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25/06/1991 | FRANCE | N°89NC01028

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 25 juin 1991, 89NC01028


Vu le recours enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 24 novembre 1988 sous le numéro 103.395 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 9 janvier 1989 sous le numéro 89NC01028, présenté par le ministre délégué au budget ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement en date du 1er juillet 1988 par lequel le tribunal administratif de NANCY a accordé à la société anonyme "Etablissements X..." la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1975 à 1

978, des pénalités mises à sa charge au titre de l'année 1979 en application ...

Vu le recours enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 24 novembre 1988 sous le numéro 103.395 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 9 janvier 1989 sous le numéro 89NC01028, présenté par le ministre délégué au budget ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement en date du 1er juillet 1988 par lequel le tribunal administratif de NANCY a accordé à la société anonyme "Etablissements X..." la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1975 à 1978, des pénalités mises à sa charge au titre de l'année 1979 en application de l'article 72 de la loi du 18 janvier 1980, et de la majoration exceptionnelle qui lui a été assignée au titre de 1975 ;
2°) de décider la compensation de l'impôt sur le revenu assigné à la société X... au titre des années 1975 à 1978 avec l'amende fiscale due en application de l'article 1763 A du code général des impôts ;
3°) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de la société X... ;
Vu le mémoire en réplique enregistré le 20 février 1990 présenté par le ministre délégué au budget, tendant aux mêmes fins que le recours, par les mêmes moyens, par lequel il déclare se désister purement et simplement de sa demande de compensation au titre des années 1975 à 1978 ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 1989 par laquelle le Président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 1991 :
- le rapport de M. PIETRI, Conseiller,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ; En ce qui concerne l'existence d'un détournement de procédure :

Considérant que le tribunal administratif de NANCY a déchargé la société X... des pénalités prévues par l'article 1763 A du code général des impôts auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1975 à 1979, au motif que les conditions d'établissement des bases en fonction desquelles ces pénalités ont été établies auraient été entachées d'un détournement de procédure ; que le ministre délégué, chargé du budget conteste l'existence de cette irrégularité et, dans le dernier état de ses conclusions, demande que l'amende fiscale due par la société X... au titre de l'année 1979, soit remise à la charge de celle-ci ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 1er octobre 1979, lors d'une visite domiciliaire effectuée au siège social de la SA "Etablissement X...", à la requête du directeur de la concurrence et de la consommation, des agents de la direction générale des impôts, intervenant sur le fondement de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 alors en vigueur, ont saisi 22 factures, 19 relevés bancaires et 3 carnets de chèques terminés ; qu'après avoir procédé au contrôle des achats et des ventes de métaux récupérés et à la reconstitution de la comptabilité pour la période du 1er janvier au 30 septembre 1979, ils ont dressé le 23 novembre 1979 deux procès-verbaux relevant à l'encontre de cette société, des achats fictifs et métaux et des facturations fictives, contrevenant aux articles 46 à 48 de l'ordonnance sus-mentionnée du 30 juin 1945 et passibles de sanctions fiscales prévues à l'article 1740 ter du code général des impôts, et lui ont déclaré saisie fictive desdits métaux achetés pour une somme de 1 610 758,20 F ; que par un procès-verbal complémentaire en date du 8 janvier 1980, les agents de la brigade de contrôle et de recherche de Meurthe-et-Moselle ont évalué à 1 254 900 F le montant total des facturations fictives précédemment estimées à 670 000 F par l'un des procès-verbaux susmentionnés ; qu'enfin, par un procès-verbal en date du 31 octobre 1979, d'autres agents de la même brigade de contrôle et de recherche ont procédé au siège des établissements X..., d'une part, à l'examen d'achats et de ventes de l'année 1979 et de diverses factures afin de dégager le stock comptable des métaux non ferreux et, d'autre part, à l'inventaire matériel des métaux non ferreux ; qu'après avoir opéré un rapprochement entre les stocks comptables et le matériel, ils ont constaté un stock manquant sur le chantier de 54 199 Kg de métaux non ferreux, dont la valeur a été estimée à 243 000 F ;
Considérant qu'à la suite de ces procès-verbaux, une vérification de la comptabilité des établissement X... a été entreprise après notification d'un avis de vérification le 5 mai 1980 relatif à l'exercice 1979 ; qu'en se fondant sur les documents saisis et les constatations effectuées par les agents de la D.G.I. les services fiscaux ont rectifié d'office les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, déclarés par la société X... au titre de cette année ;

Considérant que la société X... a soutenu que les investigations entreprises sur le fondement de l'ordonnance du 30 juin 1945 l'ont été à la seule fin de rechercher des preuves d'infraction à la législation fiscale et seraient pas suite entachées d'un détournement de procédure ; qu'en raison des informations fournies par l'un des fournisseurs de la société requérante, l'administration disposait antérieurement aux saisies sus-invoquées de soupçons précis et sérieux que celle-ci avait méconnu les obligations fixées par l'ordonnance sus-évoquée en matière d'établissement de factures et donc commis des infractions économiques de nature à justifier les mesures d'investigation entreprises ; que la société X... a accepté le 23 mai 1980 une transaction que lui avait proposée la direction générale de la concurrence et de la consommation, par laquelle la société reconnaissait expressément la réalité de l'infraction relevée à son encontre ; que dans ces conditions, la circonstance que les opérations de contrôle menées sur le fondement des dispositions précitées n'aurait pas ultérieurement donné lieu à des poursuites judiciaires pour infraction économique n'est pas de nature à établir un détournement de procédure ; que par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé que le service a commis un détournement de procédure qui entâche d'irrégularité la procédure d'imposition ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel de NANCY, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par la société X... tant en première instance qu'en appel ;
En ce qui concerne la régularité de procédure de redressement :
Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que la perquisition et les saisies effectuées par les agents de la direction générale des impôts ont révélé pour l'année 1979, des achats fictifs de métaux non ferreux et des fausses factures dont la société X... a reconnu la réalité même si elle conteste les quantités et sommes concernées ; que le service était dès lors en droit d'opérer par voie de rectification d'office les redressements correspondant à l'évaluation de recettes réalisées à l'occasion de ces dissimulations ; que si l'administration a procédé à compter du 4 décembre 1979, à la vérification de comptabilité de la société, les irrégularités dont cette vérification serait entachée sont, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition appliquée aux redressements litigieux, en tant que ceux-ci n'ont pas trouvé leur origine dans cette vérification ; que par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la vérification de comptabilité sont inopérants en ce qui concerne les redressements correspondant aux revenus tirés d'opérations d'achats fictifs et à la prise en compte des éléments de stock disparus, seuls éléments ayant servi de base pour l'établissement de la pénalité contestée ; RL

