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30/11/2021 | FRANCE | N°21MA03212

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4 ème chambre-juge des referes, 30 novembre 2021, 21MA03212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un déféré, enregistré le 30 juillet 2021, le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales, de suspendre l'exécution de l'arrêté n° 21/1963CE du 16 mars 2021 par lequel le président du conseil exécutif de Corse a, d'une part, assorti le montant de la rémunération mensuelle nette du directeur général de l'office des t

ransports de la Corse d'une prime exceptionnelle de 1 500 euros nets du 1er mars 2021 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un déféré, enregistré le 30 juillet 2021, le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales, de suspendre l'exécution de l'arrêté n° 21/1963CE du 16 mars 2021 par lequel le président du conseil exécutif de Corse a, d'une part, assorti le montant de la rémunération mensuelle nette du directeur général de l'office des transports de la Corse d'une prime exceptionnelle de 1 500 euros nets du 1er mars 2021 au 31 décembre 2022 et, d'autre part, accordé à ce directeur général une indemnité forfaitaire de 21 000 euros.

Par une ordonnance n°2100781 du 19 juillet 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a ordonné la suspension de l'exécution de l'arrêté n°21/1963CE du 16 mars 2021 du président du conseil exécutif de la collectivité de Corse.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2021, sous le n°21MA03212, la collectivité de Corse, représentée par le cabinet Association MCM Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 19 juillet 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par le préfet devant le juge des référés et dirigée contre l'arrêté du président du conseil exécutif de la collectivité de Corse en date du 16 mars 2021;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est insuffisamment motivée ;

- l'acte attaqué n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision est justifiée et proportionnée et qu'elle ne fait naitre aucun doute sérieux quant à sa légalité.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille donnant délégation à M. Badie, président de la 4ème chambre, pour juger les référés.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 23 novembre 2021:

- le rapport de M. Badie,

- et les observations de Me Giansily, pour la collectivité de Corse.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n°21/1963CE du 16 mars 2021, le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse a accordé au directeur général de l'office des transports de la Corse (OTC), M. B... A..., une prime exceptionnelle mensuelle de 1500 euros nets du 1er mars 2021 au 31 décembre 2022, soit au total 33 000 euros, ainsi qu'une indemnité forfaitaire de 21 000 euros. Le préfet de Corse, auquel cet acte a été communiqué le 17 mars 2021, l'a déféré sur le fondement de l'article L.2131-6 du code général des collectivités territoriales devant le tribunal administratif de Bastia et a assorti son recours en annulation au fond d'une demande de suspension. La collectivité de Corse relève appel de l'ordonnance du 19 juillet 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal a suspendu l'exécution de cet arrêté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. La collectivité de Corse soutient que le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a entaché son ordonnance d'irrégularité en ne motivant pas suffisamment sa décision. Toutefois, il résulte des termes de la décision attaquée et, notamment, de son point 3, que, contrairement à ce que soutient la collectivité, en jugeant que les primes accordées à M. A... méconnaissaient l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions relatives à la fonction publique territoriale et que cette méconnaissance était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, le juge des référés a correctement motivé sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur le cadre du litige:

3. Aux termes de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit : / " Art. L. 2131-6, alinéa 3. - Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois. " / Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes d'autres collectivités ou établissements suivent, de même, les règles fixées par les articles L. 2541-22, L. 2561-1, L. 3132-1, L. 4142-1, L. 4411-1, L. 4421-1, L. 4431-1, L. 5211-3, L. 5421-2, L. 5711-1 et L. 5721-4 du code général des collectivités territoriales. ".

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires : "Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire ". Aux termes de l'article 136 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 : "Les agents non titulaires ... sont régis notamment par les mêmes dispositions que celles auxquelles sont soumis les fonctionnaires en application des articles... 20, premier et deuxième alinéas ... du titre 1er du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales".

5. Aux termes de l'article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions, de l'engagement professionnel des agents et, le cas échéant, des résultats collectifs du service. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements (...) ".

