Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... F... et Mme E... A..., sa mère, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement le centre hospitalier d'Arles et la société BEAH à leur payer, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision d'un montant respectivement de 146 183,50 euros et 5 057,11 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des conditions de prise en charge de M. F... au sein du centre hospitalier d'Arles où il a été admis le 15 mai 2021.
Par une ordonnance n° 2206094 du 6 février 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier d'Arles à payer à M. F... une provision de 38 310 euros et à Mme A... une provision de 5 057 euros, a rejeté les conclusions dirigées contre la société BEAH, a déclaré l'ordonnance commune à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, a condamné le centre hospitalier d'Arles à payer aux requérants une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. F... et Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 février et 21 avril 2023, le centre hospitalier d'Arles, représenté par Me Zandotti, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler cette ordonnance du 6 février 2023 de la juge des référés du tribunal administratif de Marseille en tant qu'elle l'a condamné à payer des provisions à M. F... et Mme A... ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre subsidiaire, de limiter le montant des provisions accordées.
Il soutient que :
- les créances sont sérieusement contestables dès lors que les opérations d'expertise ne sont pas terminées ;
- le bon diagnostic ne pouvait être posé grâce au scanner dès lors qu'il contenait des artefacts ;
- le scanner montre que la pathologie dont souffrait M. F... avait déjà causé des dommages avant la réalisation de l'examen dont l'expert n'a pas déterminé l'étendue ;
- le taux de perte de chance de 70 % a été fixé de façon arbitraire par l'expert ;
- la juge des référés a fait une évaluation excessive des préjudices.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2023, M. F... et Mme A... représentés par Me Adrai-Lachkar, concluent au rejet de la requête, à la confirmation de l'ordonnance du 6 février 2023 et à la condamnation du centre hospitalier d'Arles à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens ne sont pas fondés.
La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône régulièrement mise en cause n'a pas produit.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné Mme Fedi, présidente de la 2ème chambre, pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par les juges des référés des tribunaux du ressort.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., qui souffrait de violentes céphalées, a été admis le 15 mai 2020 à 7 H 00 au pôle urgence réanimation du centre hospitalier d'Arles où le diagnostic de méningite lymphocytaire a été posé et un traitement par antalgiques prescrit. Il a été renvoyé à son domicile à 16 H 20. Le soir-même vers 20 H 00, face à la persistance des symptômes, il a de nouveau été admis au centre hospitalier d'Arles et hospitalisé au sein du service de médecine interne jusqu'au 19 mai 2020 date à laquelle, en raison d'une forte suspicion de méningite virale, il a été transféré à l'hôpital de La Timone au sein duquel il a été traité pour une encéphalite herpétique.
2. Le centre hospitalier d'Arles relève appel de l'ordonnance du 6 février 2023 de la juge des référés du tribunal administratif de Marseille en tant qu'elle l'a condamné à payer à M. F... une provision de 38 310 euros et à Mme A..., sa mère, une provision de 5 057 euros ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.
Sur la responsabilité :
4. Il résulte de l'instruction que le docteur C..., expert désigné par le tribunal administratif de Marseille, a rendu le 10 juillet 2022 un rapport d'étapes dans lequel il conclut que le scanner réalisé le 15 mai 2019 mettait en évidence l'existence d'une méningite virale et qu'un traitement par acyclovir aurait dû être immédiatement administré. Il ajoute que cette erreur de diagnostic est à l'origine d'un retard dans la prise en charge de la pathologie et d'une perte de chance de 70% d'éviter les séquelles. L'expert fait aussi une évaluation provisoire des préjudices avant consolidation. Néanmoins, dans ce rapport qu'il qualifie de rapport d'étapes, le docteur C... explique que " l'état antérieur n'a pas été abordé au cours de l'accédit du 4 mai 2022... sera discuté au cours de l'accédit de clôture ". Il sollicite en outre la désignation de deux sapiteurs, un ophtalmologue et un neuropsychologue afin d'évaluer les préjudices de M. F.... En outre, en se fondant sur les avis émis par le professeur D... et le professeur G..., le centre hospitalier soutient non seulement que le scanner ne mettait pas aussi clairement en évidence que l'affirme l'expert, l'existence d'une méningite virale mais encore que le taux de perte de chance a été fixé à 70 % par l'expert de manière arbitraire. Il s'ensuit, à supposer même que le professeur D... ait assisté aux opérations d'expertise et que le centre hospitalier ait omis d'adresser des dires à l'expert, que le calcul de la créance provisionnelle à allouer à M. F... et à Mme A... ne présente pas, en l'état de l'instruction, un caractère non sérieusement contestable en raison de l'existence d'une incertitude sur l'existence d'une faute qu'aurait commise le centre hospitalier, sur l'état antérieur à la prise en charge de M. F... au sein du centre hospitalier d'Arles et sur le taux de perte de chance à éventuellement retenir.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier d'Arles est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille l'a condamné à payer des provisions à M. F... et à Mme A.... Il y a donc lieu d'annuler l'ordonnance du 6 février 2023 en tant qu'elle condamne le centre hospitalier d'Arles à payer à M. F... une provision de 38 310 euros et à Mme A... une provision de 5 057 euros ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la déclaration de décision commune :
6. La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, à laquelle la requête a été communiquée, n'ayant pas produit de mémoire, il y a lieu de lui déclarer commune la présente ordonnance.
Sur les frais liés au litige :
7. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. F... et Mme A... doivent dès lors être rejetées.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du 6 février 2023 de la juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée en tant qu'elle condamne le centre hospitalier d'Arles à payer à M. F... une provision de 38 310 euros et à Mme A... une provision de 5 057 euros ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. F... et Mme A... devant la juge des référés du tribunal administratif de Marseille tendant à ce que le centre hospitalier d'Arles soit condamné à leur payer une provision et à leur verser une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance est déclarée commune à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. F... et Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au centre hospitalier d'Arles, à M. B... F..., à Mme A... et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Fait à Marseille, le 26 mai 2023.
N° 23MA00432 2