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05/12/1989 | FRANCE | N°89NC00185

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 05 décembre 1989, 89NC00185


Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 mai 1987 sous le numéro 87640 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 janvier 1989 sous le numéro 89NC00185 présenté par la société anonyme LOCAVER dont le siège social est à GRANGE-L'EVEQUE, SAINTE-SAVINE (10300), tendant à ce que la Cour :
- annule le jugement en date du 24 mars 1987 par lequel le tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvi

er 1977 au 31 décembre 1979 ;
- lui accorde la décharge demandée ;
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Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 mai 1987 sous le numéro 87640 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 janvier 1989 sous le numéro 89NC00185 présenté par la société anonyme LOCAVER dont le siège social est à GRANGE-L'EVEQUE, SAINTE-SAVINE (10300), tendant à ce que la Cour :
- annule le jugement en date du 24 mars 1987 par lequel le tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1977 au 31 décembre 1979 ;
- lui accorde la décharge demandée ;
Vu l'ordonnance du 1er décembre 1988 par laquelle le Président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la cour administrative d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 21 novembre 1989 :
- le rapport de Monsieur JACQ, conseiller,
- et les conclusions de Madame FRAYSSE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'administration a estimé que les 29 conventions de location souscrites par la S.A. LOCAVER auprès de M. X..., qui mettait à sa disposition différents matériels de travaux publics et agricoles, avaient en réalité non le caractère de contrats de location mais celui de ventes à tempérament ; qu'elle a fait application des dispositions de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts alors en vigueur et en a tiré les conséquences en ce qui concerne la détermination du régime applicable en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que la société ayant contesté les suppléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie à raison de ces redressements au titre de la période du 1er janvier 1977 au 31 décembre 1979 et des pénalités de 200 % y afférentes, le tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE a rejeté la demande en décharge de ces impositions par jugement en date du 24 mars 1987 dont la S.A. LOCAVER fait appel ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision du 17 juin 1988 postérieure à l'introduction du pourvoi, le directeur régional des impôts de CHALONS-SUR-MARNE a accordé à la S.A. LOCAVER un dégrèvement de 575 638 F correspondant à la substitution de l'indemnité de retard aux pénalités primitivement assignées ; qu'à concurrence de cette somme, la requête est devenue sans objet ;
Sur la régularité de la procédure de vérification :
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 septies B du code général des impôts alors en vigueur "Lorsque la vérification de comptabilité pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts et taxes et pour la même période" ; que si la vérification de comptabilité s'achève à la date de la dernière intervention sur place de l'inspecteur ayant effectué la vérification, soit en l'espèce le 27 août 1980, ces dispositions n'ont pas pour effet d'interdire à l'administration de se rendre dans l'entreprise vérifiée, quel que soit le montant de son chiffre d'affaires, pour examiner les observations présentées par le contribuable en réponse aux notifications de redressements qui lui ont été précedemment adressées ;

