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31/12/2021 | FRANCE | N°21MA04052

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 31 décembre 2021, 21MA04052


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de prescrire une expertise aux fins de déterminer et d'évaluer les préjudices de toute nature qu'elle a subis, à la suite de l'accident de service dont elle a été victime le 5 septembre 2015.

Par une ordonnance n° 2100262 du 24 septembre 2021, il n'a pas été fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2021, Mme C..., représentée par le cabinet

Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 24 septembre 2021 ;

2°) statuant en ré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de prescrire une expertise aux fins de déterminer et d'évaluer les préjudices de toute nature qu'elle a subis, à la suite de l'accident de service dont elle a été victime le 5 septembre 2015.

Par une ordonnance n° 2100262 du 24 septembre 2021, il n'a pas été fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2021, Mme C..., représentée par le cabinet Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 24 septembre 2021 ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de première instance.

Elle soutient que la mesure d'expertise sollicitée est utile pour lui permettre d'évaluer l'ensemble des préjudices dont elle peut demander réparation à l'administration, en tant que fonctionnaire victime d'un accident de service, voire au titre de la responsabilité pour faute de son administration ; que le juge des référés a commis une erreur de droit en lui opposant la possible prescription de son action dès lors que la requête qu'elle a introduite le 2 septembre 2016 et qui a donné lieu au jugement n° 1604497 du 5 juillet 2018 a interrompu le cours de la prescription ; qu'il en va de même de la reconnaissance de l'imputabilité au service de la rechute de son accident par décision du 31 mars 2017 du ministère de la justice.

La requête a été communiquée au ministre de la justice, à la caisse d'assurance maladie Solsantis et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.

2. Mme C..., agente pénitentiaire, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de prescrire une expertise aux fins de déterminer et d'évaluer les préjudices de toute nature qu'elle a subis, à la suite de l'agression dont elle a été victime le 5 septembre 2015 et qui a été reconnue comme imputable au service par décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 17 décembre 2015. Par l'ordonnance attaquée du 24 septembre 2021, le juge des référés a refusé de faire droit à sa demande, au motif que la mesure d'expertise ne présente pas le caractère d'utilité requis par les dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, dès lors qu'une " éventuelle demande de réparation de ces préjudices, présentée plus de quatre ans après la date de consolidation, pourrait se voir opposer la prescription prévue par la loi (...) du 30 décembre 1968 ".

3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription (cf. CE, 14.02.2017, n° 401514).

4. Tout agent public, victime d'un accident de service, est en droit d'obtenir de la personne publique qui l'emploie soit, en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire à la rente viagère d'invalidité ou à l'allocation temporaire d'invalidité à laquelle il peut prétendre, destinée à réparer ses préjudices personnels ainsi que, le cas échéant, ses préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux indemnisés par cette rente ou cette allocation, soit, dans le cas où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité, la réparation intégrale de l'ensemble de ses préjudices.

5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". L'article 2 de la ladite loi précise que : " La prescription est interrompue par : / (...) / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ".

6. Mme C... conteste la prescription de la créance qu'elle soutient détenir sur l'Etat par application des principes rappelés au point 4, en faisant valoir que si son état est consolidé depuis le 29 septembre 2016, le cours de la prescription a été interrompu, à deux reprises, d'une part, par la requête qu'elle a formée, le 2 septembre 2016, à l'encontre de la décision du 10 février 2016 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse en tant que la date de sa consolidation et de la fin de sa prise en charge au titre d'un accident de service avait été fixée au 17 décembre 2015, et qui a donné lieu au jugement n° 1604497 du 5 juillet 2018 du tribunal administratif de Montpellier annulant cette décision, et, d'autre part, par la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 31 mars 2017 qui a admis l'imputabilité au service de la rechute déclarée le 17 mars 2016. Ces éléments sont suffisamment sérieux pour que, dans le cadre de son office, le juge des référés ne puisse tenir la prescription de la créance de Mme C... comme acquise. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier n'a pas reconnu l'utilité de la mesure d'expertise qu'elle demandait en tenant la prescription de sa créance comme acquise.

7. Il appartient au président de la Cour, saisie de la demande de Mme C... par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble de l'argumentation des parties sur l'utilité de cette mesure.

8. En première instance, le ministre de la justice s'était borné à faire valoir que la date de consolidation de l'état de Mme C... ainsi que le taux de son incapacité permanente partielle avaient déjà été fixés par les expertises diligentées par l'administration et que la requérante n'établissait pas la réalité d'autres préjudices extrapatrimoniaux. Les expertises médicales, diligentées à l'initiative de l'administration pénitentiaire, dont les rapports ont été déposés les 17 décembre 2015, 9 mai et 13 juin 2016, avaient pour objet d'apprécier l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 5 septembre 2015 ainsi que de la rechute du 17 mars 2016 et des arrêts de travail successifs prescrits en conséquence, de fixer la date de consolidation de son état et de préciser s'il résultait de cet accident une incapacité permanente partielle. Ces expertises n'avaient ainsi pas pour objet d'évaluer l'ensemble des préjudices personnels subis par Mme C.... Il n'appartient pas à la requérante d'apporter des éléments justifiant la réalité de ces préjudices personnels, l'objet de l'expertise étant précisément de les déterminer.

9. En conséquence, la mesure d'expertise demandée par la requérante présente le caractère d'utilité requis par les dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et à demander qu'il soit fait droit à sa demande tendant au prononcé d'une mesure d'expertise.

O R D O N N E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2100262 du 24 septembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : M. B... A..., demeurant au 310, avenue du Maréchal Juin - Pôle Santé Thau, à Sète (34200), est désigné avec pour mission de :

- se faire communiquer tous les documents médicaux utiles à sa mission, examiner Mme D... C... et décrire son état actuel ;

- préciser dans quelle mesure l'état actuel de Mme C... est imputable à l'accident de service dont elle a été victime le 5 septembre 2015 ;

- déterminer, à la date du 29 septembre 2016, date de la consolidation retenue par l'administration, la durée du déficit fonctionnel temporaire total, le déficit fonctionnel permanent partiel, les souffrances psychiques et le préjudice d'agrément, imputables aux conséquences de cet accident ;

- préciser, le cas échéant, si son état est susceptible d'une amélioration ou d'une aggravation et, dans l'affirmative, fournir toute précision sur cette évolution, son degré de probabilité ainsi que les traitements qui seront nécessaires ; indiquer, le cas échéant, si la date de consolidation doit être modifiée ;

- indiquer si le déficit fonctionnel temporaire ou permanent dont Mme C... est atteinte justifie ou a justifié l'assistance par une tierce personne, et, si oui, préciser pour quelles périodes et quel volume horaire ;

- indiquer si, en dépit de sa prise en charge au titre d'un accident de service, Mme C... a subi une perte de revenus ou à dû engager des frais non pris en charge par son administration, à la suite de cet accident.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour administrative d'appel.

Article 4 : L'expertise aura lieu en présence de Mme C..., du ministre de la justice ou de son représentant et de la caisse d'assurance maladie Solsantis.

Article 5 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 6 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 7 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 8 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera ces frais et honoraires.

Article 9 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme D... C..., au Garde des Sceaux, ministre de la justice, à la caisse d'assurance maladie Solsantis et à M. B... A..., expert.

Fait à Marseille, le 31 décembre 2021

N° 21MA040525

LH


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELAFA CABINET CASSEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Date de la décision : 31/12/2021
Date de l'import : 11/01/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21MA04052
Numéro NOR : CETATEXT000044887443 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-31;21ma04052 ?
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