Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2018 par lequel le maire de la commune de Barrettali a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de régulariser une terrasse en bois existante et de créer une terrasse couverte attenante à la maison individuelle située sur les parcelles cadastrées section OD n°s 26, 27, 28 et 30, lieu-dit " Pietrarita ", ainsi que la décision implicite par laquelle la préfète de Corse a rejeté son recours gracieux formé contre l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France du 10 octobre 2018.
Par un jugement n°1900560 en date du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 2 novembre 2018 du maire de Barrettali, a enjoint au maire de Barrettali de délivrer à M. B... le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, a mis à la charge de la commune de Barrettali une somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 14 septembre 2020, la ministre de la culture demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Bastia du 11 juin 2020 dans ses dispositifs d'annulation et d'injonction.
La ministre soutient que :
- le tribunal s'est mépris sur la portée de l'arrêté en date du 28 décembre 1984 portant inscription sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques de l'église de San Pantaleone dès lors que cet édifice est inscrit en totalité et non uniquement sur sa partie intérieure ;
- une covisibilité existe entre la propriété de M. B... et l'église ;
- l'avis de l'architecte des bâtiments de France, qui était requis par l'article L.632-2- I du code du patrimoine, est fondé au regard de l'atteinte portée par le projet aux abords de l'église.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2020, M. B..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête, à titre principal pour irrecevabilité et à titre subsidiaire comme mal fondée ; Il demande aussi de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le recours de la ministre est tardif ;
- une erreur de droit a été commise dans l'application de l'article L.621-30 du code du patrimoine dès lors que la condition de co-visibilité n'est pas remplie ;
- il n'est pas démontré la publication de l'arrêté de classement du 28 décembre 1984 ni que le signataire disposait d'une délégation de signature ;
- en tout état de cause, l'avis de l'architecte des bâtiments de France est entaché d'une erreur d'appréciation.
Vu :
- la requête d'appel au fond enregistrée sous le n° 20MA03516 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les observations de Me E... pour M. B... confirmant ses écritures et développant le caractère tardif du recours.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n°1900560 en date du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Bastia a annulé, à la demande de M. B..., l'arrêté du 2 novembre 2018 par lequel le maire de Barrettali a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de régulariser une terrasse en bois existante et de créer une terrasse couverte attenante à la maison individuelle, a enjoint au maire de la commune de délivrer à M. B... le permis de construire sollicité, a mis à la charge de la commune de Barrettali une somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties. La ministre de la culture demande sur le fondement des dispositions de l'article R.811-15 du code de justice administrative d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement en tant qu'il prononce l'annulation du refus de permis de construire du 2 novembre 2018 et enjoint au maire de Barrettali de délivrer le permis sollicité.
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir :
Sur les dispositions applicables :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair./ Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17. ". Aux termes de l'article R. 811-15 du même code : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.".
3. Lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et par le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un moyen est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou à confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter.
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. / Le préfet de région adresse notification de la demande dont il est saisi au maire s'il n'est pas l'autorité compétente, et à l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme. / Le délai à l'issue duquel le préfet de région est réputé avoir confirmé la décision de l'autorité compétente en cas de recours du demandeur est de deux mois. / Si le préfet de région infirme le refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme statue à nouveau dans le délai d'un mois suivant la réception de la décision du préfet de région ". Aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " I. - Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords. / La protection au titre des abords a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. II. - La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques. / En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. (...) ". Aux termes de l'article L. 621-32 du même code : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. / Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues aux articles L. 632-2 et L. 632-2-1 ". Aux termes de l'article L. 632-2 de ce code : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. (...) En cas de silence de l'architecte des Bâtiments de France, cet accord est réputé donné. (...) ". Aux termes de l'article R. 423-54 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, l'autorité compétente recueille l'accord (...) de l'architecte des Bâtiments de France ". Aux termes de l'article R. 425-1 du même code, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Lorsque le projet est situé dans les abords des monuments historiques, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-32 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées ".
5. Il résulte notamment de la combinaison des dispositions du code du patrimoine que ne peuvent être délivrés qu'avec l'accord de l'architecte des Bâtiments de France les permis de construire portant sur des immeubles situés, en l'absence de périmètre délimité, à moins de cinq cents mètres d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, s'ils sont visibles à l'oeil nu de cet édifice ou en même temps que lui depuis un lieu normalement accessible au public, y compris lorsque ce lieu est situé en dehors du périmètre de cinq cents mètres entourant l'édifice en cause.
