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02/02/2022 | FRANCE | N°21MA04424

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 02 février 2022, 21MA04424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de prescrire une expertise aux fins d'évaluer les préjudices qu'elle a subis, à la suite de la chute dont elle a été victime, le 21 novembre 2017, place du E..., sur le territoire de la commune de Toulon.

Par une ordonnance n° 2000286 du 3 novembre 2021, il n'a pas été fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2021, Mme B... représentée par Me G

ozzo, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 novembre 2021 ;

2°) statuant en référé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de prescrire une expertise aux fins d'évaluer les préjudices qu'elle a subis, à la suite de la chute dont elle a été victime, le 21 novembre 2017, place du E..., sur le territoire de la commune de Toulon.

Par une ordonnance n° 2000286 du 3 novembre 2021, il n'a pas été fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2021, Mme B... représentée par Me Gozzo, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 novembre 2021 ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de première instance.

Elle soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés, elle établit les circonstances de l'accident qui a eu lieu square Kennedy, étant précisé que toute la zone est connue sous le nom de E... ; qu'il apparait que la responsabilité de la commune pourrait être engagée à son égard et qu'elle serait ainsi fondée à solliciter une juste indemnisation de son préjudice devant les juridictions administratives, pour défaut d'entretien normal de la chaussée.

Par un mémoire, enregistré le 13 janvier 2022, la commune de Toulon, représentée par Me Phelip, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de Mme B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'attestation d'intervention des sapeurs-pompiers que produit la requérante témoigne d'une intervention pour un accident survenu avenue du colonel Fabien - jardin du E... alors que la grille avaloir qu'elle met en cause se situe avenue Roger Decouvoux, à l'opposé de l'avenue du colonel Fabien par rapport au jardin du E... ; que l'unique attestation produite n'apporte aucune précision quant au lieu de survenance de la chute et la situation de la bouche d'égout en cause ; que le témoignage rédigé le 22 juin 2020, soit deux ans et demi de l'accident, ne saurait emporter la conviction de la Cour sur la matérialité des faits.

La requête a également été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Var qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.

2. Mme B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de prescrire une expertise aux fins d'évaluer les préjudices qu'elle a subis, à la suite de la chute dont elle a été victime, le 21 novembre 2017, place du E..., sur le territoire de la commune de Toulon. Par l'ordonnance attaquée du 3 novembre 2021, le juge des référés a refusé de faire droit à sa demande, au motif que l'expertise qu'elle sollicite est dépourvue d'utilité dès lors qu'elle ne fournit aucune information précise sur les conditions et le lieu exact de l'accident dont elle aurait été victime et qu'ainsi tant la matérialité des faits que l'implication d'un ouvrage public ne peuvent être regardés comme établis.

3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée de cette personne (cf. CE, 14.02.2017, n° 401514).

4. Par ailleurs, la responsabilité de la personne publique, propriétaire d'un ouvrage public, est engagée de plein droit à l'égard de l'usager victime d'un dommage, sans que l'intéressé ait à établir l'existence d'une faute à la charge de cette personne publique, si le dommage est effectivement imputable à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage et non à l'inattention de la victime à l'égard d'un obstacle ou d'une altération qui n'excèdent pas, par leur nature et leur importance, ceux auxquels un usager peut normalement s'attendre, en particulier l'usager piéton d'une voie publique.

5. Il résulte des déclarations de la requérante, confirmées par les déclarations circonstanciées d'un témoin oculaire établies dès le 20 décembre suivant et qui peuvent être regardées, eu égard à la nature des précisions apportées et en dépit du délai écoulé, comme sincèrement complétées par l'attestation établie en la forme prévue par l'article 202 du code de procédure, le 22 juin 2020, que Mme B... a été victime, le 21 novembre 2017, d'une chute sur la voie publique, provoquée par l'ouverture d'un avaloir dont la fermeture en béton était détériorée. Il ressort de ses déclarations, confirmées par l'attestation du témoin, que cette chute a eu lieu sur l'avenue Roger Decouvoux, en face de l'arrêt de bus E..., dans un lieu identifié comme le square Kennedy appartenant lui-même au vaste espace du E.... La circonstance que l'attestation des sapeurs-pompiers établie le 21 janvier 2020 mentionne comme adresse de l'intervention " avenue du colonel Fabien - Jardin du E... " n'est pas de nature à jeter un doute sérieux sur la réalité de ces déclarations, eu égard à la configuration des lieux constitués par un vaste espace piéton et à la proximité de cette voie avec la voie en cause. Enfin, l'admission de Mme B... aux urgences le jour même corrobore la réalité du traumatisme au genou qu'elle a ainsi subi. Ces documents permettent de regarder la matérialité des faits ainsi allégués comme suffisamment établie, au stade d'une procédure de référé visant au prononcé d'une mesure d'expertise.

6. Par ailleurs, les circonstances ainsi décrites sont également suffisantes pour permettre à la requérante d'envisager raisonnablement d'engager la responsabilité de la commune de Toulon, sur le fondement d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public.

7. Il résulte de ce qui précède, la Cour n'étant saisie par l'effet dévolutif de l'appel d'aucun autre moyen, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. En conséquence, l'ordonnance du 3 novembre 2021 doit être annulée et il y a lieu d'ordonner la mission d'expertise demandée.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

O R D O N N E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2000286 du 3 novembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon est annulée.

Article 2 : M. D... A..., demeurant au 8, avenue de Verdun, à Nice (06000) est désigné avec pour mission de :

- se faire communiquer tous les documents médicaux utiles à sa mission, examiner Mme C... B... et décrire son état actuel ;

- préciser dans quelle mesure l'état actuel de Mme B... est imputable aux séquelles de l'accident dont elle a été victime le 21 novembre 2017 ;

- déterminer si l'état de Mme B... est consolidé et, dans l'affirmative, en préciser la date ;

- déterminer, à la date de l'expertise, la durée du déficit fonctionnel temporaire total, le préjudice esthétique, les souffrances physiques et le préjudice d'agrément subis par Mme B..., à la suite de l'accident dont elle a été victime le 21 novembre 2017 ;

- si son état est consolidé, déterminer le déficit fonctionnel permanent partiel, s'il ne l'est pas, déterminer le déficit fonctionnel temporaire partiel, imputable à cet accident ; indiquer si Mme B... doit encore faire l'objet de soins et, le cas échéant, en préciser la nature ;

- préciser si le déficit fonctionnel temporaire ou permanent dont Mme B... est atteinte justifie ou a justifié l'assistance par une tierce personne, et, si oui, selon quel volume horaire.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour administrative d'appel.

Article 4 : L'expertise aura lieu en présence de Mme B..., de la commune de Toulon et de la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Article 5 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 6 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 7 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 8 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera ces frais et honoraires.

Article 9 : Les conclusions de la commune de Toulon présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 10 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... B..., à la commune de Toulon, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et à M. D... A..., expert.

Fait à Marseille, le 2 février 2022

N° 21MA044242

LH


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 21MA04424
Date de la décision : 02/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : GOZZO

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-02;21ma04424 ?
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