à compter du 1er janvier 1992 : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ; qu'en application de cette disposition, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat à rembourser à la SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES les frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés pour conduire l'instance ;
Article 1 : La requête de la SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SOCIETE D'ENERGIE ELECTRIQUE DE CHARMES et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 90NC00241
Date de la décision : 09/03/1993
Type d'affaire : Administrative

Analyses

24-01-02-01-01-03 DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - REGIME - OCCUPATION - UTILISATIONS PRIVATIVES DU DOMAINE - DROITS A INDEMNISATION DE L'OCCUPANT


Références :

Arrêté du 12 mars 1956
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75-2


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BONHOMME
Rapporteur public ?: Mme FELMY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1993-03-09;90nc00241 ?
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