Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 11 mars 1988 et 8 juillet 1988 sous le numéro 95998 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 7 mars 1989 sous le numéro 89NC01064, présentés pour la Compagnie Générale des Eaux, Société anonyme dont le siège social est ..., tendant à ce que la Cour :
- annule le jugement en date du 15 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses oppositions aux commandements de payer des sommes correspondant à des frais d'analyse de la qualité de l'eau distribuée par elle, et ses demandes tendant à l'annulation des décisions du président du conseil général de l'Aisne en date des 4 juillet 1983, 26 octobre 1983, 26 septembre 1984 et 5 juin 1985, refusant d'annuler les états qu'il a rendus exécutoires ;
- déclare sans fondement les dits commandements et annule les décisions attaquées ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 30 mars 1990 présenté pour le département de l'Aisne tendant au rejet de la requête et à la condamnation de la Compagnie générale des Eaux à lui verser une indemnité de 5 000 F en application de l'article R.222 au code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance du 1er mars 1989 par laquelle le président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 61-859 du 1er août 1961 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 2 mai 1990 :
- le rapport de M. Damay, conseiller,
- et les conclusions de Mme Felmy, Commissaire du Gouvernement ;
Sur les conclusions de la requête de la Compagnie générale des eaux :
Considérant que la Compagnie générale des eaux a fait opposition à des commandements en date des 14 mars 1983, 12 août 1983, 6 juillet 1984 et 19 mars 1985 par lesquels le département de l'Aisne entendait faire recouvrer les frais des contrôles de la qualité des eaux potables qu'il avait fait effectuer par des laboratoires agréés par le ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale ; que la société requérante demande également l'annulation des décisions en date des 4 juillet 1983, 26 octobre 1983, 26 septembre 1984 et 5 juin 1985 par lesquelles le président du conseil général de l'Aisne a refusé d'annuler les états exécutoires sur le fondement desquels ces commandements ont été pris ;
Considérant qu'aux termes de l'article 21 du code de la santé publique : "Tout concessionnaire d'une distribution d'eau potable est tenu, dans les conditions fixées par un règlement d'administration publique, de faire vérifier la qualité de l'eau qui est l'objet de cette distribution" ; que d'après l'article 25-1 du même code : "Un règlement d'administration publique pris après avis du conseil supérieur d'hygiène publique de France déterminera les modalités d'application des dispositions du présent chapitre et notamment celles du contrôle de leur exécution ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes ou entreprises visées par lesdites dispositions devront rembourser les frais de contrôle" ; que l'article 2 du décret du 1er août 1961, pris pour l'application des dispositions précitées, dispose que "le contrôle de la qualité des eaux est assuré au moyen d'analyses périodiques pratiquées par des laboratoires spécialement agréés par le ministre de la santé publique ..." ; que selon l'article 7 du même décret : "En cas de difficultés dans le recouvrement des sommes dues par une personne physique ou morale de droit privé à un laboratoire privé agréé pour le contrôle des eaux, le Département fait l'avance des frais et les recouvre sur l'exploitant" ;
Considérant que si ces dispositions mettent à la charge des distributeurs d'eaux potables une obligation de faire effectuer à leurs frais les contrôles de la qualité des eaux définis par voie réglementaire, qui est assortie des sanctions pénales et administratives prévues aux articles L.46 et L.23 du code de la santé publique, elles n'autorisent pas l'administration à se substituer au concessionnaire éventuellement défaillant pour effectuer, aux frais de celui-ci, les dits contrôles ; que, par suite, les commandements pris à la suite de l'émission des états rendus exécutoires par le président du conseil général de l'Aisne sont dépourvus de base légale ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la Compagnie générale des eaux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a refusé de déclarer sans fondement les commandements contestés et d'annuler les décisions susmentionnées du président du conseil général de l'Aisne ;
Sur les frais de procès non compris dans les dépens :
Considérant que le Département de l'Aisne n'apporte aucune justification à l'appui de ses conclusions tendant à la condamnation de la Compagnie générale des eaux à lui verser une somme de 5 000 F en application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, par suite, ces conclusions ne peuvent en tout état de cause être accueillies ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 15 décembre 1987 est annulé.
Article 2 : Les décisions susvisées du président du conseil général de l'Aisne des 4 juillet 1983, 26 octobre 1983, 26 septembre 1984 et 5 juin 1985 sont annulées et les commandements pris les 14 mars 1983, 12 août 1983, 6 juillet 1984 et 19 mars 1985 sont déclarés sans fondement.
Article 3 : Les conclusions du Département de l'Aisne tendant au remboursement des frais de procès non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Compagnie générale des eaux, au Département de l'Aisne et au ministre chargé de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.