Considérant que le vérificateur s'est rendu sur place le 3 novembre 1980 puis le 5 mai 1981 après avoir adressé deux avis de passage à la S.A. LOCAVER, aux fins d'examiner les observations présentées par celle-ci le 1er octobre 1980 et le 23 février 1981 en réponse aux notifications de redressements qui lui avaient été adressées le 3 septembre 1980 et le 3 février 1981 ; que si le vérificateur était assisté, le 3 novembre 1980, d'un contrôleur et, le 5 mai 1981, d'un second vérificateur, la présence de ces derniers n'a pas, en l'espèce et par elle-même, marqué le début de nouvelles vérifications ; que, malgré les contradictions que comporte la lettre adressée par le chef de brigade à la société après l'intervention du 3 novembre 1980, il ressort de l'avis de passage préalable, comme de celui qui lui a été adressé avant l'intervention du 5 mai 1981, que ces visites faisaient suite aux observations présentées par celle-ci ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces nouvelles investigations sur place aient été effectuées dans un autre but que l'instruction des observations présentées ; que d'ailleurs les notifications des 9 décembre 1980 et 3 février 1981 n'ont fait que reprendre les redressements notifiés le 3 septembre 1980, soit antérieurement à l'intervention susmentionnée du 3 novembre 1980 ; qu'il suit de là que l'administration ne peut être regardée comme ayant procédé à une seconde vérification générale de la comptabilité de la société LOCAVER ; que cette dernière n'est dès lors pas fondée à soutenir que la procédure de vérification a été poursuivie en violation des dispositions précitées de l'article 1649 septies B du code général des impots ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le fondement des redressements notifiés reposait, dès la première notification de redressement en date du 3 septembre 1980, sur le motif que les opérations litigieuses constituaient un abus de droit ; que, même en l'absence de citation expresse des dispositions de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts, les précisions données étaient suffisantes pour éclairer le contribuable sur la nature et les motifs des redressements envisagés et lui permettre de discuter utilement le bien-fondé de ces redressements ;
Considérant, d'autre part, que si le vérificateur a indiqué dans la notification de redressement du 9 décembre 1980 reprenant la totalité des rehaussements notifiés le 3 septembre 1980 et procédant au chiffrage des conséquences fiscales de ceux-ci "qu'à défaut d'accord exprès ou dans le délai de 30 jours ... l'administration se réserve le droit de recourir aux dispositions de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts portant répression des abus de droit", cette circonstance ne saurait être regardée ni comme une menace, ni comme une pression à l'égard de la société requérante ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme LOCAVER n'est pas fondée à contester la régularité de la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts alors en vigueur "Les actes dissimulant la portée véritable d'un contrat ou d'une convention sous l'apparence de stipulations donnant ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés, ou déguisant soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus, ou permettant d'éviter soit en totalité, soit en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires afférentes aux opérations effectuées en exécution de ce contrat ou de cette convention ne sont pas opposables à l'administration, laquelle supporte la charge de la preuve du caractère réel de ces actes devant le juge de l'impôt lorsque, pour restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse, elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif dont la composition est indiquée à l'article 1653 C" : que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour pouvoir écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; que lesdites dispositions n'imposent cependant pas à l'administration de chiffrer préalablement à leur application le montant de l'impôt réellement éludé ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période du 1er avril 1977, date de création de la société anonyme LOCAVER, au 31 mars 1980 ladite société a conclu avec M. X..., dont l'activité de location de matériels de travaux publics et à usage agricole a été également créée le 1er avril 1977, 29 contrats de location de divers matériels dont la durée prévue, à l'exception de deux contrats conclus pour 35 et 36 mois, ne dépassait pas 11 mois et, pour 6 d'entre eux, respectivement 6 mois et 4 mois ; qu'un article commun à tous les contrats prévoyait que l'entretien de ces matériels était à la charge exclusive du locataire ; que ceux-ci ont été systématiquement rachetés par la société LOCAVER à la fin de la période de location pour une valeur de reprise égale, en ce qui concerne les contrats d'une durée de 4 à 11 mois, à une mensualité de loyer hors taxe, laquelle est très inférieure à la valeur nette comptable retenue par le bailleur ainsi qu'à la valeur, telle qu'elle ressort de la comptabilité de la société requérante, de matériels similaires achetés neufs à un tiers et amortissables normalement pendant cinq ans ; qu'en outre, les matériels litigieux ont été payés à M. X... au moyen de traites dont la date d'émission était antérieure de plusieurs mois à la date de rachat de ces matériels ; que l'ensemble de ces circonstances permet à l'administration d'établir que la société anonyme LOCAVER, qui, avec son président-directeur-général dirigeant également une entreprise individuelle, constituait l'unique clientèle de M. X..., a en réalité procédé à des opérations d'achat à tempérament sous le couvert de contrats de location de courte durée systématiquement suivis du rachat des matériels loués, dans le seul but d'atténuer les charges fiscales qu'elle aurait normalement supportées si elle n'avait pas passé ces actes ;
Considérant que, pour la détermination du régime applicable en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ces opérations d'achat à tempérament devaient être regardées comme conclues dès la remise des biens à l'acheteur, la T.V.A. étant exigible dès la livraison des matériels neufs, sur le prix global augmenté des intérêts ou agios conformément à l'article 269 du code général des impôts ; que, pour la partie du prix présentée sous la forme de loyer, l'administration a admis la déduction de la taxe dès la réception des factures successives à la date desquelles la livraison était intervenue ; que, par contre, la société requérante ne peut utilement soutenir qu'elle aurait dû bénéficier de la déduction de la T.V.A. calculée sur la totalité du prix d'achat des matériels neufs déterminé comme il est dit ci-dessus, dès lors qu'elle n'était pas en mesure de produire les factures correspondantes comme il est prévu à l'article 223-2 de l'annexe II au code général des impôts ;

Considérant qu'il est constant que les matériels dont il s'agit, que M. X... a acquis pour les céder à la société LOCAVER, ne constituaient pas des immobilisations utilisées par lui pour les besoins de son exploitation au sens de l'article 210 de l'annexe II au code général des impôts ; qu'il ne pouvait, par suite, transmettre à la société LOCAVER lors de la cession des matériels un droit à déduction correspondant à une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant initialement grevé l'achat de ces biens ; que, dès lors, l'administration était fondée à réintégrer les sommes abusivement déduites par la société requérante au moyen des attestations délivrées par M. X... dans des conditions non conformes aux dispositions de l'article 210 précité de l'annexe II au code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société LOCAVER n'est pas fondée, en ce qui concerne les droits restant en litige, à demander l'annulation du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE a rejeté sa demande en décharge du complément de T.V.A. auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1977 au 31 décembre 1979 ;
Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société anonyme LOCAVER à concurrence de la somme de 575 638 F dont le dégrèvement a été prononcé le 17 juin 1988 par le directeur régional des impôts de CHALONS-SUR-MARNE.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme LOCAVER est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme LOCAVER et au ministre délégué, chargé du Budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 89NC00185
Date de la décision : 05/12/1989
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - ABUS DE DROIT


Références :

CGI 1649 quinquies B, 1649 septies B, 269
CGIAN2 223 par. 2, 210


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: JACQ
Rapporteur public ?: FRAYSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1989-12-05;89nc00185 ?
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