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24/10/1989 | FRANCE | N°89NC00211

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 24 octobre 1989, 89NC00211


VU la requête enregistrée au Secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 9 avril 1986 sous le n° 77508, et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 janvier 1989 sous le n° 89NC00211, présentée pour M. Gérard Z... demeurant ..., Mme Veuve X... et M. François X... demeurant à SELESTAT respectivement ... et ... tendant à l'annulation du jugement en date du 13 février 1986 par lequel le tribunal administratif de STRASBOURG les a condamnés, conjointement et solidairement avec la société anonyme Littoral Nord, à payer au syndicat intercommunal à vocations multiples de SE

LESTAT une somme de 966 993,80 F en réparation des désordres aff...

VU la requête enregistrée au Secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 9 avril 1986 sous le n° 77508, et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 janvier 1989 sous le n° 89NC00211, présentée pour M. Gérard Z... demeurant ..., Mme Veuve X... et M. François X... demeurant à SELESTAT respectivement ... et ... tendant à l'annulation du jugement en date du 13 février 1986 par lequel le tribunal administratif de STRASBOURG les a condamnés, conjointement et solidairement avec la société anonyme Littoral Nord, à payer au syndicat intercommunal à vocations multiples de SELESTAT une somme de 966 993,80 F en réparation des désordres affectant le collège d'enseignement secondaire de Chatenois ;
VU l'ordonnance du 1er décembre 1988 par laquelle le Président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des marchés publics ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 10 octobre 1989 :
- le rapport de Monsieur LAPORTE, Conseiller ;
- les observations de Maître DE Y..., présent, Maître A... substituant la SCP MASSE-DESSEN, GEORGES ;
- et les conclusions de Mme FRAYSSE, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le Syndicat intercommunal à vocations multiples de SELESTAT a demandé au tribunal administratif de STRASBOURG de condamner conjointement et solidairement la S.A. Littoral-Nord, M. Gérard Z..., architecte concepteur, M. Paul X..., architecte d'opération, le ministre de l'Urbanisme du Logement et des Transports et le ministre de l'Education nationale à réparer les conséquences dommageables des divers désordres affectant les bâtiments du collège d'enseignement secondaire construit à SELESTAT, et dont la réception définitive a été prononcée le 5 février 1975 ; que par le jugement attaqué en date du 13 février 1986, le tribunal administratif de STRASBOURG a rejeté les conclusions dirigés contre l'Etat, condamné conjointement et solidairement Mme Veuve X... et M. François X... venant aux droits de M. Paul X... décédé, M. Z... et la Société Littoral Nord à payer au Syndicat intercommunal à vocations multiples de SELESTAT, la somme de 966 993,80 Frs, et a condamné la Société Littoral-Nord à garantir M. Z... et les ayants droit de M. Paul X... à concurrence de 70 % de cette somme ; que, par voie d'appel principal, M. Z..., Mme Vve X... et M. François X... demandent l'annulation de ce jugement en soutenant que les désordres allégués par le maître de l'ouvrage n'étaient pas de nature à engager leur responsabilité décennale et, subsidiairement, la réduction des condamnations mises à leur charge ; que par voie d'appel provoqué, la Société Littoral-Nord demande également l'annulation de ce jugement pour la même raison, et, à défaut, la réduction des condamnations mises à sa charge ; qu'enfin, par voie d'appel incident, cette société demande l'annulation dudit jugement en tant qu'il la condamne à garantir les architectes, et subsidiairement, à ce que son obligation de garantie soit limitée à 20 % du montant des condamnations prononcées ;
- Sur la mise en jeu de la responsabilité décennale des constructeurs :
En ce qui concerne l'étanchéité des terrasses :
Considérant, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné en référé par le Président du tribunal administratif, que les infiltrations d'eau en provenance des terrasses des bâtiments du collège de Châtenois et les dégradations qu'elles ont causées tant dans les locaux de l'externat que dans les logements de fonctions sont de nature, en raison de leur étendue et de leur ampleur, à rendre ces locaux impropres à leur destination et, par suite, à engager la responsabilité décennale des constructeurs sur la base des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant que ces désordres, qui n'ont pas leur origine dans le procédé de construction agréé par l'Etat, sont imputables à une exécution des travaux du complexe d'étanchéité non conforme au devis descriptif du marché et au document technique unifié, ainsi qu'à un défaut de surveillance des architectes ; qu'ils engagent vis-à-vis du maître de l'ouvrage la responsabilité conjointe et solidaire des constructeurs ;
En ce qui concerne les murs des façades et les acrotères :

Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que les façades en béton des bâtiments scolaires présentent des boursouflures provoquées par l'oxydation des armatures en fer placées trop superficiellement dans le béton ; que, de ce fait, les revêtements en pâte de verre ont éclaté et sont fissurés en de nombreux endroits ; que ces revêtements font partie intégrante des panneaux de façade fabriqués en usine et qu'ils devaient, dans le procédé de construction utilisé, contribuer à assurer la solidité et l'étanchéité de leurs supports ; que, d'autre part, les aciers des ouvrages en béton formant acrotères apparaissent dans la "peau" du béton et pointent en surface sous la poussée de l'oxydation ; que ces différents désordres sont, eu égard à leur généralisation, de nature à nuire à la solidité et à la destination de l'ouvrage, et, par suite, à engager la responsabilité décennale des constructeurs ; qu'ils sont imputables, non au procédé de construction choisi par le maître de l'ouvrage, mais à la fois à la société anonyme Littoral-Nord, qui n'a pas exécuté ces travaux dans les règles de l'art, et à un défaut de surveillance des architectes ; que, dès lors, ils engagent la responsabilité conjointe et solidaire des constructeurs ;
En ce qui concerne les carrelages :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sols carrelés présentaient, avant l'expiration du délai de garantie décennale, de nombreux désordres dans les locaux de l'externat et de la demi-pension ; que ces désordres, qui consistent dans le décollement du carrelage par zones, alors que le carrelage alentour rend un "son creux", sont, en raison de leur importance, de nature à rendre les ouvrages impropres à leur destination et, par suite, à engager la responsabilité des constructeurs sur la base des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant que ces désordres, qui résultent de l'inadaptation de la conception du support au type des carrelages utilisés, sont la conséquence, d'une part, d'insuffisances du devis descriptif, non conforme sur certains points au document technique unifié en vigueur, d'autre part, de défaillances dans l'exécution des travaux ; qu'ils mettent ainsi en cause la responsabilité de l'entrepreneur, qui n'a pas respecté les règles de l'art, et la responsabilité des architectes, auxquels il incombait de veiller à la bonne exécution des travaux ; qu'eu égard à la faute, qui est opposable au maître de l'ouvrage, que les services de l'Etat ont commise en imposant un devis descriptif partiellement non conforme au document technique unifié en vigueur, il sera fait une exacte appréciation des circonstances de l'affaire en condamnant solidairement les constructeurs à supporter 60 % du coût des travaux de réfection ;
En ce qui concerne les moquettes :

Considérant, qu'il résulte du rapport d'expertise que, dans le logement du Principal, les moquettes sont décollées et font apparaître la chape de pose effritée ; que ces désordres sont de nature à rendre le logement impropre à sa destination alors même qu'ils pourraient être réparés par des travaux d'un coût peu élevé ; que, par suite, ils ne relèvent pas de la garantie biennale mais engagent la responsabilité décennale des constructeurs vis-à-vis du maître de l'ouvrage ; qu'ils sont exclusivement imputables à la mauvaise exécution par l'entreprise de la chappe en ciment servant de support au revêtement et à un défaut de surveillance des architectes ; que, dès lors, ils engagent la responsabilité conjointe et solidaire des constructeurs ;
En ce qui concerne les canalisations d'eau :
Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert commis en première instance que les canalisations d'eau ont été rapidement atteintes de corrosion et qu'il ne peut être mis fin à ces désordres que par un remplacement complet desdites canalisations ; que ces désordres sont de nature à rendre impropres à leur destination les ouvrages qu'ils affectent et, par suite, à engager la responsabilité décennale des constructeurs ;
Considérant, que la corrosion des canalisations d'eau a son origine dans le procédé de pose mis en oeuvre ; qu'eu égard aux caractéristiques de l'eau circulant dans ces canalisations, un effet de "pile électrique" s'est développé entre les tuyauteries galvanisées et les soudures oxy-acétyléniques ; que, pour prévenir cet effet, le devis descriptif prévoyait la mise en oeuvre de canalisations en fer galvanisé assemblées par raccords démontables ; que, si les désordres constatés sont ainsi imputables à l'entreprise qui n'a pas respecté le devis descriptif, ils sont également dus à un défaut de surveillance des architectes ; qu'ils engagent, dès lors, conjointement et solidairement, l'entière responsabilité des constructeurs ;
- Sur la réparation :
En ce qui concerne l'étanchéité des terrasses :
Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que seule une réfection complète de l'étanchéité des terrasses comportant la mise en place d'un nouveau complexe conforme aux prévisions du marché et aux règles de l'art serait de nature à remédier efficacement aux désordres ; que, dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal administratif a retenu la somme de 219 613,07 F correspondant au coût d'une telle réfection ; que, faute pour le maître de l'ouvrage d'avoir disposé d'un ouvrage conforme aux prévisions du marché, il n'y a pas lieu d'appliquer à cette somme un abattement pour vétusté ;
Considérant que le coût de la réparation des désordres intérieurs résultant de la mauvaise étanchéité des terrasses a été évalué par l'expert à la somme non contestée de 31 726,,12 F ; qu'après l'application d'un abattement pour vétusté de 50 %, la somme mise à la charge des constructeurs s'élève à 15 863,06 F ;
En ce qui concerne les murs de façades et les acrotères :

