La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/1992 | FRANCE | N°90NC00472;91NC00609

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 27 mai 1992, 90NC00472 et 91NC00609


Vu I/ la requête, enregistrée le 17 août 1990 au greffe de la Cour sous le n° 90NC00472, présentée par la commune de LA CHEPPE ;
Vu la requête, enregistrée le 19 avril 1991, présentée pour la commune de LA CHEPPE, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 7 septembre 1990, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville de LA CHEPPE (51600) ;
La commune de LA CHEPPE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne, d'une par

t, l'a déclarée responsable des dommages subis par l'établissement de piscicultu...

Vu I/ la requête, enregistrée le 17 août 1990 au greffe de la Cour sous le n° 90NC00472, présentée par la commune de LA CHEPPE ;
Vu la requête, enregistrée le 19 avril 1991, présentée pour la commune de LA CHEPPE, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 7 septembre 1990, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville de LA CHEPPE (51600) ;
La commune de LA CHEPPE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne, d'une part, l'a déclarée responsable des dommages subis par l'établissement de pisciculture exploité par la fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture de la Marne, d'autre part, a ordonné une expertise avant de statuer sur le préjudice ;
2°) de rejeter la demande de la fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture de la Marne devant le tribunal administratif ;

Vu II/ la requête, enregistrée le 23 septembre 1991 au greffe de la Cour sous le n° 91NC00609, présentée pour la commune de LA CHEPPE, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 26 septembre 1991, domicilié en cette qualité à l'hôtel de Ville de LA CHEPPE (51600) ;
La commune de LA CHEPPE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne l'a condamnée à verser à la fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture de la Marne la somme de 172 508,80 F avec intérêts à compter du 4 janvier 1988 ainsi qu'une somme de 2 000 F au titre des frais irrépétibles et a mis à sa charge les frais d'expertise ;
2°) de rejeter la demande de la fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture de la Marne devant le tribunal administratif ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 1992 :
- le rapport de M. VINCENT, Conseiller ,
- et les conclusions de M. PIETRI, Commissaire du Gouvernement désigné en application du 2ème alinéa de l'article 18 de la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 ajouté par l'article 5 de la loi n° 90-511 du 25 juin 1990 ;

Considérant que les requêtes susvisées de la commune de LA CHEPPE sont relatives aux conséquences d'un même dommage ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la recevabilité des requêtes :
Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article R.229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : " ... le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie ... Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, le délai d'appel contre un jugement avant-dire-droit ... court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige" ;
Considérant que, par le jugement précité en date du 20 mars 1990, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a déclaré la commune de LA CHEPPE responsable des dommages subis par la fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture de la Marne et, avant de statuer sur le préjudice, ordonné une expertise à l'effet d'en chiffrer le montant ; que ledit jugement ayant ainsi un caractère avant-dire-droit au sens des dispositions susrappelées, la requête de la commune de LA CHEPPE dirigée contre ce dernier, enregistrée le 17 août 1990 au greffe de la Cour, soit après l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, effectuée le 29 mars 1990, est néanmoins recevable, dès lors par ailleurs que les premiers juges ne s'étaient pas encore prononcés sur le préjudice lors de l'enregistrement de ladite requête ;
Considérant en second lieu que l'appel dirigé contre le jugement du 23 avril 1991, notifié le 23 juillet 1991, a été enregistré le 23 septembre 1991 au greffe de la Cour ; que par suite, cet appel est recevable ; que la circonstance que la commune de LA CHEPPE ait indiqué, du fait d'une simple erreur matérielle, que ledit jugement, qu'elle a joint à sa requête, était daté du 23 avril 1981, est sans incidence sur la recevabilité de celle-ci ;
Sur la régularité du jugement du 23 avril 1991 :
Considérant que, par le jugement susrappelé en date du 23 avril 1991, le tribunal administratif s'est prononcé, après dépôt du rapport d'expertise, sur le montant du préjudice subi par la fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture de la Marne ; que cette décision, qui mentionne tant les chefs de préjudice retenus comme étant en relation de causalité directe et certaine avec le dommage et le montant afférent à chacun d'entre eux que ceux qu'il n'a pas retenus et les raisons pour lesquelles il les a écartés, doit être regardée comme suffisamment motivée ;
Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que les réseaux d'eaux pluviales de la commune de LA CHEPPE, qui reçoivent également les eaux usées en provenance de diverses habitations et exploitations agricoles, se déversent sans épuration préalable en plusieurs points dans la rivière "La Noblette", dont les eaux alimentent directement l'établissement de pisciculture appartenant à la fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture de la Marne, situé sur le territoire de ladite commune ; que la perte d'une importante partie de cet élevage a été constatée dans la matinée du 6 novembre 1985, après que des pluies abondantes se soient abattues sur la région dans l'après-midi du 5 novembre ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal des gardes-pêches assermentés commissionnés par l'administration, établi au vu des analyses de l'eau de la rivière effectuées par le centre technique du génie rural, des eaux et forêts, que la mortalité de l'élevage a pour origine la pollution de la rivière ; que cette pollution est elle-même due à la purge, provoquée par l'orage survenu après une longue période de sécheresse, du réseau d'eaux pluviales, qui a drainé diverses substances chimiques et matières organiques et entraîné une forte baisse du taux d'oxygène dissous dans l'eau des bassins d'élevage, ainsi qu'il a été mesuré le 6 novembre 1985, ce qui a provoqué la mort des animaux ; que la circonstance que l'analyse chimique des eaux n'ait pas été effectuée au sein même des bassins et que celle pratiquée à l'entrée des bassins, qui n'a été réalisée que dix-huit heures après l'orage, n'ait pas permis de relever, contrairement à l'une des analyses effectuées dans une poche d'eau stagnante au point d'émission dans la rivière de l'un des réseaux d'eaux pluviales, une importante pollution d'origine chimique, ne démontre pas le caractère erroné des conclusions du procès-verbal précité ; qu'il n'est pas davantage établi que la désoxygénation de l'eau, également constatée à l'entrée des bassins ainsi qu'au point d'émission de certains des réseaux d'évacuation des eaux pluviales, serait imputable à un phénomène permanent de putréfaction des boues et vases se déposant au fond de la rivière ou au simple brassage de ces boues en raison de l'afflux important d'eau lors de l'orage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le fonctionnement du réseau communal d'eau pluviale, qui constitue un ouvrage public appartenant à la commune de LA CHEPPE, est directement à l'origine du dommage subi par l'établissement de pisciculture, lequel a la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage ; que par suite, le dommage qu'il a causé engage la responsabilité de la commune à l'égard de la fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture de la Marne ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'est pas contesté que l'établissement de pisciculture dont s'agit a été créé avant la création du réseau d'évacuation des eaux pluviales de la commune et qu'il n'a pas été sensiblement agrandi après la mise en service de cet ouvrage public ; qu'ainsi, en tout état de cause, il ne peut être reproché à la fédération départementale d'avoir pris le risque d'alimenter ses installations avec des eaux occasionnellement polluées ; que s'il est constant que la pompe branchée sur un forage et l'aérateur dont disposait la pisciculture n'ont été mis en service que dans la matinée du 6 novembre 1985, un risque de mortalité de l'élevage ne pouvait en l'espèce être raisonnablement envisagé du seul fait de la survenance de pluies après une période de sécheresse ; que par suite, le dommage subi par l'intimée ne peut être imputé, même pour partie, à sa négligence ; qu'il en résulte que la commune n'est pas fondée à invoquer le fait de la victime pour s'exonérer de sa responsabilité ;
Considérant, enfin, que la circonstance que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Châlons-sur-Marne ait classé sans suite la plainte dont il a été saisi sur la base des dispositions du code rural ne peut que rester sans incidence sur la responsabilité de la commune à raison des dommages de travaux publics causés aux tiers, la mise en oeuvre de cette responsabilité n'étant au demeurant pas conditionnée par l'existence d'une faute de la part du maître de l'ouvrage ;
Sur le préjudice :
Considérant, en premier lieu, que pour évaluer le préjudice subi, l'expert a notamment tenu compte du poids de truites retirées des bassins tel que déterminé par la fédération ; que s'il est constant que ce poids est sensiblement supérieur à celui calculé par l'équarrisseur, l'expert a estimé que le poids allégué par la fédération était vraisemblable, eu égard tant au volume des bacs de ciment où les truites ont été transportées qu'à la quantité de poissons sauvés, et que cette différence de poids s'expliquait par la dessiccation survenue dans l'intervalle entre les deux estimations ; que si la véracité des pertes avancées par la fédération et reprises par l'expert n'a pu être confirmée, la commune requérante n'en établit pas l'exagération et ne propose aucune autre méthode d'évaluation ;

