Vu la décision en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 3ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour la société d'assurances LES MUTUELLES UNIES ;
Vu la requête et les mémoires complémentaires enregistrés au secrétariat du Conseil d'Etat les 29 juin 1988, 24 octobre 1988 et 21 février 1990, présentés pour LES MUTUELLES UNIES, société d'assurance dont le siège est à BELBEUF (Seine-Maritime), par Me ODENT, avocat aux Conseils ;
La société demande :
1°) l'annulation du jugement du 4 mai 1988 par lequel le tribunal administratif de LILLE a rejeté sa demande tendant au versement de la somme de 284 341,22 F avec intérêts par l'office public d'habitations à loyer modéré de la communauté urbaine de LILLE ;
2°) la condamnation de l'office à lui verser cette somme avec intérêts et intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code civil ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 1991 :
- le rapport de M. SAGE, Conseiller,
- les observations de Me BLONDEL, substituant Me ODENT, avocat de la société d'assurances LES MUTUELLES UNIES,
- et les conclusions de Mme FRAYSSE, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion des travaux de démolition d'anciens bâtiments et de construction de logements, exécutés pour le compte de l'office public d'habitation à loyer modéré de la communauté urbaine de LILLE, la propriété voisine a subi divers dommages que l'office et l'entreprise de démolition CAPON ont été solidairement condamnés à réparer par jugement du tribunal administratif de LILLE en date du 13 mars 1984 ; que la société d'assurances LES MUTUELLES UNIES, assureur de l'entreprise CAPON, justifie avoir versé à la victime la somme de 333 081,55 F, dont 216 339,33 F en principal et 116 742,22 F d'intérêts ;
Considérant que ni la société LES MUTUELLES UNIES ni l'office n'invoquent de clause contractuelle de responsabilité pour les dommages subis par les tiers ; que l'ouverture du chantier qui présentait certains risques pour les immeubles voisins ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme une faute commise par le maître de l'ouvrage ; qu'ainsi, en l'absence de toute faute établie, la charge définitive de l'indemnité doit être déterminée en fonction de l'imputabilité des dommages ;
Sur les droits de la société LES MUTUELLES UNIES :
Considérant que la société requérante soutient sans être contredite que sont seuls imputables à l'entreprise CAPON 30 % des dommages subis par le bâtiment situé au fond du jardin de la propriété voisine et que les autres dommages, y compris ceux qui ont atteint le reste des immeubles, sont imputables soit à la conception des travaux de démolition, soit à des travaux, notamment de fondations et de revêtement d'un mur pignon, auxquels l'entreprise CAPON n'a pris aucune part ; qu'elle chiffre la somme devant être mise à la charge définitive de l'office à 284 341,22 F ; qu'il ne résulte pas des pièces versées au dossier et notamment du rapport d'expertise que ces évaluations soient erronées ; qu'ainsi, il y a lieu de condamner l'office public d'HLM de la communauté urbaine de LILLE à verser à la société requérante la somme demandée, avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 1984, date d'enregistrement de la demande au tribunal administratif de LILLE ; que la capitalisation des intérêts a été demandée les 29 juin 1988, 21 février 1990 et 4 mars 1991 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société LES MUTUELLES UNIES est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article R.222 et de condamner l'office public d'habitation à loyer modéré de la communauté urbaine de LILLE à payer à la société LES MUTUELLES UNIES la somme de 3 000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de condamner à ce même titre la compagnie d'assurances LES MUTUELLES UNIES à verser à l'office public d'HLM de la communauté urbaine de LILLE une somme de 10 000 F ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de LILLE en date du 4 mai 1988 est annulé.
Article 2 : L'office public d'habitation à loyer modéré de la communauté urbaine de LILLE versera à la société LES MUTUELLES UNIES la somme de 284 341,22 F avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 1984. Les intérêts échus les 29 juin 1988, 21 février 1990 et 4 mars 1991 seront capitalisés à chacune des ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'office public d'habitation à loyer modéré de la communauté urbaine de LILLE versera à la société LES MUTUELLES UNIES une somme de 3 000 F au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Les conclusions de l'office public d'HLM de la communauté urbaine de LILLE tendant à ce que la compagnie d'assurances LES MUTUELLES UNIES soit condamnée à lui verser une somme de 10 000 F au titre dudit article R.222, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'assurances LES MUTUELLES UNIES, à l'OPHLM de la communauté urbaine de LILLE, à M. X..., à la Sté BOSCHETTI, à la Compagnie SADE, au bureau d'études Collet Boutaing, à la société E.T.N.A.P. et à la sté SOCOTEC.