Sur la demande de sursis à exécution :
6. La ministre de la culture soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé le refus de permis de construire du 2 novembre 2018 motif pris que seul le décor intérieur de l'église San Pantaleone avait fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques par arrêté du 28 décembre 1984 et que, ce faisant, s'agissant d'une partie intérieure de l'édifice qui était ainsi inscrite, le projet de M. B... ne saurait porter atteinte à l'élément protégé de cet édifice ni davantage être situé dans son champ de visibilité au sens de l'article L. 621-30 du code du patrimoine. Par suite, la ministre considère que le jugement ne pouvait valablement juger que l'autorisation préalable de l'architecte des bâtiments de France n'était pas légalement nécessaire et que le maire de Barrettali pouvait, sans entacher sa décision d'illégalité, refuser le permis de construire sollicité au motif que l'architecte des bâtiments de France n'avait pas donné son accord à la réalisation du projet.
7. En l'état de l'instruction, le moyen de la ministre paraît sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué. En effet, en appel, l'Etat produit l'arrêté du ministre de la culture du 28 décembre 1984qui indique dans son article 1 : " est inscrite sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, en totalité, l'église San Pantaleone à Barretali, figurant au cadastre, section D, sous le n°505 d'une contenance de 3 a 52 ca et appartenant à la commune ". Cet arrêté ministériel a été signé par M. G... A..., directeur du patrimoine, titulaire d'une délégation de signature par arrêté du ministre de la culture en date du 9 novembre 1983, publié au journal officiel le 13 novembre 1983. En outre, l'inscription de cet immeuble à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques a fait l'objet d'une publication au Journal officiel du 30 mars 1985 sur la liste des immeubles classés parmi les monuments historiques et inscrits sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques au cours de l'année 1984. Ainsi, la décision d'inscription était opposable aux tiers et notamment à M. B... à compter de sa publication.
8. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et en particulier des plans et des photographies que le terrain d'assiette du projet, situé à 380 mètres environ de l'église de San Pantaleone, est visible en même temps que celle-ci selon les exigences précisées au point 5.
9. La demande de permis de construire de M. B... prévoit sur un terrain supportant une maison d'une surface plancher de 109 mètres carrés d'une part la réalisation d'une terrasse adossée à la façade est de l'habitation, couverte d'une treille composée avec du bois massif d'essence locale et reposant sur des murets habillés de pierre et d'autre part la régularisation d'une terrasse existante de 110 mètres carrés en bois composite située en façade sud. L'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France, confirmé par le silence de la préfète de Corse sur le recours exercé par M. B... mentionne que les travaux envisagés en raison de leur nature et de leur proportion trop importante au regard de la construction existante ne sont pas de nature à s'intégrer harmonieusement aux abords du monument historique. Mais, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des plans et photos joints à la demande de permis, que la conception architecturale des travaux, qui demeurent de taille raisonnable sur la propriété de M. B... qui s'étend sur une surface de 1680 mètres carrés, ainsi que les matériaux utilisés pour les réaliser, seraient susceptibles de porter atteinte à l'édifice protégé au titre des monuments historiques qui au surplus ne se trouve pas à proximité immédiate. Par ailleurs et en tout état de cause, les dispositions de la charte architecturale et paysagère élaborée dans le cadre de la communauté de communes du Cap Corse invoquées dans le recours ne font pas parties des dispositions prévues par le code de l'urbanisme opposables aux demandes de permis de construire. Dans ces conditions, l'avis défavorable au projet de M. B... émis par l'architecte des bâtiments de France et confirmé par la préfète de Corse doit être regardé comme entaché d'illégalité. Dès lors, le refus de permis de construire est lui aussi entaché d'illégalité.
10. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la culture n'est pas fondée à demander le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Bastia qui a prononcé l'annulation du refus de permis de construire et enjoint, par des motifs au demeurant non contestés, au maire de Barrettali de délivrer le permis sollicité. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter la demande de M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : Le recours de la ministre de la culture est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la ministre de la culture, à la commune de Barrettali et à M. C... B....
Copie en sera adressée à la préfète de la Corse.
Fait à Marseille, le 4 novembre 2020.
N° 20MA03515 2