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05/12/1989 | FRANCE | N°89NC00186

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 05 décembre 1989, 89NC00186


Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 mai 1987 sous le numéro 87639 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 janvier 1989 sous le numéro 89NC00186 présentée pour la société anonyme LOCAVER dont le siège social est à GRANGE-L'EVEQUE, SAINTE-SAVINE (10300) par son président-directeur général en exercice et tendant à ce que la Cour :
- annule le jugement en date du 24 mars 1987 par lequel le Tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociét

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Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 mai 1987 sous le numéro 87639 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 janvier 1989 sous le numéro 89NC00186 présentée pour la société anonyme LOCAVER dont le siège social est à GRANGE-L'EVEQUE, SAINTE-SAVINE (10300) par son président-directeur général en exercice et tendant à ce que la Cour :
- annule le jugement en date du 24 mars 1987 par lequel le Tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1977, 1978 et 1979 ;
- lui accorde la décharge demandée ;
Vu l'ordonnance du 1er décembre 1988 par laquelle le Président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la cour administrative d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 21 novembre 1989 :
- le rapport de Monsieur JACQ, conseiller,
- et les conclusions de Madame FRAYSSE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'administration a estimé que les 29 conventions de location souscrites par la S.A. LOCAVER auprès de M. X..., qui mettait à sa disposition différents matériels de travaux publics et agricoles, avaient en réalité non le caractère de contrats de location mais celui de ventes à tempérament ; qu'elle a rattaché aux bénéfices de la société, en faisant application des dispositions de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts alors en vigueur, les loyers que la S.A. LOCAVER a versés et qu'elle a déclarés comme charges d'exploitation déductibles ; que la société ayant contesté les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie à raison de ces redressements, au titre des années 1977, 1978 et 1979 et les pénalités de 200 % y afférentes, le tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE a rejeté la demande en décharge de ces impositions par jugement en date du 24 mars 1987 dont la S.A. LOCAVER fait appel ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision en date du 17 juin 1988 postérieure à l'introduction du pourvoi, le directeur régional des impôts de CHALONS-SUR-MARNE a accordé à la S.A. LOCAVER un dégrèvement de 2 759 670 F correspondant à la substitution des intérêts de retard aux pénalités primitivement assignées ; qu'à concurrence de cette somme, la requête est devenue sans objet ;
Sur la régularité de la procédure de vérification :
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 septies B du code général des impôts alors en vigueur "Lorsque la vérification de comptabilité pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts et taxes et pour la même période" ; que si la vérification de comptabilité s'achève à la date de la dernière intervention sur place de l'inspecteur ayant effectué la vérification, soit en l'espèce le 27 août 1980, ces dispositions n'ont pas pour effet d'interdire à l'administration de se rendre dans l'entreprise vérifiée, quel que soit le montant de son chiffre d'affaires, pour examiner les observations présentées par le contribuable en réponse aux notifications de redressements qui lui ont été précédemment adressées ;

