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04/12/2020 | FRANCE | N°20MA03819-20MA03820

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 04 décembre 2020, 20MA03819-20MA03820


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 18 septembre 2020 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de sa destination et lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2002761 du 24 septembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enr

egistrée le 8 octobre 2020 sous le n° 20MA03819, M. A..., représenté par Me B... D..., demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 18 septembre 2020 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de sa destination et lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2002761 du 24 septembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2020 sous le n° 20MA03819, M. A..., représenté par Me B... D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 18 septembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas analysé le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire ne lui pas été notifiée dans une langue qu'il comprend ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été notifiée en langue albanaise, conformément aux dispositions de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît son droit d'être entendu et a été prise en violation du principe du contradictoire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa vie privée et familiale ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il ne se trouve dans aucun des cas prévus pour lui refuser un délai de départ volontaire ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée.

II. Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2020 sous le n° 20MA03820, M. A..., représenté par Me B... D..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 24 septembre 2020 ;

2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 18 septembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conséquences des décisions contestées au fond sont difficilement réparables en ce qu'il devrait quitter son épouse et ses deux filles, perdre son emploi et ne plus subvenir aux besoins de sa famille ;

- il justifie de moyens sérieux à l'encontre de l'arrêté attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux requêtes, M. A..., de nationalité albanaise, demande l'annulation et le sursis à exécution du jugement du 24 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 18 septembre 2020 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de sa destination et lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans, en reprenant, pour l'essentiel, les moyens invoqués devant le premier juge. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes, qui sont dirigées contre le même jugement, pour statuer par une seule ordonnance.

Sur la requête n° 20MA03819 :

2. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " les présidents des cours administratives d'appel (...) les présidents des formations de jugement des cours (...) peuvent, (...) par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ".

3. En premier lieu, M. A... n'a pas soulevé, en première instance, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire ne lui pas été notifiée dans une langue qu'il comprend. Par suite, le jugement du magistrat désigné n'est entaché d'aucune omission de statuer.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend ". Selon l'article L. 1118 du même code : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 7423 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. ".

5. Si M. A... fait valoir que l'arrêté attaqué n'était pas accompagné d'un formulaire dans sa langue natale et qu'il ne comprend pas la langue française, il ressort de la notification de la mesure d'éloignement et de placement en rétention du 18 septembre 2020, qu'il a pris connaissance de la décision attaquée et des voies et délais de recours après lecture faite par un interprète. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision ne lui aurait pas été notifiée dans une langue qu'il comprend doit être écarté.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision a été signée par Mme C..., qui disposait d'une délégation, notamment à l'effet de signer les décisions relatives au séjour et les obligations de quitter le territoire prises suite à interpellation et les interdictions de retour, aux termes de l'article 6 de l'arrêté n° 2020-323 du 19 mai 2020 du préfet des Alpes-Maritimes. Le moyen tiré de ce que l'arrêté a été signé par une autorité incompétente doit donc être écarté.

7. En quatrième lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Il n'impose pas davantage que l'intéressé soit assisté d'un avocat lors de cette audition ou même informé de la possibilité d'être ainsi assisté.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été interpelé, placé en garde à vue le 17 septembre 2020 et auditionné par un officier de police judiciaire. Ainsi que cela résulte des termes du procès-verbal établi à cet effet, il a alors été entendu sur l'irrégularité de sa situation. Par suite, le requérant ne peut donc être regardé comme ayant été privé du droit d'être entendu.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Si M. A..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée le 24 avril 2019 par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 18 septembre 2019, soutient qu'il a été contraint de quitter l'Albanie suite à de graves menaces, il n'apporte aucun nouvel élément de nature à établir qu'il serait exposé à un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du CESEDA : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / [...] La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.[...] Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées. ".

12. En l'espèce, l'arrêté préfectoral du 18 septembre 2020 mentionne les textes dont il fait application, et notamment l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que l'intéressé ne démontre pas avoir habituellement résidé depuis le mois de septembre 2017 en France, ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, est marié et père de deux enfants et qu'il n'a pas exécuté spontanément la mesure d'éloignement prise à son encontre le 26 août 2019. La décision attaquée comporte donc les éléments de fait et de droit sur lesquels elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.

13. En dernier lieu, il y a lieu d'écarter l'ensemble des autres moyens soulevés par M. A... tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire attaquée est insuffisamment motivée, de ce qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, de ce qu'elle est entachée d'une erreur de droit, de ce qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de ce qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce que la décision lui refusant un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ont été précédemment invoqués dans les mêmes termes devant les juges de première instance, par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes aux points 3 à 8 de son jugement, le requérant ne faisant état devant la cour d'aucun élément distinct de ceux soumis à son appréciation.

14. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de M. A..., qui est manifestement dépourvue de fondement, au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, en application de ces dispositions, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 20MA03820 :

15. La présente ordonnance statuant au fond sur les conclusions de la requête n° 20MA03819, les conclusions de la requête n° 20MA03820 tendant à ce qu'il soit sursis à exécution du jugement sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

16. Enfin, il n'appartient pas au juge d'appel, saisi en application des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative, procédure qui, en application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, relève du juge des référés et comporte des conditions différentes de celles requises par l'article R. 811-17. Par suite, les conclusions présentées à cette fin par M. A... doivent être rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20MA03820 de M. A... tendant à ce qu'il soit sursis à exécution du jugement.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n° 20MA03820 est rejeté.

Article 3 : La requête n° 20MA03819 de M. A... est rejetée.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. E... A....

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Fait à Marseille, le 4 décembre 2020

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N° 20MA03819, 20MA03820


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 20MA03819-20MA03820
Date de la décision : 04/12/2020
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CARLES DE CAUDEMBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-04;20ma03819.20ma03820 ?
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