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03/04/1990 | FRANCE | N°89NC01020;89NC00317

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 03 avril 1990, 89NC01020 et 89NC00317


Vu 1°) La requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 20 mai 1986 et 16 septembre 1986 sous le numéro 78687 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 4 janvier 1989 sous le numéro 89NC00317, présentés pour la Société anonyme Soge-Factoring, dont le siège est à Paris (17ème), ..., tendant à ce que la Cour annule le jugement en date du 18 mars 1986 par lequel le tribunal administratif de Dijon a ordonné une expertise sur sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 134.767,47 F avec

intérêts à compter du 10 mai 1983 en réparation du préjudice rés...

Vu 1°) La requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 20 mai 1986 et 16 septembre 1986 sous le numéro 78687 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 4 janvier 1989 sous le numéro 89NC00317, présentés pour la Société anonyme Soge-Factoring, dont le siège est à Paris (17ème), ..., tendant à ce que la Cour annule le jugement en date du 18 mars 1986 par lequel le tribunal administratif de Dijon a ordonné une expertise sur sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 134.767,47 F avec intérêts à compter du 10 mai 1983 en réparation du préjudice résultant du non-paiement par le Trésorier-Payeur Général de l'Yonne d'une créance d'un même montant résultant de travaux connexes au remembrement de la commune de Gisy-les-Nobles ;
2°) La requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 22 août 1988 et 22 décembre 1988 sous le n° 101251 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 février 1989 sous le n° 89NC01020, présentés pour la société Soge-Factoring tendant à ce que la Cour :
- annule le jugement en date du 22 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
- condamne l'Etat à lui verser la somme de 134.767,47 F, augmentée des intérêts légaux à compter du 10 mai 1983, ainsi que les intérêts des intérêts ;
Vu les ordonnances du 2 janvier 1989 et du 31 janvier 1989 par lesquelles le Président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis les dossiers à la Cour administrative d'appel ;
Vu les jugements attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil et le code de procédure civile ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret du 18 août 1807 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 20 mars 1990 :
- le rapport de M. Damay, conseiller,
- les observations de Maître X..., substituant la S Cécile-Blancpain, avocat de la Société Soge-Factoring,
- et les conclusions de Mme Felmy, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la société Soge-Factoring sont dirigées contre deux jugements du tribunal administratif de Dijon, en date du 18 mars 1986 et du 22 juin 1988, qui sont relatifs à la même instance ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Considérant que la société Soge-Factoring a acquis dans le cadre d'un contrat d'affacturage deux créances que détenait la société MATRAP sur l'Etat en règlement de travaux connexes au remembrement rural de la commune de Gisy-les-Nobles ; que la société Piketty a fait opposition devant le Trésorier-Payeur Général de l'Yonne au paiement de ces factures en invoquant le privilège du fournisseur prévu à l'article 143.6 du code du travail ; que la societé Soge-Factoring demande réparation du préjudice que lui aurait causé le comptable public en acceptant d'imputer sur les factures qu'elle présentait le montant de trois factures de matériaux livrés par la société Piketty à la société MATRAP ; que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Dijon a reconnu que l'opposition de la société Piketty aurait été admise à tort en ce qui concernait les livraisons de matériaux se rapportant à un autre marché de travaux mais a rejeté la demande faute d'avoir pu évaluer le préjudice indemnisable au vu de l'expertise ordonnée ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 569 du code de procédure civile et de l'article 143.6 du code du travail que lorsqu'un fournisseur forme opposition entre les mains d'un comptable public à l'encontre d'un entrepreneur de travaux publics dont il s'estime créancier, le dit comptable ne peut recevoir cette opposition que s'il dispose à la date de celle-ci d'une créance liquide et exigible de l'entrepreneur sur le maître d'ouvrage ;