Considérant en deuxième lieu que, contrairement à ce qu'affirme la société requérante, le recours à la procédure de rectification d'office ne devait pas être précédé d'un débat contradictoire ; qu'en raison du recours à cette procédure l'administration n'était pas tenue de consulter la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'enfin, si M. X... invoque le défaut de communication, lors de la notification de redressements des procès-verbaux dressés dans le cadre du contrôle économique, il lui revenait, s'il l'estimait utile, de demander copie desdits documents, dont il avait au demeurant eu connaissance au moment de leur établissement ; qu'ainsi la société X... n'est pas fondée à prétendre que la procédure de vérification d'office aurait été entachée d'irrégularité ;
En ce qui concerne le bien-fondé de la pénalité appliquée :
Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article 109 I du code général des impôts : "Sont considérés comme des revenus distribués : 1° Tous les bénéfices et produits qui ne sont pas mis en réserve ni incorporés au capital" ; que l'article 110 du même code dispose : "Dans l'application de l'article 109 I.1°, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés" ; qu'aux termes de l'article 47 de l'annexe II dudit code : "Tout redressement du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera pris en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées" ;

Considérant que l'administration a procédé au redressement des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société X... pour l'exercice 1979 après avoir constaté un stock manquant sur le chantier de métaux non ferreux et des achats fictifs évalués respectivement à 243 000 F et 728 604 F ; que les résultats litigieux ayant à bon droit été établis selon la procédure de rectification d'office, il appartient à la société X... d'apporter la preuve de leur exagération ; qu'ainsi qu'il a été dit, la constatation d'achats fictifs et des fausses factures résulte des procès-verbaux précités du 23 novembre 1979 et du 8 janvier 1980 en matière de législation économique ; que la société X... n'a pas produit des éléments de nature à infirmer les constatations ainsi faites, dont elle a d'ailleurs elle-même admis partiellement l'exactitude, lors de son acceptation le 23 mai 1980 de la transaction susvisée ; que par suite, la société requérante n'apporte pas la preuve de l'exagération de l'évaluation faite par l'administration du nombre d'opérations fictives ; qu'en ce qui concerne l'importance des profits qui en ont été retirés, l'administration a pu à bon droit retenir que la société a retiré un profit de 14 % du montant des achats fictifs en cause, comme ladite société l'a reconnu dans le procès-verbal en date du 23 novembre 1979 ; que si la société X... fait également valoir que les mentions du procès-verbal du 31 octobre 1979 seraient inexactes en ce qui concerne les manquants en stocks, l'évaluation de ce manquant à un montant de 243 000 F ayant été opérée sans pesée, il lui revenait de démontrer l'inexactitude de cette évaluation ; qu'elle n'a entrepris aucune démarche à cet effet à une date ou une vérification aurait pu été possible ; qu'en l'état, il ne résulte pas du dossier qu'une expertise aurait encore une utilité, une telle mesure d'instruction devant dès lors être écartée ; que la société requérante soutient aussi que les manquants en stocks auraient pour origine une comptabilisation erronée desdits stocks sur les exercices antérieurs à 1979 et qu'ainsi les résultats correspondant auxdits manquants devraient être répartis sur l'ensemble des exercices vérifiés ; que toutefois, il appartient à la société d'établir que ces résultats doivent être affectés à des exercices autres que celui au cours duquel les manquants ont été constatés ; qu'elle n'apporte aucun élément de cette nature ; que par suite, c'est à bon droit que l'administration a regardé le montant du stock manquant comme un revenu distribué ; qu'enfin la société X... n'apporte pas la preuve que les sommes en cause ont été mises en réserve ou incorporées au capital social ;

Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 1763 A du code général des impôts : "Les sociétés et autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui usent ou distribuent directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une pénalité fiscale calculée en appliquant au montant des sommes versées ou distribuées le double du taux maximum de l'impôt sur le revenu" ; qu'il résulte de l'instruction qu'invitée par l'administration à désigner le ou les bénéficiaires des distributions, la société X... n'a adressé aucune réponse à l'administration dans le délai de 30 jours qui lui était imparti ; que par suite la société X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'elle a été assujettie à la pénalité litigieuse ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre est fondé à demander que la société X... soit rétablie à l'amende fiscale de 413 460 F à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1979 ;
Article 1 : La société anonyme "Etablissements X..." est rétablie à l'amende fiscale de 413 460 F à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1979.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de NANCY en date du 1er juillet 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre délégué au budget et à la société "Etablissements X...".


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 89NC01028
Date de la décision : 25/06/1991
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES, PENALITES, MAJORATIONS


Références :

CGI 1763 A, 1740 ter, 109 I, 110
CGIAN2 47
Ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 art. 46 à 48


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: PIETRI
Rapporteur public ?: FELMY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1991-06-25;89nc01028 ?
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