Considérant que le vérificateur s'est rendu sur place le 3 novembre 1980 puis le 5 mai 1981 après avoir adressé deux avis de passage à la S.A. LOCAVER, aux fins d'examiner les observations présentées par celle-ci le 1er octobre 1980 et le 23 février 1981 en réponse aux notifications de redressements qui lui avaient été adressées le 3 septembre 1980 et le 3 février 1981 ; que si le vérificateur était assisté, le 3 novembre 1980, d'un contrôleur et, le 5 mai 1981, d'un second vérificateur, la présence de ces derniers n'a pas, en l'espèce et par elle-même, marqué le début de nouvelles vérifications ; que, malgré les contradictions que comporte la lettre adressée par le chef de brigade à la société après l'intervention du 3 novembre 1980, il ressort de l'avis de passage préalable, comme de celui qui lui a été adressé avant l'intervention du 5 mai 1981, que ces visites faisaient suite aux observations présentées par celle-ci ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces nouvelles investigations sur place aient été effectuées dans un autre but que l'instruction des observations présentées ; que d'ailleurs les notifications des 9 décembre 1980 et 3 février 1981 n'ont fait que reprendre les redressements notifiés le 3 septembre 1980, soit antérieurement à l'intervention susmentionnée du 3 novembre 1980 ; qu'il suit de là que l'administration ne peut être regardée comme ayant procédé à une seconde vérification générale de la comptabilité de la société LOCAVER ; que cette dernière n'est dès lors pas fondée à soutenir que la procédure de vérification a été poursuivie en violation des dispositions précitées de l'article 1649 septies B du code général des impôts ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le fondement des redressements notifiés reposait, dès la première notification de redressement en date du 3 septembre 1980, sur le motif que les opérations litigieuses constituaient un abus de droit ; que, même en l'absence de citation expresse des dispositions de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts, les précisions données étaient suffisantes pour éclairer le contribuable sur la nature et les motifs des redressements envisagés et lui permettre de discuter utilement le bien-fondé de ces redressements ;
Considérant, d'autre part, que si le vérificateur a indiqué dans la notification de redressement du 9 décembre 1980 reprenant la totalité des rehaussements notifiés le 3 septembre 1980 et procédant au chiffrage des conséquences fiscales de ceux-ci "qu'à défaut d'accord exprès ou dans le délai de 30 jours ... l'administration se réserve le droit de recourir aux dispositions de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts portant répression des abus de droits", cette circonstance ne saurait être regardée ni comme une menace, ni comme une pression à l'égard de la société requérante ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme LOCAVER n'est pas fondée à contester la régularité de la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts alors en vigueur "Les actes dissimulant la portée véritable d'un contrat ou d'une convention sous l'apparence de stipulations donnant ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés, ou déguisant soit une réalisation, soit un tranfert de bénéfices ou de revenus, ou permettant d'éviter soit en totalité, soit en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires afférentes aux opérations effectuées en exécution de ce contrat ou de cette convention ne sont pas opposables à l'administration, laquelle supporte la charge de la preuve du caractère réel de ces actes devant le juge de l'impôt lorsque, pour restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse, elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif dont la composition est indiquée à l'article 1653 C" ; que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour pouvoir écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; que lesdites dispositions n'imposent cependant pas à l'administration de chiffrer préalablement à leur application le montant de l'impôt réellement éludé ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période du 1er avril 1977, date de création de la société anonyme LOCAVER, au 31 mars 1980 ladite société a conclu avec M. X..., dont l'activité de location de matériels de travaux publics et à usage agricole a été également créée le 1er avril 1977, 29 contrats de location de divers matériels dont la durée prévue, à l'exception de deux contrats conclus pour 35 et 36 mois, ne dépassait pas 11 mois et, pour 6 d'entre eux, respectivement 6 mois et 4 mois ; qu'un article commun à tous les contrats prévoyait que l'entretien de ces matériels était à la charge exclusive du locataire ; que ceux-ci ont été systématiquement rachetés par la société LOCAVER à la fin de la période de location pour une valeur de reprise égale, en ce qui concerne les contrats d'une durée de 4 à 11 mois, à une mensualité de loyer hors taxe, laquelle est très inférieure à la valeur nette comptable retenue par le bailleur ainsi qu'à la valeur, telle qu'elle ressort de la comptabilité de la société requérante, de matériels similaires achetés neufs à un tiers et amortissables normalement pendant cinq ans ; qu'en outre, les matériels litigieux ont été payés à M. X... au moyen de traites dont la date d'émission était antérieure de plusieurs mois à la date de rachat de ces matériels ; que l'ensemble de ces circonstances permet à l'administration d'établir que la société anonyme LOCAVER, qui, avec son président-directeur-général dirigeant également une entreprise individuelle, constituait l'unique clientèle de M. X..., a en réalité procédé à des opérations d'achats à tempérament sous le couvert de contrats de location de courte durée systématiquement suivis du rachat des matériels loués, dans le seul but d'atténuer les charges fiscales qu'elle aurait normalement supportées si elle n'avait pas passé ces actes ;
Considérant que, s'agissant de l'acquisition d'éléments d'actif dont l'amortissement ne pouvait être déduit dès lors qu'il n'a pas été comptabilisé comme il est prévu à l'article 39 B du code général des impôts, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les résultats imposables de la société LOCAVER au titre de chacune des années 1977, 1978 et 1979 les versements mensuels effectués par cette dernière en paiement du prix d'acquisition desdits matériels de travaux publics et à usage agricole et qu'elle avait comptabilisés comme des loyers, parmi ses charges d'exploitation ; que la société requérante n'est dès lors pas fondée, en ce qui concerne les droits restant en litige, à demander l'annulation du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices 1977 à 1979 ;
Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société anonyme LOCAVER à concurrence de la somme de 2 759 670 F dont le dégrèvement a été prononcé, le 17 juin 1988, par le directeur régional des impôts de CHALONS-SUR-MARNE.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme LOCAVER est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme LOCAVER et au ministre délégué, chargé du Budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 89NC00186
Date de la décision : 05/12/1989
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - ABUS DE DROIT


Références :

CGI 1649 quinquies B, 1649 septies B, 39 B


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: JACQ
Rapporteur public ?: FRAYSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1989-12-05;89nc00186 ?
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