La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/1989 | FRANCE | N°89NC00033

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 06 juillet 1989, 89NC00033


Vu le recours et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 18 décembre 1986 et 19 février 1987 sous le numéro 83874 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 janvier 1989 sous le numéro 89NC00033, présentés par le ministre de l'agriculture, tendant à ce que la Cour :
- annule l'article 1er du jugement en date du 7 octobre 1986 par lequel le tribunal administratif de DIJON a condamné l'Etat à verser à M. X... la somme de 9 751,63 F avec intérêts de droit à compter du 20 mai 1981 ;
- subsidiairement, fixe à 8 540,13 F

la somme que l'Etat serait condamné à lui verser ;
Vu le mémoire en d...

Vu le recours et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 18 décembre 1986 et 19 février 1987 sous le numéro 83874 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 janvier 1989 sous le numéro 89NC00033, présentés par le ministre de l'agriculture, tendant à ce que la Cour :
- annule l'article 1er du jugement en date du 7 octobre 1986 par lequel le tribunal administratif de DIJON a condamné l'Etat à verser à M. X... la somme de 9 751,63 F avec intérêts de droit à compter du 20 mai 1981 ;
- subsidiairement, fixe à 8 540,13 F la somme que l'Etat serait condamné à lui verser ;
Vu le mémoire en défense et en recours incident enregistré le 15 juillet 1987, présenté pour M. X..., tendant à ce que la cour :
- confirme le jugement attaqué ;
- condamne l'Etat à lui payer une somme de 21 870,63 F et une somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 20 mai 1981 et capitalisation des intérêts ;
- condamne l'Etat aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu l'ordonnance du 1er décembre 1988 par laquelle le Président de la 6ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code forestier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 27 juin 1989 :
- le rapport de Monsieur FONTAINE, conseiller ;
- et les conclusions de Madame FRAYSSE, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que par jugement en date du 10 décembre 1985, devenu définitif, le tribunal administratif de DIJON a déclaré l'Etat entièrement responsable du préjudice subi par M. X... à raison d'une vente de coupe de bois effectuée le 16 octobre 1979 sans recourir à l'adjudication comme il était prévu au contrat de prêt conclu le 20 janvier 1953 sous forme de travaux de boisement exécutés par le fonds forestier national ; que le ministre de l'agriculture demande l'annulation de l'article 1er du jugement rendu le 7 octobre 1986 après expertise par lequel le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser au propriétaire la somme de 9 571,63 F avec intérêts au taux légal à compter du 20 mai 1981 ; que, par voie de recours incident, M. X... qui a remboursé le prêt consenti sur le fondement du contrat précité demande que la somme que l'Etat a été condamné à lui payer soit portée à 21 870,63 F et qu'une somme de 5 000 F lui soit en outre allouée à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mai 1981 et capitalisation desdits intérêts ;
Sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier de première instance que le rapport établi par l'expert conseil de M. X... figurait au nombre des pièces jointes au mémoire de ce dernier enregistré le 12 juillet 1986 au greffe du tribunal administratif ; que si le ministre soutient que ce document ne lui a jamais été communiqué, il n'établit ni d'ailleurs n'allègue qu'il n'aurait pu en prendre connaissance dans les conditions prévues à l'article R 109 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant, d'autre part, que l'administration a pu faire des observations, dans le cours des opérations de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif, qui ont été consignées dans le rapport d'expertise déposé au greffe le 1er juillet 1986 ; que ce rapport a été régulièrement communiqué au ministre de l'agriculture qui, dans ces conditions, a été mis à même de discuter utilement les conclusions formulées par l'expert ; qu'enfin le tribunal administratif, dès lors qu'il s'estimait suffisamment informé au vu des pièces versées au dossier, n'était pas tenu d'ordonner une expertise complémentaire avant de statuer définitivement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le caractère contradictoire de la procédure suivie devant le tribunal administratif a été respecté ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à contester la régularité de cette procédure ;
Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'administration a vendu à l'amiable, pour le prix net de 4 734,74 F jugé excessivement bas par le propriétaire, une coupe de bois de 2 795 pieds en provenance de parcelles appartenant à M. X..., situées dans le massif du Morvan, qu'elle exploitait en exécution du contrat susmentionné ; que s'il s'agissait d'une première coupe d'éclaircie de pins Douglas au bois rouge, il n'est pas contesté que la plantation, âgée de 26 ans, était de belle qualité et que cette coupe a produit plus de bois d'oeuvre et de mines que de bois de trituration destinés à fabriquer la pâte à papier ; que les prix de vente de ces bois que propose de retenir l'expert et qui, selon lui, sont ceux qui auraient pu être obtenus par voie d'adjudication, tiennent compte du mode d'éclaircie pratiqué par l'administration et des coûts d'exploitation et de débardage, eu égard aux difficultés rencontrées pour l'accès aux parcelles concernées dont certaines accusent une assez forte pente ; que ces prix sont comparables à ceux de plusieurs ventes de même nature effectuées à la même époque ; que si le ministre fait valoir qu'en 1979 et 1980 l'administration ne pouvait vendre qu'à bas prix les coupes de première éclaircie de pins Douglas en raison de l'état du marché, et s'il soutient que l'expert n'a pas tenu compte suffisamment des charges représentées par le mode d'éclaircie réalisé et les difficultés de débardage rencontrées, les éléments qu'il apporte manquent de précision, notamment en ce qui concerne les coûts d'exploitation supportés par l'administration, pour permettre la remise en cause des chiffres retenus par l'expert ; que, par suite, le tribunal administratif a fait une exacte appréciation des circonstances de l'affaire en fixant à 19 503,26 F le montant global du préjudice résultant de la violation par l'administration de ses obligations contractuelles ;
Considérant, toutefois, qu'en application du VI du contrat litigieux il y a lieu de déduire de cette somme le montant des frais dits de "garderie" calculé dans les mêmes conditions que pour les forêts communales soumises au régime forestier ; que, conformément aux dispositions de l'article 92 de la loi de finances du 29 décembre 1978 et de l'article 1er du décret du 19 avril 1979 relatif aux frais de garderie et d'administration des bois soumis au régime forestier, ces frais s'élèvent à 10 % du montant de la vente ; qu'ainsi, la différence nette entre le prix auquel la coupe de bois a été vendue à l'amiable et celui auquel elle aurait dû être cédée doit être ramenée à la somme de 17 080,26 F, la part revenant à M. X... en exécution du contrat susmentionné étant fixée à la moitié de cette somme, soit 8 540,13 F ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Sur le recours incident de M. X... :

