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17/12/2020 | FRANCE | N°20MA02202

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 17 décembre 2020, 20MA02202


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner, à titre de provision, la commune de Gap à lui payer une somme provisionnelle de 57 909,15 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 29 mars 2019, avec capitalisation, à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice.

Par une ordonnance n° 2002501 du 19 juin 2020, le juge des référés du tribunal

administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner, à titre de provision, la commune de Gap à lui payer une somme provisionnelle de 57 909,15 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 29 mars 2019, avec capitalisation, à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice.

Par une ordonnance n° 2002501 du 19 juin 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2020, et un mémoire enregistré le 12 août 2020, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 19 juin 2020 ;

2°) de condamner, à titre de provision, la commune de Gap à lui payer une somme provisionnelle de 72 386,43 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 29 mars 2019, avec capitalisation ;

3°) lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire en application de l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Gap la somme de 2 000 euros à verser à

Me A... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la décision à intervenir du bureau de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

S'agissant du mal fondé de l'ordonnance attaquée :

- l'arrêté de radiation pris par la commune est rétroactivement illégal pour défaut rétroactif de base légale, du fait du retrait de sa nomination par le syndicat mixte ; la préfète des Hautes-Alpes a elle-même indiqué à la commune que la radiation des effectifs ne pouvait plus avoir pour base légale les arrêtés du syndicat mixte en date du 14 février 2019, qui ont été retirés ;

- elle ne fait pas valoir ses droits sur la période du 1er au 29 mars 2019 car elle a travaillé durant cette période au sein du syndicat mixte de l'aire gapençaise ;

- pour la période postérieure au 29 mars 2019, la commune de Gap a elle-même reconnu que son arrêté de radiation était caduc à compter de cette date, sans tirer toutes les conséquences de cette constatation ;

- la ville doit donc la replacer dans la situation qui était la sienne au 1er mars 2020 ;

- aucune obligation non sérieusement contestable ne pèse sur le syndicat mixte, auprès duquel elle n'a été que mise à disposition pendant 13 ans et dont elle est réputée n'avoir jamais été un agent ;

S'agissant de la provision sollicitée :

- elle est fondée sur une obligation non sérieusement contestable ;

- son montant correspond au plein traitement pour la période d'avril 2019 à juin 2020 en fonction du traitement perçu au cours de l'année 2018, soit 72 386,43 euros avec intérêts moratoires au 29 mars 2019 et capitalisation.

Par deux mémoire en défense, enregistrés le 4 août 2020 et le 12 octobre 2020, la commune de Gap, représentée par Me C..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme B... la somme de 2 400 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'obligation tirée de ce que la commune doit assumer la prise en charge des traitements à verser à la requérante depuis avril 2019 alors que celle-ci devrait faire partie du syndicat mixte et percevoir des salaires de la part de ce syndicat est sérieusement contestable, l'arrêté de radiation du 12 mars 2019 étant toujours en vigueur ;

- Mme B... a clairement entendu demander sa mutation au sein des effectifs du syndicat mixte et ne plus faire partie des effectifs de la commune ; la procédure pouvait être régularisée ;

- la responsabilité liée à la situation particulière de Mme B... est une conséquence des retraits des différents arrêtés adoptés par le syndicat mixte et non pas une conséquence de l'arrêté radiant la requérante des effectifs de la commune qui a été pris régulièrement alors que les arrêtés d'intégration et de nomination étaient en vigueur ;

- en revanche, il existe une obligation incombant au syndicat mixte, et non sérieusement contestable ; la commune n'a en effet pas à assumer les traitements à verser à la requérante depuis avril 2019, dès lors qu'elle devrait faire partie du syndicat mixte et percevoir des traitements de la part de ce dernier ; les préjudices causés à Mme B... ne proviennent que de l'absence de volonté du syndicat mixte de combler le vide juridique qu'a laissé le retrait des arrêtés de nomination au sein de cet établissement ;

- il est exclu que le juge des référés-provision tranche une question de droit soulevant une difficulté sérieuse comme celle relative à la légalité d'un acte administratif ;

- le montant de provision demandé est lui-même contestable :

- la prudence commande à ce que le versement, le cas échéant, de la provision soit subordonné à la constitution d'une garantie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux et notamment son article 4 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Badie, président, juge des référés, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

1. En vertu des articles 12 et 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'admission à l'aide juridictionnelle est prononcée par un bureau d'aide juridictionnelle ou, en cas d'urgence et à titre provisoire, par le président de ce bureau, par la juridiction compétente ou par son président. Compte tenu des circonstances de l'espèce, il y a lieu d'admettre

Mme B... au bénéfice d'aide juridictionnelle provisoire.

