Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire une expertise aux fins de déterminer si son maintien en cellule d'isolement est compatible avec son état de santé psychique et s'il a bénéficié par l'administration pénitentiaire et le centre hospitalier de Marseille d'une prise en charge adaptée à son état.
Par une ordonnance n° 2300710 du 20 février 2023, il n'a pas été fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 mars et 28 juin 2023, M. A..., représenté par Me Lendom, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler l'ordonnance du 20 février 2023 ;
3°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de première instance ;
4°) de réserver les dépens.
Il rappelle, à titre liminaire, l'unanimité qui entoure le constat de la nocivité d'un maintien à l'isolement pour la santé physique et psychique des personnes détenues soumises à ce régime ; que la mesure d'expertise psychiatrique sollicitée au contradictoire de la direction interrégionale des services pénitentiaires est utile en ce sens qu'elle permettra d'établir si son état de santé psychiatrique est compatible avec son maintien à l'isolement, mais aussi si la mesure d'isolement dont il fait l'objet a eu pour effet d'aggraver ses troubles, ce dont il pourrait éventuellement résulter un comportement fautif de l'administration pénitentiaire à son égard ; que la mesure d'expertise sollicitée permettra également de mettre en lumière si l'administration pénitentiaire a assuré son rôle de coordination avec les services médicaux pénitentiaires afin d'assurer son rôle de prévention des affections physiologiques et psychologiques en permettant un accès aux soins en détention approprié à son état de santé ; que la mesure d'expertise psychiatrique sollicitée également au contradictoire du centre hospitalier de Marseille est utile en ce qu'elle permettra d'apprécier si ce dernier a veillé à la continuité des soins devant lui être apportés, a pris les mesures nécessaires pour assurer une prise en charge idoine de son état de santé et s'il a été orienté dans un établissement adapté à son état ; qu'il n'est pas spécifiquement visé son placement à l'isolement jusqu'au 18 mars 2023, mais bien l'ensemble de son régime de détention depuis son incarcération.
Par un mémoire, enregistré le 20 juin 2023, le garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut à ce que son administration soit mise hors de cause concernant les demandes relatives aux conditions de la prise en charge médicale de M. A... et au rejet de ses demandes relatives à ses conditions de détention.
Il soutient que les constatations relatives à l'état de santé de M. A... ne relèvent pas de la compétence de l'administration pénitentiaire, la prise en charge sanitaire des personnes détenues relevant du service public hospitalier ; que l'administration ne s'oppose pas à la désignation d'un expert aux fins de déterminer les éléments relatifs à l'état de santé de M. A... et à sa prise en charge adaptée ; que, toutefois, la mission qui serait confiée à l'expert doit être réduite, certaines recherches envisagées apparaissant inutiles ; qu'en particulier, l'expertise ne devrait pas avoir pour objet de rechercher les conséquences de la mesure d'isolement sur son état de santé, ni de décrire ses conditions de détention à l'isolement.
Par un mémoire, enregistré le 5 juillet 2023, l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille et le centre hospitalier de Grasse, représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête.
Ils s'en rapportent à la justice sur la mesure d'expertise en tant qu'elle porte sur la mesure d'isolement. Ils soutiennent que M. A... fait l'objet d'un suivi médical régulier et constant ; qu'il n'apporte aucun élément d'ordre médical propre à établir qu'un manquement dans son suivi médical pourrait leur être reproché ; que M. A... a la possibilité de solliciter la communication de son dossier médical ; qu'à titre subsidiaire, ils émettent les plus expresses réserves quant à l'engagement de leur responsabilité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.
Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle : " L'aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l'instance ". Aux termes de l'article 20 de cette loi : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. (...) ".
3. M. A..., déjà représenté par un avocat, ne justifie pas du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle compétent et n'a pas joint à son appel une telle demande. Aucune situation d'urgence ne justifie qu'il soit fait application des dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991. Sa demande d'aide juridictionnelle provisoire ne peut, dans ces conditions, qu'être rejetée.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
4. M. A..., alors détenu à la maison d'arrêt de Grasse, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire une expertise aux fins de déterminer si son maintien en cellule d'isolement est compatible avec son état de santé psychique et s'il a bénéficié d'une prise en charge adaptée à son état par l'administration pénitentiaire et le centre hospitalier de Marseille. Par l'ordonnance attaquée du 20 février 2023, il n'a pas été fait droit à sa demande, le juge des référés ayant estimé que l'organisation d'une expertise psychiatrique ne présentait pas, en l'état de l'instruction, le caractère d'utilité requis par les dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, aux motifs, d'une part, que le terme du placement de M. A... à l'isolement était fixé au 18 mars 2023, d'autre part, qu'il appartiendra au juge du fond, déjà saisi, d'ordonner avant dire droit une mesure d'expertise s'il l'estime nécessaire, et, enfin, que le requérant ne produit aucun élément s'agissant de l'impact de ses placements à l'isolement sur la dégradation de son état de santé alors qu'il ne conteste pas ne pas avoir suivi en détention le traitement médical qui lui a été prescrit.
5. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. S'il résulte de l'article R. 625-1 du code de justice administrative qu'il peut être fait application des dispositions de l'article R. 532-1, alors même qu'une requête au fond est en cours d'instruction, il appartient au juge des référés d'apprécier l'utilité de la mesure demandée sur ce fondement (cf. CE, 27.11.2014, n° 385843 et 385844).
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a introduit devant le tribunal administratif de Nice cinq requêtes, sous les n° 2205066, 2300033, 2300185, 2300652 et 2300794, tendant respectivement à l'annulation des mesures disciplinaires ou des mesures le plaçant " en cellule disciplinaire à titre préventif " prises entre le 12 octobre 2022 et le 13 janvier 2023. Le requérant ne fait valoir aucune circonstance particulière quant aux constatations auxquelles il conviendrait que l'expert procède, qui confèrerait à la mesure d'expertise qu'il est ainsi demandé au juge des référés d'ordonner un caractère d'utilité différent de celui de la mesure que le juge ainsi saisi au fond, pourra décider, le cas échéant, dans l'exercice de ses pouvoirs de direction de l'instruction.
7. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. A... est effectivement suivi sur le plan psychiatrique, qu'il a été admis, à deux reprises, en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, les 1er avril 2022 et 22 décembre 2022 auprès du centre hospitalier de Grasse, que, depuis son transfert au centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes le 6 février 2023, il bénéficie régulièrement de visites auprès de l'unité sanitaire (US) ou du service médico-psychologique régional (SMPR) et qu'un traitement antipsychotique lui est prescrit. Dans ces conditions, à défaut pour le requérant de produire les éléments de son dossier médical dont il peut seul demander la communication, il ne met pas le juge des référés à même d'apprécier l'utilité du prononcé d'une mesure d'expertise sur les conditions de sa prise en charge médicale.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant au prononcé d'une expertise.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A..., au garde des Sceaux, ministre de la justice, à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille et au centre hospitalier de Grasse.
Fait à Marseille, le 10 juillet 2023
N° 23MA006002
LH