Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 11 avril 1991 sous le numéro 91NC00216, présentée pour la société lorraine de laminage continu (Sollac), anciennement dénommée Usinor, dont le siège est situé immeuble Elysée -La Défense- 29 Le Parvis à 92800 PUTEAUX, représentée par ses dirigeants en exercice ; la société Sollac demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 14 février 1991 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du port autonome de Dunkerque à réparer le préjudice qu'elle a subi à la suite de la grève du personnel de la société de remorquage en 1983 ;
2°) de condamner le port autonome de Dunkerque à lui payer la somme de 3 685 846,69 F avec les intérêts de droit à compter du 10 janvier 1984 et capitalisation de ceux-ci ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 août 1991, présenté pour le port autonome de Dunkerque ; le port autonome de Dunkerque demande à la Cour :
1°) - d'une part, de rejeter la requête, - d'autre part, par la voie du recours incident, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a retenu la responsabilité du port autonome ;
2°) de condamner la société Sollac à lui payer la somme de 15 OOO F en application de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'intervention, enregistrée le 23 décembre 1991 et le mémoire complémentaire enregistré le 9 juin 1992, présentés par le secrétaire d'Etat à la mer ; le secrétaire d'Etat à la mer conclut à ce qu'il soit fait droit à l'appel incident du port autonome de Dunkerque ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 1992 :
- le rapport de M. SAGE, Conseiller,
- les observations de Maître BLANCPAIN, avocat de la Société Sollac, et Maître MATTEI, avocat de Monsieur X... du Port Autonome de Dunkerque ;
- et les conclusions de M. DAMAY, Commissaire du Gouvernement ;
Sur l'intervention du secrétaire d'Etat à la mer :
Considérant que, dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui se prévalent d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier ; que le secrétaire d'Etat à la mer ne se prévaut pas d'un droit de cette nature ; que, dès lors, son intervention n'est pas recevable ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le port autonome de Dunkerque mis en demeure le 7 décembre 1990, en application de l'article R.150 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de présenter ses observations sur la demande de la société Sollac a produit son mémoire en défense le 5 février 1991 ; que l'affaire étant venue à l'audience publique du lendemain, la société soutient qu'elle n'en a pas eu connaissance avant la clôture de l'instruction ; qu'aucune pièce du dossier ne permet d'infirmer cette allégation ; que, dès lors, celle-ci est fondée à soutenir que le jugement attaqué est intervenu sur une procédure irrégulière et à en demander pour ce motif l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la Sollac devant le tribunal administratif de Lille ;
Sur la responsabilité :
Considérant que si du 29 novembre au 17 décembre 1983, les navires minéraliers et charbonniers affairant l'approvisionnement des installations de la Société Usinor n'ont pu accéder aux quais de déchargement à la suite de la grève du personnel de la société de remorquage agréée par le port autonome de Dunkerque, il résulte de l'instruction qu'aucune disposition du règlement particulier de police du port ni du règlement général de police des ports maritimes annexé à l'article R 351-1 du code des ports maritimes n'imposait au port autonome de Dunkerque d'assistance de remorqueurs pour manoeuvrer à l'intérieur des limites portuaires ; que d'autre part, la sécurité de la navigation maritime n'étant pas compromise, le port autonome de Dunkerque n'a commis aucune faute dans l'exécution de sa mission de service public à caractère administratif en ce qui concerne la police des accès du port en s'abstenant de mettre en oeuvre des moyens de substitutions permettant de pallier la défaillance de la société privée chargée du remorquage ; que, par suite, la société Sollac n'est pas fondée à soutenir que le port autonome de Dunkerque a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et à lui demander réparation du préjudice résultant pour elle de l'immobilisation des navires qui assuraient l'approvisionnement de ses installations ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 ajouté au code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par l'article 75-II de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et applicable à compter du 1er janvier 1992 : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'en application de cette disposition, il y a lieu de condamner la société Sollac à verser au port autonome de Dunkerque une somme de 5 OOO F au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1 : L'intervention du secrétaire d'Etat à la mer n'est pas admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 14 février 1991 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par la société Sollac devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 4 : La société Sollac versera au port autonome de Dunkerque une somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sollac, au port autonome de Dunkerque et au secrétaire d'Etat à la mer.