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06/05/2021 | FRANCE | N°19MA05523

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 06 mai 2021, 19MA05523


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du 8 novembre 2019 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé son transfert aux autorités portugaises responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une attestation de demande d'asile et de réexaminer sa demande dans le délai de trois jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n°

1909463 du 14 novembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marsei...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du 8 novembre 2019 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé son transfert aux autorités portugaises responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une attestation de demande d'asile et de réexaminer sa demande dans le délai de trois jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1909463 du 14 novembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2019, M. B... représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille du 14 novembre 2019 ;

3°) d'annuler ces arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 novembre 2019 ;

4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, ou, à défaut, de réexaminer sa demande d'asile dans un délai de trois jours et de lui délivrer une nouvelle attestation de demande d'asile en application de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet a entaché sa décision de transfert aux autorités portugaises d'une erreur de fait en ayant mentionné un nom, une date et un lieu de naissance erronés ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités portugaises.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Par un courrier en date du 21 décembre 2020, une mesure d'instruction a été diligentée par la Cour aux fins de savoir si la décision de transfert contestée a été exécutée.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., de nationalité congolaise, relève appel du jugement du 14 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 novembre 2019 prononçant son transfert aux autorités portugaises responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'assignant à résidence.

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, (...), les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : // (...) 3° Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête ; (...) / 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens ; (...) / les présidents des formations de jugement des cours, (...) peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...) après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement (...) ".

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

3. M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle compétent du 21 février 2020. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande tendant à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur les conclusions dirigées contre la décision de transfert :

4. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Il résulte des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 que le transfert du demandeur doit s'effectuer au plus tard, dans un délai de six mois, à défaut " l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant ". Ce même article prévoit que " ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois maximum si la personne concernée prend la fuite ".

5. L'introduction d'un recours contre la décision de transfert, sur le fondement du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être regardée comme interrompant le délai de six mois prévu à l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 jusqu'à la notification du jugement du tribunal administratif. Ce délai court, de nouveau, à compter de la date de la dernière notification de ce jugement, l'appel dépourvu de caractère suspensif n'ayant pas pour effet d'interrompre ce nouveau délai.

6. Il ressort des pièces du dossier que le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder au transfert de M. A... B... à compter de la décision d'acceptation des autorités portugaises a été interrompu par la présentation, le 8 novembre 2019, de la demande de l'intéressé devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de la décision de transfert en litige. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, ce délai a recommencé à courir à compter de la date de la dernière notification du jugement par lequel le magistrat désigné a statué sur cette demande, soit à compter du 19 novembre 2019. En dépit de la mesure d'instruction diligentée en ce sens, le préfet des Bouches-du-Rhône ne fait pas valoir que la décision de transfert aurait été exécutée depuis, ni que ce délai aurait été prolongé.

7. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté contesté est devenu caduc à la date du 20 mai 2020. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2019 portant transfert aux autorités portugaises responsables de la demande d'asile de M. A... B..., qui sont devenues sans objet. Ce non-lieu peut être constaté en application des dispositions précitées du 3° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence :

8. M. A... B... se prévaut, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'arrêté de transfert du 8 novembre 2019.

9. Aux termes de l'article 12 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d'un autre État membre en vertu d'un accord de représentation prévu à l'article 8 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas. Dans ce cas, l'État membre représenté est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. / (...) 4. Si le demandeur est seulement titulaire d'un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d'un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des États membres (...) ".

10. Et aux termes du 5° de l'article 12 de ce même règlement : " La circonstance que le titre de séjour ou le visa a été délivré sur la base d'une identité fictive ou usurpée ou sur présentation de documents falsifiés, contrefaits ou invalides ne fait pas obstacle à l'attribution de la responsabilité à l'Etat membre qui l'a délivré. Toutefois, l'Etat membre qui a délivré le titre de séjour ou le visa n'est pas responsable s'il peut établir qu'une fraude est intervenue après la délivrance du document ou du visa ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... a bénéficié d'un visa délivré par le consulat du Portugal à Maputo, valable du 27 avril 2019 au 20 mai 2019, et que ce visa était par conséquent périmé depuis moins de six mois à la date de l'arrêté de transfert.

12. Si M. A... B... soutient que le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché l'arrêté de transfert d'une erreur de fait pour n'avoir pas indiqué ses véritables nom, date et lieu de naissance, alors que ces éléments avaient été précisés par le requérant lors de l'entretien du 1er juillet 2019, il résulte des dispositions du 4° de l'article 12 du règlement (UE) n° 604-2013 précitées que le Portugal, qui lui avait délivré un visa périmé depuis moins de six mois à la date de la décision contestée, est bien l'Etat membre responsable de sa demande d'asile. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le Portugal ait établi que le visa a été délivré à M. A... B... sur la base d'une identité fictive. Au demeurant, saisi par les autorités françaises, les autorités portugaises avaient accepté d'examiner la demande d'asile de l'intéressé. Par suite, à supposer que l'arrêté de transfert soit entaché d'une erreur de fait, celle-ci serait sans incidence sur la légalité de l'arrêté de transfert. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen.

13. Ainsi qu'il vient d'être dit, l'arrêté de transfert n'étant entaché d'aucune illégalité, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision portant assignation à résidence.

14. Il résulte de ce qui précède de la demande du requérant tendant à l'annulation de la décision l'assignant à résidence est manifestement dépourvue de fondement au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, et doit être rejetée en application de ces dispositions.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

15. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

16. Le constat de la caducité de l'arrêté du 8 novembre 2019 qui constitue le soutien nécessaire du non-lieu à statuer prononcé par la présente ordonnance implique, à tout le moins, par l'effet des dispositions précitées de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013, que le préfet des Bouches-du-Rhône, ou le préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence actuel de l'intéressé, enregistre la demande d'asile de M. A... B..., en application des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avec toutes conséquences de droit. Dès lors, il y a lieu, en application des dispositions combinées des articles L. 911-1 et R. 222-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, ou au préfet territorialement compétent, de faire droit à la demande en ce sens de M. A... B..., dans un délai de trois jours à compter de sa présentation à l'autorité compétente. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône portant transfert aux autorités portugaises responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône, ou au préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence actuel de l'intéressé, de faire droit à la demande de M. B... en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile, dans un délai de trois jours à compter de sa présentation à l'autorité compétente.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... B... est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D... A... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône

Fait à Marseille, le 6 mai 2021.

N° 19MA055232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 19MA05523
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02


Composition du Tribunal
Avocat(s) : YAHIA-BERROUIGUET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-06;19ma05523 ?
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