Sur les conclusions à fin de provision :

2. Recrutée par la ville de Gap en qualité d'ingénieur principal à compter du

1er octobre 2003, Mme B... a été mise à disposition du syndicat mixte du SCoT de l'aire gapençaise en tant que directrice, par conventions successives dont la dernière arrivait à terme le 31 mars 2019. Le maire de la commune de Gap a informé le président du syndicat mixte qu'il envisageait de ne pas renouveler cette convention, par un courriel du 23 janvier 2019 confirmé le 8 février 2019, tout en avisant le même jour la requérante, et en lui proposant une affectation au sein des effectifs de la commune. Dans le même temps, l'intéressée a été d'une part, nommée en qualité de directrice générale des services du syndicat mixte, titulaire par voie de mutation, et d'autre part, promue au grade d'ingénieur hors classe et classée au 7ème échelon de son grade, par deux arrêtés du président du syndicat mixte en date du 14 février 2019, notifiés à la commune de Gap le 18 février, par un courrier qui l'informait que la mutation de

Mme B... serait effective à compter du 1er mars 2019. Par courrier du

24 février 2019, réceptionné le 4 mars suivant, la requérante confirmait à la commune de Gap avoir reçu le courrier relatif à sa future affectation mais renouvelait son souhait d'être mutée auprès du syndicat mixte du SCoT de l'aire gapençaise, sollicitant une radiation rapide des effectifs de la commune afin que son recrutement par le syndicat mixte en soit facilité.

Cette radiation est intervenue par arrêté du 12 mars 2019 et fixait sa prise d'effet au 1er mars, compte tenu des indications contenues dans le courrier du syndicat mixte, notifiant à la commune les arrêtés du 14 février 2019 et conformément à la demande de l'intéressée formulée dans deux courriers des 8 et 24 février 2019. Une fois mutée au sein des services de cet établissement,

Mme B... a été détachée par le président du syndicat mixte sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services par un arrêté du 14 février 2019. Toutefois, le 29 mars 2019, le président du syndicat a retiré cet arrêté du 14 février 2019, au motif de son illégalité. Estimant que l'arrêté la radiant des effectifs de la commune de Gap était privé de base légale du fait du retrait de l'arrêté du 14 février 2019, la requérante soutient qu'elle aurait dû être réintégrée au sein des effectifs de la commune de Gap, rétroactivement à compter du 1er mars 2019 et demande donc au juge des référés de condamner cette commune à lui payer une somme provisionnelle correspondant à la rémunération qu'elle aurait dû percevoir de cette commune depuis le 1er mars 2019.

3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant. En revanche, une obligation dont l'existence soulève une question de droit présentant une difficulté sérieuse ne peut être regardée comme une obligation dont l'existence n'est pas sérieusement contestable. Dans ce cas, le juge des référés ne saurait, sans méconnaître les dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, se prononcer sur la difficulté ainsi soulevée pour accorder la provision demandée.

4. Il résulte des dispositions combinée des articles 41 et 51 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 que la mutation externe d'un agent est subordonnée, d'une part, à l'accord entre l'agent public concerné et la collectivité d'accueil, d'autre part à une non opposition de la collectivité d'origine fondée sur les nécessités du service et, enfin, à l'écoulement d'un délai de trois mois entre la décision de la collectivité d'accueil de recruter l'agent, et la prise de fonctions de celui-ci, à moins que les deux collectivités ne parviennent à un accord sur une date d'effet anticipée.

5. Mme B... fait valoir que, dès lors que le président du syndicat mixte a retiré le 29 mars 2019, pour illégalité, l'arrêté du 14 février 2019 la nommant en qualité de directrice générale des services du syndicat mixte titulaire par voie de mutation, l'arrêté de radiation pris par la commune de Gap le 12 mars 2019 est rétroactivement entaché de défaut de base légale, du fait de ce retrait de sa nomination.

6. Les effets du retrait par le syndicat mixte, de la décision de mutation de

Mme B... au regard notamment des possibilités de régularisation dont dispose cette collectivité, sur la décision de la commune de Gap, radiant l'intéressée, considérée comme n'appartenant plus à ses effectifs, et plus encore sur les obligations incombant le cas échéant à cette commune, alors que l'illégalité de la mutation de l'agent ne lui incombe pas, posent une question de droit présentant une difficulté sérieuse qu'il n'appartient pas au juge des référés saisi sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative de trancher.

7. Il résulte de ce qui précède, qu'en l'état du dossier, la condition du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont se prévaut la requérante ne saurait être tenue pour remplie. Par suite, l'existence de l'obligation de la commune de Gap présente en l'état de l'instruction un caractère sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, par l'ordonnance attaquée, a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de

Mme B... la somme demandée par la commune de Gap en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les conclusions présentées par le conseil de Mme B... laquelle est partie perdante à l'instance, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : Mme B... est admise à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Gap présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme D..., à Me A..., mandataire de Mme D..., et à la commune de Gap.

Copie en sera adressée au syndicat mixte de l'aire gapençaise, au centre national de la fonction publique territoriale, au centre de gestion de la fonction publique territoriale des Hautes-Alpes et au bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille.

Fait à Marseille, le 17 décembre 2020.

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N° 20MA02202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 20MA02202
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : TARDIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-17;20ma02202 ?
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