6. Si les collectivités territoriales ne peuvent attribuer à leurs agents titulaires ou non titulaires des rémunérations qui excéderaient celles auxquelles peuvent prétendre des agents de l'Etat occupant des fonctions et ayant des qualifications équivalentes, il appartient à l'autorité territoriale de fixer, sous le contrôle du juge, la rémunération des agents non titulaires recrutés sur des emplois pour lesquels une correspondance étroite avec la fonction publique d'Etat ne peut être trouvée, en prenant en compte, notamment, les fonctions occupées et leurs conditions d'exercice ainsi que l'engagement professionnel et la qualification de l'agent. Cette rémunération, qui ne doit pas être manifestement plus favorable par rapport à celle d'agents de l'Etat de qualification équivalente exerçant des fonctions analogues, peut comprendre des indemnités justifiées par la nature de ces fonctions. Ces indemnités, normalement prévues dans le contrat qui lie l'agent à la collectivité, peuvent être accordées par une délibération de portée générale, sous réserve que celle-ci prévoie, soit la liste, soit les caractéristiques des fonctions donnant droit à chaque indemnité.

Sur le bien-fondé de la suspension :

7. Certes, il ressort des pièces du dossier que les années 2020 et 2021 ont été marquées, pour l'OTC, par l'échéance de plusieurs contrats de délégation de service public de transports entre la Corse et le continent, par l'impact important de la crise du Covid-19 sur la desserte maritime et aérienne de la Corse (qui a nécessité de nombreux ajustements, notamment par voie d'avenant, dans la délivrance du service), et par la mise en œuvre du nouveau schéma directeur de la desserte maritime de l'île à horizon 2023. A cet égard, la collectivité de Corse fait état de ce que le directeur général lui-même, dédié à la passation de contrats, a dû faire face à une augmentation significative de sa charge de travail et aux contraintes liées à la crise sanitaire. Toutefois, ces augmentations de charge et ces contraintes ne sauraient permettre la mise en place sur une période de 18 mois d'un régime indemnitaire manifestement plus favorable par rapport à celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes.

8. M. A... bénéficie, par contrat, d'un salaire de 6500 euros mensuels nets, auquel s'ajoutent la prime de transport et la prime annuelle. La délibération attaquée le fait bénéficier de 1500 euros nets supplémentaire du 1er mars 2021 au 31 décembre 2022, soit une somme de 33 000 euros à laquelle s'ajoute une indemnité forfaitaire de 20 000 euros, soit 53 000 euros supplémentaires sur une période de 18 mois. Un administrateur général, fonctionnaire de l'Etat, à l'échelon sommital HED3, touche 5993 euros et sa prime maximale annuelle au titre du complément indemnitaire annuel maximale est de 8820 euros. Dès lors, le régime indemnitaire est manifestement plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes et que par suite le principe de parité entre agents relevant des différentes fonctions publiques dont s'inspire l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984, tel que rappelé au point 5, a été méconnu.

9. Il résulte de ce qui précède que l'un des moyens invoqués par le préfet est, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté n°21/1963CE du 16 mars 2021. Par suite, la collectivité de Corse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a ordonné la suspension de l'exécution de cet arrêté.

Sur les frais liés au litige :

10. La collectivité de Corse est partie perdante au litige. Elle ne peut donc prétendre à ce que soit mise à la charge de l'Etat à verser une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la collectivité de Corse est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, à la collectivité de Corse et à l'Office des transports de la Corse.

Copie en sera transmise à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la directrice régionale des finances publiques de Corse et du département de la Corse-du-Sud.

Fait à Marseille, le 30 novembre 2021.

5

N°21MA03212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4 ème chambre-juge des referes
Numéro d'arrêt : 21MA03212
Date de la décision : 30/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Contrôle de la légalité des actes des autorités locales - Déféré assorti d'une demande de sursis à exécution.

Collectivités territoriales - Dispositions particulières à certaines collectivités - Collectivité territoriale de Corse.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre BADIE
Avocat(s) : CABINET MUSCATELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-30;21ma03212 ?
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