Considérant que M. X... demande que l'indemnité allouée par le tribunal administratif soit portée à 21 870,63 F par suite de la résiliation du contrat le liant à l'Etat ; qu'en réalité, ce contrat de prêt sous forme de travaux a été transformé, sur demande de l'intéressé, en contrat de prêt en numéraire ; que cette circonstance n'est pas, par elle-même, susceptible de rendre inapplicables les stipulations du contrat initial qui, lors de la vente litigieuse, faisait la loi des parties et prévoyait le partage du produit net des ventes de bois ; qu'ainsi, et en tout état de cause, cette demande ne saurait être accueillie ;
Considérant qu'aucune stipulation dudit contrat n'imposait à l'administration l'obligation d'informer et de consulter le propriétaire avant de procéder à des ventes de bois ; que, dès lors, M. X... ne saurait obtenir une indemnité à raison du préjudice qui résulterait de l'absence de consultation préalable à la vente litigieuse ; qu'il ne justifie d'aucun autre préjudice résultant d'une vente amiable, au lieu d'une adjudication, que celui qui est indemnisé comme il est dit ci-dessus ; qu'enfin, dans les circonstances de l'affaire, il ne saurait obtenir le remboursement, même partiel, des frais afférents à une expertise qu'il a lui-même demandée à titre privé et pour son propre compte ; qu'il résulte de ce qui précède que ses conclusions tendant à l'allocation de 5 000 F de dommages-intérêts doivent être rejetées ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par M. X... le 15 juillet 1987 et le 8 août 1988 ; qu'à chacune de ces dates, au cas où le jugement n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande par application de l'article 1154 du code civil ;
Article 1 : L'indemnité que l'Etat a été condamné à verser à M. Bernard-Marie X... par le jugement du tribunal administratif de DIJON en date du 7 octobre 1986 est ramenée de 9 751,63 F à 8 540,13 F.
Article 2 : Les intérêts échus le 15 juillet 1987 et le 8 août 1988 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêt.
Article 3 : Le surplus de la requête du ministre de l'agriculture et du recours incident de M. X... sont rejetés.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de DIJON en date du 7 octobre 1986 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de la forêt et à M. X....


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 89NC00033
Date de la décision : 06/07/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-04-03 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE


Références :

. Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R109
Décret 79-333 du 19 avril 1979 art. 1
Loi 76-1232 du 29 décembre 1976 art. 92 Finances pour 1977


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: FONTAINE
Rapporteur public ?: FRAYSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1989-07-06;89nc00033 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award