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13/06/1989 | FRANCE | N°89NC00034

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 13 juin 1989, 89NC00034


Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 août 1987 sous le numéro 90394 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 02 janvier 1989 sous le numéro 89NC00034 présentée pour M. et Mme Gérard Y..., demeurant ... à VILLENEUVE d'ASCQ (NORD), tendant à ce que la Cour :
- réforme le jugement en date du 02 juin 1987 par lequel le Tribunal administratif de LILLE a limité à 25 000 F l'indemnité qu'ils réclament à l'Etat en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait que, par arrêté du 13 août 1976, le préfet du Nord a retiré un

arrêté du 15 décembre 1973 par lequel le maire de VILLENEUVE d'ASCQ avait...

Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 août 1987 sous le numéro 90394 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 02 janvier 1989 sous le numéro 89NC00034 présentée pour M. et Mme Gérard Y..., demeurant ... à VILLENEUVE d'ASCQ (NORD), tendant à ce que la Cour :
- réforme le jugement en date du 02 juin 1987 par lequel le Tribunal administratif de LILLE a limité à 25 000 F l'indemnité qu'ils réclament à l'Etat en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait que, par arrêté du 13 août 1976, le préfet du Nord a retiré un arrêté du 15 décembre 1973 par lequel le maire de VILLENEUVE d'ASCQ avait rejeté une demande de permis de construire déposée par la S.C.I. "Résidence Maréchal Foch" ;
- condamne l'Etat à leur payer la somme de 800 000 F avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts ;
- subsidiairement, ordonne une expertise afin d'évaluer le préjudice subi ;
Vu l'ordonnance du 1er décembre 1988 par laquelle le Président de la 3ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel :
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Code de l'urbanisme ;
Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret 88-707 du 9 mai 1988 et le décret 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 30 mai 1989 :
- le rapport de M. FONTAINE, conseiller ;
- les observations de Me HENNUYER, avocat de M. et Mme Y... ;
- et les conclusions de Mme FRAYSSE, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte de l'examen de la minute du jugement dont il est relevé appel, et qui a été versée au dossier, que si le premier visa indique, par erreur de plume, que M. et Mme Y... ont demandé une indemnité de 80 000 F au lieu de 800 000 F, les autres visas analysant tant les mémoires des demandeurs que ceux des défendeurs portent, à plusieurs reprises, la mention d'une demande d'indemnité de 800 000 F ; qu'ainsi, et en tout état de cause, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les premiers juges auraient méconnu la portée de leurs conclusions et, par suite, entaché d'irrégularité le jugement attaqué en date du 02 juin 1987 ;
Sur la responsabilité :
Considérant que M. et Mme Y... ont fait édifier, en 1966, leur maison d'habitation sur un terrain leur appartenant, sis ... à VILLENEUVE d'ASCQ, en mitoyenneté avec un terrain appartenant à M. X... ; que le 25 octobre 1973, la S.C.I. "Résidence Maréchal Foch" a déposé une demande de permis de construire quatre maisons individuelles sur le terrain appartenant à M. X... ; que le maire de VILLENEUVE d'ASCQ a refusé le permis ainsi sollicité par décision du 15 décembre 1973 notifiée le 16 janvier 1974 à la S.C.I. "Résidence Maréchal Foch" ; que toutefois le 22 avril 1974, les services de l'urbanisme ont délivré à la "S.C.I. Maréchal Foch" une attestation selon laquelle aucune décision négative ne serait intervenue avant la date à laquelle un constructeur est fondé à se prévaloir d'un permis de construire tacite en vertu de l'article 10 2ème alinéa du décret n° 70-446 du 28 mai 1970 ; qu'il résulte d'un jugement du tribunal administratif de LILLE rendu le 14 janvier 1975, confirmé en appel par un arrêt du Conseil d'Etat du 17 juillet 1977, que l'arrêté du 15 décembre 1973 du maire de VILLENEUVE d'ASCQ doit être regardé comme ayant retiré le permis de construire tacite dont était titulaire, le 25 décembre 1973, la S.C.I. "Maréchal Foch", au motif que la décision de retrait n'ayant pas été attaquée dans le délai de recours contentieux, celle-ci est devenue définitive ;
Considérant que par arrêté du 13 août 1976, le préfet de la région Nord-Pas de Calais, préfet du département du Nord a rapporté l'arrêté du 15 décembre 1973 du maire de VILLENEUVE d'ASCQ ; que le Conseil d'Etat, par un arrêt du 04 mai 1984, a annulé le jugement du tribunal administratif de LILLE en date du 27 juin 1978 rejetant la requête de M. et Mme Y... et cet arrêté au motif que l'arrêté du 15 décembre 1973 ayant créé des droits ne pouvait être retiré par le préfet que dans le délai du recours contentieux, soit deux mois après le 16 janvier 1974, date de sa notification à la S.C.I. "Résidence Maréchal Foch" ; que les conditions illégales dans lesquelles a été délivrée l'attestation du 22 avril 1974 par la direction départementale de l'équipement du Nord à la S.C.I. et a été pris l'arrêté préfectoral du 13 août 1976 sont constitutives de fautes de service public engageant la responsabilité de l'Etat envers M. et Mme Y... ;
Sur la réparation :

