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18/04/1989 | FRANCE | N°89NC00138

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 18 avril 1989, 89NC00138


Vu la requête et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 08 décembre 1986 et 08 avril 1987 sous le n° 83615 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 02 janvier 1989 sous le n° 89NC00138, présentés pour M. Roland X..., domicilié ..., tendant à ce que la Cour :
1°) annule le jugement rendu le 02 octobre 1986 par lequel le tribunal administratif de STRASBOURG a rejeté partiellement sa démande tendant à la condamnation de la commune de RUSS à réparer les conséquences dommageables de son licenciement illégal ;
2°) con

damne la commune de RUSS à lui verser la somme de 155 601,93 F avec intér...

Vu la requête et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 08 décembre 1986 et 08 avril 1987 sous le n° 83615 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 02 janvier 1989 sous le n° 89NC00138, présentés pour M. Roland X..., domicilié ..., tendant à ce que la Cour :
1°) annule le jugement rendu le 02 octobre 1986 par lequel le tribunal administratif de STRASBOURG a rejeté partiellement sa démande tendant à la condamnation de la commune de RUSS à réparer les conséquences dommageables de son licenciement illégal ;
2°) condamne la commune de RUSS à lui verser la somme de 155 601,93 F avec intérêts de droit et intérêts capitalisés ;
Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 3e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des Tribunaux administratifs et des Cours administratives d'appel ;
Vu la loi 77-1488 du 30 décembre 1977 ;
Vu la loi 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu les décrets 88-707 du 09 mai 1988 et 88-906 du 02 septembre 1988 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 21 mars 1989 :
- le rapport de M. FONTAINE, conseiller, - et les conclusions de Mme FRAYSSE, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que M. X..., chauffeur "poids lourds" de la commune de RUSS, a été licencié à compter du 1er juin 1978 par suite de la suppression de son emploi par mesure d'économie ; que le tribunal administratif de STRASBOURG a annulé la mesure de licenciement par jugement en date du 28 juin 1979, confirmé par un arrêt rendu le 06 mai 1983 par le Conseil d'Etat ; que M. X... ayant été réintégré à compter du 02 janvier 1984 a demandé le versement d'une indemnité de 155 601,93 F pour la période du 1er juin 1978 au 02 janvier 1984 et l'attribution de dommages-intérêts ; qu'il conteste le jugement du 02 octobre 1986 par lequel le tribunal administratif a condamné la commune de RUSS à lui verser une indemnité pour la période du 1er juin 1978 au 22 octobre 1979, date à laquelle la commune aurait procédé à une réintégration qu'il aurait à tort refusée, et a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur l'étendue du droit à indemnité de M. X... :
Considérant qu'à la suite de l'annulation par la juridiction administrative de la décision de licenciement de M. X..., la commune de RUSS était tenue de le réintégrer dans un emploi identique ou, à défaut, équivalent à celui de chauffeur "poids lourds" qu'il occupait et qui a été supprimé ; que si le maire a pris le 11 octobre 1979, en exécution du jugement du tribunal administratif, un arrêté le nommant chauffeur "poids lourds", cet arrêté avait pour objet, eu égard aux termes mêmes de son article 3, de lui attribuer principalement, à compter du 22 octobre 1979, des fonctions d'ouvrier d'entretien de la voie publique ; que cet emploi, au regard des qualifications requises et des échelles indiciaires, n'était pas équivalent à celui de chauffeur "poids lourds" ; que cette nomination étant ainsi intervenue en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif, M. X... ne peut être regardé comme ayant été réintégré dans ses fonctions qu'à compter du 02 janvier 1984, date à laquelle il a été nommé dans un emploi permanent à temps complet de chauffeur "poids lourds" ; qu'il est, dès lors, fondé à demander le versement d'une indemnité correspondant aux pertes de rémunération qu'il a subies du 1er juin 1978, date d'effet de son licenciement, au 02 janvier 1984, date de sa réintégration effective et, par suite, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de STRASBOURG a rejeté sa demande d'indemnité en tant qu'elle concernait la période postérieure au 22 octobre 1979 ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif ;
Sur le montant du préjudice :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 "sont prescrites, au profit ...des communes ...toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis" ; que l'article 2 de la même loi dispose que "La prescription est interrompue par tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ..." et qu'un "nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée" ; qu'en l'espèce, la prescription de la créance de M. X... se rattachant à l'année 1978 a été interrompue, notamment, par le recours pour excès de pouvoir formé devant le tribunal administratif de STRASBOURG contre la décision du maire de RUSS le licenciant de l'emploi de chauffeur "poids lourds" qu'il occupait dans cette commune ; que le jugement du 28 juillet 1979 par lequel le tribunal a annulé ladite décision ayant fait l'objet d'un appel au Conseil d'Etat, un arrêt confirmatif est intervenu le 06 mai 1983, ouvrant un nouveau délai de quatre ans à compter du 1er janvier 1984 ; que ce délai n'était pas expiré le 16 janvier 1984, date d'enregistrement au greffe du tribunal de la requête introductive de la présente instance ; que, dès lors, la commune n'était pas fondée à opposer devant les premiers juges l'exception de prescription à la créance relative à l'année 1978 ;
Considérant, d'une part, que le requérant est en droit d'obtenir une indemnité égale à la différence entre les sommes qu'il a perçues à titre privé au cours de la période pendant laquelle il s'est trouvé illégalement évincé du service et le montant des traitements qu'il aurait dû recevoir au cours de la même période ; qu'à ce titre il demande la condamnation de la commune au paiement de la somme de 115 601,93 F correspondant à cette différence augmentée des intérêts échus le 02 janvier 1984, date à laquelle il a demandé à la commune de lui verser ladite somme ; que celle-ci n'apparaissant pas excessive et n'ayant, d'ailleurs, fait l'objet d'aucune contestation de la part de la commune tant en première instance qu'en appel, il y a lieu de faire droit immédiatement à cette demande ;
Considérant, d'autre part, qu'eu égard à la substitution de motif opérée par l'arrêt susmentionné annulant pour vice de forme la décision de licenciement, le requérant ne saurait utilement invoquer les termes du jugement ainsi confirmé pour obtenir l'indemnité de 40 000 F qu'il réclame à titre de dommages-intérêts ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait subi, en raison des conditions dans lesquelles il a été licencié, un préjudice moral ou des troubles dans ses conditions d'existence, ni un préjudice matériel distinct de celui indemnisable, relatif aux pertes de rémunération, de nature à lui ouvrir droit à indemnité ;

Considérant que de tout ce qui précède il résulte que M. X... est seulement fondé à demander la condamnation de la commune de RUSS au paiement de la somme de 115 601,93 F et la réformation en ce sens du jugement attaqué ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 02 janvier 1984, date de la demande de versement à la commune ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 08 décembre 1986 et le 08 avril 1987 ; qu'il n'était dû au moins une année d'intérêts qu'à la première de ces dates ; que, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, seuls les intérêts échus le 08 décembre 1986 seront capitalisés ;

Article 1 : La commune de RUSS est condamnée à verser à M. Roland X... la somme de 115 601,93 F avec intérêts au taux légal à compter du 02 janvier 1984. Les intérêts échus le 08 décembre 1986 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêt ;

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de STRASBOURG en date du 02 octobre 1986 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et à la commune de RUSS.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 89NC00138
Date de la décision : 18/04/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-01-04-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE


Références :

Code civil 1154
Loi 68-1250 du 31 décembre 1968 art. 1, art. 2


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: FONTAINE
Rapporteur public ?: FRAYSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1989-04-18;89nc00138 ?
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