Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, de suspendre l'exécution du permis de construire délivré tacitement, le 30 juin 2024, par le maire de la commune de Grosseto-Prugna, à M. A... C... pour une maison individuelle, sur un terrain situé lieu-dit " Bomorto ", sur la parcelle cadastrée A 5232.
Par une ordonnance n° 2500269 du 14 mars 2025, la présidente du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 mars 2025, des pièces enregistrées le 4 avril 2025 et un mémoire enregistré le 9 avril 2025, le préfet de la Corse-du-Sud demande à la Cour d'annuler cette ordonnance 14 mars 2025, et de faire droit à sa demande de première instance.
Il soutient que sa demande n'était pas tardive, qu'il a émis un avis conforme défavorable, le 11 juin 2024 et qu'ainsi, le maire de la commune de Grosseto-Prugna était en situation de compétence liée pour refuser le permis de construire sollicité, que l'arrêté méconnaît les dispositions des articles L. 121-8 et L. 111-3 du code de l'urbanisme, la parcelle terrain d'assiette du projet n'étant pas située dans l'enveloppe bâtie qui constitue le bourg de la commune et qu'il méconnaît les dispositions de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales relatives aux espaces stratégiques agricoles (ESA) du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC).
Sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la solution du litige est susceptible d'être fondée sur le moyen soulevé d'office suivant : " Le litige est susceptible d'être fondé sur les considérations suivantes. Le déféré du préfet devait en réalité être regardé comme dirigé contre la décision du maire de la commune de s'abstenir de retirer l'autorisation tacite de construire du 30 juin 2024, autre décision implicite qui est née le 30 septembre 2024. Le maire est en situation de compétence liée pour retirer le permis de construire lorsque l'avis obligatoire du préfet sur le permis de construire est négatif, et dispose pour se faire d'un délai de 3 mois (cf. CE, 25 juin 2024, N° 474026, B, Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires c/ Mme B...). Il en résulte que la demande adressée par le préfet n'était pas tardive, dans la mesure où le délai de recours contentieux n'était pas expiré lorsque le préfet s'est adressé à la commune le 24 octobre 2024, contre la décision du 30 septembre, et pas davantage le 19 février 2025 lorsque le préfet a saisi le tribunal administratif de Bastia. ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2025, M. C..., représenté par
Me Recchi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du préfet de Corse une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la demande du préfet était tardive, et que les moyens qu'il invoque à l'encontre du permis de construire ne sont pas fondés, que le moyen que la Cour envisage de relever d'office n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du président de la cour administrative d'appel de Marseille donnant délégation à M. Marcovici, président de la 4ème chambre, pour juger les référés.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, de suspendre l'exécution du permis de construire délivré tacitement, le 30 juin 2024, par le maire de la commune de Grosseto-Prugna, à M. C... pour une maison individuelle, sur un terrain situé lieu-dit " Bomorto ", sur la parcelle cadastrée A 5232.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. (...) ". Parmi les actes mentionnés par l'article L. 2131-2 de ce code figurent, au 6°, " le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol (...) délivrés par le maire ". L'article R. 423-23 du code de l'urbanisme fixe à deux mois le délai d'instruction de droit commun pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle. L'article R. 424-1 du même code prévoit que, à défaut d'une décision expresse dans le délai d'instruction, le silence gardé par l'autorité compétente vaut permis de construire. Aux termes de l'article L. 424-8 du code de l'urbanisme : " Le permis tacite et la décision de
non-opposition à une déclaration préalable sont exécutoires à compter de la date à laquelle ils sont acquis. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 422-5 du même code : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ".
3. S'il résulte des dispositions de l'article L. 424-8 du code de l'urbanisme rappelées ci-dessus qu'un permis de construire tacite est exécutoire dès qu'il est acquis, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il a été transmis au représentant de l'Etat, les dispositions de cet article ne dérogent pas à celles de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, en vertu desquelles le préfet défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. Figurent au nombre de ces actes les permis de construire tacites. Une commune est réputée avoir satisfait à l'obligation de transmission, dans le cas d'un permis de construire tacite, si elle a transmis au préfet l'entier dossier de la demande au moment de l'enregistrement de celle-ci. Le délai du déféré court alors à compter de la date à laquelle le permis est acquis ou, dans l'hypothèse où la commune ne satisfait à l'obligation de transmission au préfet que postérieurement à cette date, à compter de la date de cette transmission. Toutefois, lorsqu'une commune a consulté les services de l'Etat pour recueillir l'avis du préfet sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, cette demande ne constitue pas une transmission faite aux services de l'Etat en application des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales et n'est donc pas de nature à faire courir le délai du déféré préfectoral (CE, 22 octobre 2024, n° 467373, Commune d'Aulnay-sur-Mauldre, faisant suite à CE, 17 décembre 2014, n° 373681, B, Ministre de l'Egalité des Territoires et du Logement).
4. Il résulte de l'instruction d'une part, que l'entier dossier de permis de construire a été déposé en mairie, le 30 avril 2024, et qu'un permis de construire tacite est ainsi né le 30 juin 2024. D'autre part, le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, réceptionné cet entier dossier, le 30 mai 2024. Il a d'ailleurs émis un avis négatif sur le projet le 11 juin 2024. Toutefois, en application de la règle rappelée au point 3, cette transmission n'a pas fait courir le délai de recours dont dispose le préfet, ce délai n'ayant commencé à courir que le 23 septembre 2024, lorsque le préfet de la Corse-du-Sud a été rendu destinataire du dossier au titre du contrôle de légalité. Dans ces conditions, la saisine de la commune aux fins de retrait du permis de construire délivré tacitement par le maire de la commune, le 24 octobre 2024 par le préfet, n'était pas tardive et a donc interrompu le délai de recours contentieux. La décision de rejet de ce recours gracieux a, dès lors, pu faire l'objet d'un recours contentieux qui n'était pas davantage hors délai, le 19 février 2025.
5. Il en résulte que c'est à tort que la présidente du tribunal administratif de Bastia a rejeté pour tardiveté la demande dont elle était saisie.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la requête du préfet de la Corse-du-Sud par la voie de l'évocation.
7. Comme dit plus haut, la demande du préfet de la Corse-du-Sud, contrairement aux affirmations de M. C..., n'était pas tardive.
8. En l'état du dossier, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 121-8 et L. 111-3 du code de l'urbanisme, et L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, paraissent fondés. Il en résulte qu'il y a lieu de suspendre l'exécution du permis de construire attaqué.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. C... tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Bastia du 14 mars 2025 est annulée.
Article 2 : Il est sursis à l'exécution du permis de construire délivré tacitement à M. C... le 30 juin 2024.
Article 3 : Les conclusions de M. C... fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, au préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud et à M. A... C....
Copie en sera adressée à la commune de Grosseto-Prugna.
Fait à Marseille, le 23 avril 2025.
N° 25MA008422