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09/07/1991 | FRANCE | N°89NC00750

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 09 juillet 1991, 89NC00750


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés respectivement le 19 septembre 1988 et le 18 janvier 1989 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le numéro 102043 et sous le numéro 89NC00750 au greffe de la Cour administrative d'appel, pour M. René X..., demeurant ... à 54290 BAYON ;
M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) de réformer le jugement du 1er juillet 1988 par lequel le tribunal administratif de NANCY a condamné d'une part les communes de BAYON et VIRECOURT à lui payer conjointement et solidairement une somme de 10 923 F et d'autre part la

commune de VIRECOURT à lui payer une somme de 16 000 F, qu'il est...

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés respectivement le 19 septembre 1988 et le 18 janvier 1989 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le numéro 102043 et sous le numéro 89NC00750 au greffe de la Cour administrative d'appel, pour M. René X..., demeurant ... à 54290 BAYON ;
M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) de réformer le jugement du 1er juillet 1988 par lequel le tribunal administratif de NANCY a condamné d'une part les communes de BAYON et VIRECOURT à lui payer conjointement et solidairement une somme de 10 923 F et d'autre part la commune de VIRECOURT à lui payer une somme de 16 000 F, qu'il estime insuffisantes, en réparation du préjudice qu'il a subi en raison d'inondations survenues en 1978 et 1979 et depuis 1983 qui ont causé des dommages dans sa propriété ;
2°) de condamner les communes de BAYON et VIRECOURT conjointement et solidairement à lui payer une somme de 142 069,48 F ainsi que les intérêts à compter du 23 février 1987 et les intérêts des intérêts ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 10 novembre 1989 présenté par Me PARMENTIER, avocat aux Conseils, pour les communes de BAYON et VIRECOURT ;
Les communes de BAYON et VIRECOURT demandent à la Cour :
1°) de rejeter la requête de M. X... ;
2°) par la voie du recours incident, d'annuler le jugement attaqué et de les décharger des condamnations prononcées contre elles ;
3°) de condamner M. X... à leur verser une somme de 10 000 F au titre de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des Cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 25 janvier 1989 par laquelle le Président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviose an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 1991 :
- le rapport de M. LE CARPENTIER, conseiller,
- les observations de M. X...,
- les observations de Me LEBON, substituant Me PARMENTIER, avocat de la commune de BAYON,
- et les conclusions de Mme FELMY, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que M. X... demande réparation des dommages que sa propriété sise ... a subis à la suite d'inondations survenues en 1978 et 1979 et à plusieurs reprises depuis 1983 ;
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne les inondations survenues en 1978 et 1979 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la cause des désordres survenus dans la propriété de M. X... résidait dans la montée en pression des eaux dans la canalisation d'évacuation des eaux de l'avenue de la Gare sise sur le territoire de la commune de BAYON et à laquelle était raccordée la propriété de M. X..., lequel a la qualité de tiers par rapport à ladite canalisation ; que cette pression résultait elle-même d'un supplément de débit d'eau provenant à la fois d'un déversoir d'orage implanté sur le territoire de la commune de VIRECOURT et de plusieurs canalisations d'évacuation d'eau desservant les lotissements de la Grande Embanie et de la COPAC sur le territoire de la commune de VIRECOURT, dont la mise en service a commencé pendant la période litigieuse ; que l'expert a relevé que le diamètre des canalisations sus-mentionnées de la commune de VIRECOURT, ainsi que celui de la canalisation de l'avenue de la Gare à BAYON dans laquelle les premières se déversaient, était manifestement insuffisant pour permettre un écoulement satisfaisant des eaux provenant, d'une part, du débordement du déversoir d'orage à la suite de pluies survenues en 1978 et 1979, lesquelles bien qu'importantes ne constituaient pas un cas de force majeure et, d'autre part, de l'évacuation des habitations construites dans les nouveaux lotissements ; que la circonstance que la canalisation de l'avenue de la Gare à BAYON était correctement dimensionnée pour répondre aux besoins propres de cette commune reste sans influence sur la responsabilité de cette dernière dès lors qu'un lien de causalité est établi entre l'ouvrage en cause et le dommage subi ; que par suite, la responsabilité des communes de BAYON et de VIRECOURT est engagée conjointement et solidairement à l'égard de M. X... au titre du préjudice subi par ce dernier du fait des inondations intervenues en 1978 et 1979 ;
Considérant toutefois que l'implantation de l'habitation de M. X..., dont le sous-sol est situé en dessous du niveau de la canalisation de l'avenue de la Gare, est constitutive d'un fait de la victime de nature à décharger partiellement les communes concernées de leur responsabilité, à défaut de tout mécanisme destiné à prévenir le refoulement éventuel d'eau en provenance de ces canalisations ; que par suite, le tribunal administratif a fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que cette imprudence était de nature à exonérer, dans la proportion d'un tiers, la responsabilité des communes de BAYON et VIRECOURT ; que dès lors, ni la requête de M. X..., ni l'appel incident des communes de BAYON et VIRECOURT ne sont sur ce point fondées ;
En ce qui concerne les inondations postérieures à 1983 :