Considérant qu'en exécution du contrat d'affacturage en date du 24 octobre 1980 les créances de 67.058,46 F et 110.711,43 F détenues par la société Matrap sur l'Etat, maître d'ouvrage des travaux connexes au remembrement rural de Gisy-les-Nobles, ont été cédées à la société Soge-Factoring les 29 octobre et 19 novembre 1981 contre remise de quittances subrogatives ; qu'il résulte clairement des dispositions des articles 1250 et 1252 du code civil qu'à compter de ces dates la société Soge-Factoring était la seule titulaire desdites créances entrées par voie de subrogation dans son patrimoine ; qu'il est constant que les factures correspondantes qui ont été présentées au maître de l'ouvrage portaient mention expresse de la subrogation intervenue au profit de la société requérante ; que, par suite, le trésorier-payeur général de l'Yonne ne pouvait ignorer cette subrogation lorsque la société Piketty a formé, le 15 décembre 1981, une opposition à paiement à l'encontre de la société Matrap ; qu'à cette dernière date le comptable public ne disposait plus d'aucune créance de la société Matrap et, dès lors, ne pouvait donner suite à cette opposition ; qu'ainsi, en ne procédant que partiellement, à concurrence de 63.002,31 F, au paiement des sommes dues à la société Soge-Factoring, le trésorier-payeur général de l'Yonne a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, maître de l'ouvrage, vis-à-vis de la société requérante ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Dijon n'a admis la responsabilité de l'Etat que pour une partie des créances litigieuses et, après avoir ordonné une expertise en vue d'en déterminer le montant, a rejeté la demande de ladite société ;
Sur le préjudice :
Considérant que le préjudice subi par la société requérante, qui ne saurait comprendre des dommages-intérêts dont il n'est apporté aucune justification , s'élève à la totalité de la somme dont elle a été privée par la faute du comptable public, soit 114.767,47 F ; que cette somme doit porter intérêts au taux légal à compter du 10 mai 1983 pour un montant de 53.264,86 F et à compter du 13 octobre 1983 pour le surplus, qui n'a été demandé que dans la requête introductive d'instance ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 22 août 1988 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat les frais de l'expertise ordonnée en première instance ;
Article 1 : Les jugements du tribunal administratif de Dijon en date des 18 mars 1986 et 22 juin 1988 sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société anonyme Soge-Factoring la somme de 114.767,47 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 10 mai 1983 pour un montant de 53.264,86 F et à compter du 13 octobre 1983 pour le surplus. Les intérêts échus le 22 août 1988 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme Soge-Factoring est rejeté.
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée en première instance sont mis à la charge de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Soge-Factoring, au ministre de l'agriculture et de la forêt et au ministre délégué, chargé du budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 89NC01020;89NC00317
Date de la décision : 03/04/1990
Sens de l'arrêt : Indemnité
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPTABILITE PUBLIQUE - DETTES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - AUTRES QUESTIONS - Exercice du privilège du fournisseur auprès d'un comptable public (article L - 143-6 du code du travail) - Comptable public faisant droit irrégulièrement à l'opposition d'un fournisseur - Conséquences.

18-05, 60-01-02-02-02 Le privilège du fournisseur prévu à l'article L. 143-6 du code du travail ne peut s'exercer sous la forme d'une opposition entre les mains d'un comptable public que si celui-ci dispose à la date de l'opposition d'une créance liquide et exigible de l'entrepreneur sur le maître d'ouvrage. La créance de l'entrepreneur ayant été cédée dans le cadre d'une convention d'affacturage antérieurement à l'opposition du fournisseur, le comptable public ne pouvait faire droit à cette opposition sans commettre une faute de nature à engager la responsabilité du maître d'ouvrage des travaux. La faute commise par le comptable public qui fait irrégulièrement droit à l'opposition d'un fournisseur sur la créance d'un entrepreneur engage la responsabilité de la collectivité, maître d'ouvrage des travaux.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - APPLICATION D'UN REGIME DE FAUTE SIMPLE - Marchés et contrats - Mandatement de sommes dues dans le cadre d'un marché de travaux publics - Faute commise par un comptable public - Responsabilité du maître d'ouvrage des travaux.


Références :

Code civil 1250, 1252, 1154
Code du travail L143-6
Nouveau code de procédure civile 569


Composition du Tribunal
Président : M. Gouardes
Rapporteur ?: M. Damay
Rapporteur public ?: Mme Felmy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1990-04-03;89nc01020 ?
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