Considérant qu'en exécution des décisions illégales susmentionnées, la parcelle jouxtant la propriété des requérants, originellement destinée à recevoir un immeuble en mitoyenneté, supporte quatre petites maisons construites perpendiculairement à quatre mètres de la limite de leur propriété ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des photographies jointes au dossier de première instance, que ces constructions n'ont pas pour effet d'enlaidir ce quartier de VILLENEUVE d'ASCQ qui ne présente aucun caractère particulier au plan architectural ou urbanistique ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de jouissance subis par M. et Mme Y... et du préjudice résultant de la dépréciation de leur immeuble en fixant à 80 000 F le montant de la réparation due pour ces chefs de préjudice ; que, par contre, la perte de valeur locative alléguée de leur habitation, qui ne présente qu'un caractère éventuel, ne saurait ouvrir droit à indemnité ; que si les requérants soutiennent, en outre, qu'ils ont été condamnés à verser des dommages-intérêts aux six représentants de la S.C.I. "Résidence Maréchal Foch", cette demande n'est assortie ni de précisions ni de justifications, notamment quant à son montant ; qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, il y a lieu de porter de 25 000 F à 80 000 F l'indemnité que l'Etat a été condamné à verser à M. et Mme Y... et de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :
Considérant que les requérants ont droit aux intérêts au taux légal de la somme allouée à compter du 07 février 1986, date d'enregistrement de leur requête introductive d'instance ;
Considérant que la capitalisation des intérêts échus a été demandée le 13 août 1987 ; qu'à cette date, au cas où le jugement n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande par application de l'article 1154 du code civil ;
ARTICLE 1 : L'indemnité que l'Etat a été condamné par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de LILLE en date du 02 juin 1987 à verser à M. et Mme Y... est portée de 25 000 F à 80 000 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 07 février 1986. Les intérêts échus le 13 août 1987 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêt.
ARTICLE 2 : Le jugement du tribunal administratif de LILLE en date du 02 juin 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
ARTICLE 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme Y... est rejeté.
ARTICLE 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Y... et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 89NC00034
Date de la décision : 13/06/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - ABSENCE OU EXISTENCE DU PREJUDICE - EXISTENCE.


Références :

Code civil 1154
Décret 70-446 du 28 mai 1970 art. 10 al. 2

Cf. C.E., Section, Epoux Poissonnier, 1984-05-04, n° 15391 sur le retrait du permis de construire.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: FONTAINE
Rapporteur public ?: FRAYSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1989-06-13;89nc00034 ?
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