Considérant qu'il résulte de l'expertise que les inondations qui ont endommagé la propriété de M. X... depuis 1983 sont dûes à une remontée de la nappe phréatique causée principalement par des apports d'eaux liés à l'insuffisance de diamètre de la canalisation d'eau de la commune de VIRECOURT située le long du CC n° 5 ; que la commune de BAYON, qui avait procédé à la modification de son propre réseau en substituant à sa canalisation de 700 mm dans l'avenue de la Gare une canalisation de 1 000 mm, doit être mise hors de cause ; que dès lors, la responsabilité de la commune de VIRECOURT est seule engagée ;
Considérant toutefois que la propriété de M. X... a été implantée sur un terrain composé d'alluvions argilo-calcaires perméables cernés par des marnes argileuses et étanches, formant cuvette et favorisant une importante accumulation des eaux de ruissellement ; que cette implantation est elle-même à l'origine d'une partie du préjudice subi par M. X... ; que par suite, il a été fait par le tribunal administratif de NANCY une juste appréciation des faits de la cause en laissant à la charge de M. X... un tiers des conséquences dommageables des inondations survenues depuis 1983 ; que dès lors, ni la requête de M. X..., ni celle des communes de BAYON et VIRECOURT ne peuvent à cet égard être accueillies ; Sur le préjudice :
Considérant qu'en ce qui concerne la réparation des désordres causés par les inondations de 1978 et 1979, l'évaluation opérée par l'expert a été faite, d'une part, au vu du rapport d'expertise établi le 6 septembre 1979 par la compagnie d'assurances de M.
X...
, soit immédiatement après la survenance des inondations litigieuses et, d'autre part, en fonction des différentes factures produites à titre de justificatif par M. X... ; que c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu, sur le fondement du rapport de l'expert, un montant de 10 923 F à titre d'indemnisation de M. X... ; qu'ainsi, et nonobstant la circonstance que l'intéressé aurait déjà perçu cette somme de la compagnie d'assurances, ce qui ne résulte au demeurant pas de l'instruction, le tribunal administratif de NANCY a fait une exacte appréciation du préjudice subi par M. X... ;
Considérant que, s'agissant du préjudice matériel résultant des inondations postérieures à 1983, M. X... ne fournit aucun justificatif attestant de la réalité et du montant des dommages subis, excepté une facture de fourniture et de pose d'un nouveau chauffe-eau en date du 15 janvier 1986, pour un montant de 2 268,33 F, pour lequel il ne ressort pas de l'instruction que son remplacement n'ait pas été nécessité par sa vétusté ; que les travaux de drainage effectués, conformément aux recommandations de l'expert, dans le jardin de M. RITER pour un montant de 16 346,40 F, ont été exposés en vue de remédier à la saturation d'eau résultant de la nature géologique du terrain et non pour faire face aux inondations provoquées par le mauvais fonctionnement des canalisations d'évacuation d'eau de la commune de VIRECOURT ; que dès lors, M. X... n'est pas fondé à en demander le remboursement ; qu'ainsi, à défaut de plus amples justifications, M. X... ne peut prétendre à aucune indemnité au titre d'un préjudice matériel pour les inondations postérieures à 1983 ;

Considérant par contre que l'existence de troubles de jouissance allégués par M. X... doivent être regardés comme établis ; que le tribunal administratif en a fait une juste estimation en les évaluant, compte tenu du partage de responsabilité, à 5 333 F au titre des années 1978 et 1979 et à 16 000 F au titre des années 1983 à 1988 ; Sur les intérêts et leur capitalisation :
Considérant que M. X... a demandé le versement des intérêts au taux légal à compter du 23 février 1987, date de l'enregistrement de sa requête devant le tribunal administratif de NANCY ;
Considérant qu'il ressort de l'instruction qu'en exécution du jugement attaqué, les communes de Bayon et Virecourt ont payé à M. X... le 22 novembre 1988, soit postérieurement à sa demande d'intérêts moratoires, les sommes auxquelles elles étaient respectivement condamnées ; qu'ainsi, M. X... a droit au versement des intérêts moratoires du 23 février 1987 au 22 novembre 1988 ;
Considérant que M. X... a demandé le 19 septembre 1988 la capitalisation des intérêts afférents aux indemnités accordées par le jugement attaqué du tribunal administratif de NANCY ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application de l'article R.222 et de condamner M. X... à payer aux communes de BAYON et VIRECOURT la somme de 10 000 F au titre des sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. René X... ainsi que le recours incident des communes de BAYON et VIRECOURT sont rejetés.
Article 2 : L'indemnité de 10 923 F que les communes de BAYON et VIRECOURT et l'indemnité de 16 000 F que la commune de VIRECOURT ont été condamnées à payer à M. X... par le jugement du tribunal administratif de NANCY du 1er juillet 1988 porteront intérêts au taux légal à compter du 23 février 1987 jusqu'au 22 novembre 1988 date du versement du principal. Les intérêts échus le 19 septembre 1988 seront capitalisés à cette date, pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X..., à la commune de BAYON et à la commune de VIRECOURT.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 89NC00750
Date de la décision : 09/07/1991
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-01-02-01-03-01-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE ENCOURUE DU FAIT DE L'EXECUTION, DE L'EXISTENCE OU DU FONCTIONNEMENT DE TRAVAUX OU D'OUVRAGES PUBLICS - VICTIMES AUTRES QUE LES USAGERS DE L'OUVRAGE PUBLIC - TIERS


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R222


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: LE CARPENTIER
Rapporteur public ?: FELMY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1991-07-09;89nc00750 ?
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