Considérant que l'expert a évalué à 81 834 F le coût de la réfection des murs de façade et à 61 219,84 F celle des acrotères ; que le tribunal administratif s'est livré à une exacte appréciation des circonstances de l'affaire en appliquant un abattement pour vétusté de 20 %, limitant à 114 443,07 F l'indemnité due à ce titre au maître de l'ouvrage ;
En ce qui concerne les carrelages :
Considérant que le coût des travaux de réfection des carrelages a été évalué par l'expert à 320 309,86 F ; que les désordres étant apparus en 1979, soit quatre ans après la réception définitive, c'est à bon droit que le tribunal administratif n'a pas retenu un abattement pour vétusté ; que, compte tenu du partage de reponsabilité retenu ci-dessus, l'indemnité due de ce chef au maître de l'ouvrage doit être réduite à la somme de 192 185,92 F ;
En ce qui concerne les moquettes :
Considérant que la somme de 36 000 F retenue par l'expert ne comprend pas le remplacement des moquettes et correspond aux travaux de préparation d'un sol de ragréage ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif n'a pas retenu un abattement pour vétusté ;
en ce qui concerne les canalisations d'eau :
Considérant qu'il y a lieu de retenir la somme de 260 764,94 F évaluée par l'expert et qui correspond au coût du remplacement des tuyauteries atteintes par la corrosion ; qu'eu égard à la longévité normale d'un tel équipement, c'est à bon droit que le tribunal administratif n'a pas appliqué un abattement pour vétusté ;
- Sur les intérêts :
Considérant que les intérêts au taux légal des sommes susmentionnées courent à compter du 21 juin 1983, date de la requête introductive d'instance du Syndicat intercommunal à vocations multiples de SELESTAT tendant à la condamnation solidaire des constructeurs, même si le Syndicat intercommunal n'a chiffré ses prétentions qu'au cours de l'instance devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. Z... et les héritiers de M. X..., par voie d'appel principal, et la société Littoral-Nord, par voie d'appel provoqué, sont seulement fondés à demander que l'indemnité que le tribunal administratif de STRASBOURG les a condamnés solidairement à verser au Syndicat intercommunal à vocations multiples de SELESTAT, par le jugement attaqué en date du 13 février 1986, soit ramenée de 966 993,80 F à 838 870,06 F ; qu'il y a lieu de réformer dans ce sens le jugement attaqué ;
- Sur le recours incident de la société Littoral-Nord :
Considérant que les désordres sont principalement imputables aux conditions d'exécution des travaux par l'entrepreneur et, pour une plus faible part, aux conditions dans lesquelles les architectes ont exercé la mission de surveillance et de vérification qu'ils tenaient de leur contrat ; que le tribunal administratif a fait une exacte appréciation des circonstances de l'affaire en condamnant la société Littoral Nord à garantir les architectes à concurrence de 70 % du montant total de l'indemnité mise à la charge des constructeurs ; que, dès lors, il y a lieu de rejeter le recours incident formé par ladite société contre M. Z... et les ayants droit de M. X... ;
Article 1 : L'indemnité que le tribunal administratif de STRASBOURG a, par le jugement attaqué en date du 13 février 1986, condamné conjointement et solidairement Mme Veuve X..., M. François X..., M. Z... et la société anonyme Littoral Nord, représentée par Me WIART syndic de la liquidation des biens, à verser au syndicat intercommunal à vocations multiples de SELESTAT, est ramenée de 966 993,80 F à 838 870,06 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de STRASBOURG en date du 13 février 1986 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Z..., Mme Veuve X... et M. François X..., et des conclusions de la société anonyme Littoral Nord, est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gérard Z..., Mme Veuve X..., M. François X..., à la S.A. Littoral Nord représentée par son syndic, Maître WIART, au ministre de l'Urbanisme, du Logement et des Transports, au ministre de l'Education Nationale et au Syndicat intercommunal à vocations multiples de SELESTAT.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 89NC00211
Date de la décision : 24/10/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06-01-04-03-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - ONT CE CARACTERE


Références :

Code civil 1792, 2270


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: LAPORTE
Rapporteur public ?: FRAYSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1989-10-24;89nc00211 ?
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