Considérant, en second lieu, que la valeur marchande de l'élevage perdu a été établie à partir de la composition de celui-ci et du prix non contesté des différentes espèces et non à partir de la diminution des recettes enregistrées en 1986 par rapport à celles comptabilisées les deux années précédentes, contrairement à ce que soutient la commune ; que par suite, la circonstance que l'expert aurait tenu pour acquis le montant des recettes avancé par la fédération est en tout état de cause sans incidence sur le bien-fondé de son évaluation, qui n'a fait référence au chiffre d'affaires réalisé qu'à titre de comparaison ; Considérant, en dernier lieu, que le montant des pertes a été calculé par l'expert au jour du sinistre ; qu'il appartenait à l'homme de l'art d'apporter cette dernière précision alors même qu'il n'y avait pas été expressément invité par les premiers juges ; que la circonstance que l'expert ait estimé que les chiffres qu'il a arrêtés devaient être réactualisés en fonction de divers paramètres demeure sans influence, dès lors que seule l'estimation brute, sans application de ces corrections, a été retenue à bon droit par le tribunal administratif pour fixer le montant de l'indemnisation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de LA CHEPPE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne l'a condamnée à verser à la fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture de la Marne la somme de 172 508,80 F avec intérêts de droit à compter du 4 janvier 1988 ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais irrépétibles :
Considérant qu'aux termes de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel issu de l'article 75-II de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, applicable à compter du 1er janvier 1992 : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions précitées de l'article L 8-1 et de condamner la commune de LA CHEPPE à payer à la fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture de la Marne une somme de 2 000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1 : La requête de la commune de LA CHEPPE est rejetée.
Article 2 : La commune de LA CHEPPE versera à la fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture de la Marne une somme de 2 000 F au titre des dépenses exposées par elle et non comprises dans les dépens.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture de la Marne tendant au remboursement des frais irrépétibles est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de LA CHEPPE, à la fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture de la Marne et au ministre de l'agriculture et de la forêt.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 90NC00472;91NC00609
Date de la décision : 27/05/1992
Type d'affaire : Administrative

Analyses

NATURE ET ENVIRONNEMENT - AUTRES MESURES PROTECTRICES DE L'ENVIRONNEMENT - LUTTE CONTRE LA POLLUTION DES EAUX.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CAUSES PAR L'EXISTENCE OU LE FONCTIONNEMENT D'OUVRAGES PUBLICS - CONCEPTION ET AMENAGEMENT DE L'OUVRAGE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R229, L8-1
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: VINCENT
Rapporteur public ?: PIETRI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1992-05-27;90nc00472 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award