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03/07/2020 | FRANCE | N°20MA01222

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 03 juillet 2020, 20MA01222


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de prescrire une expertise aux fins d'évaluer les préjudices qu'elle a subis, à la suite de la chute dont elle a été victime, le 5 décembre 2018, en tombant dans une bouche d'égout alors qu'elle marchait sur le trottoir de la rue de l'Industrie à Béziers.

Par une ordonnance n° 1906938 du 3 mars 2020, il n'a pas été fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregist

rée le 16 mars 2020, Mme E... représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de prescrire une expertise aux fins d'évaluer les préjudices qu'elle a subis, à la suite de la chute dont elle a été victime, le 5 décembre 2018, en tombant dans une bouche d'égout alors qu'elle marchait sur le trottoir de la rue de l'Industrie à Béziers.

Par une ordonnance n° 1906938 du 3 mars 2020, il n'a pas été fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020, Mme E... représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 mars 2020 ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de réserver les dépens.

Elle soutient que l'expertise médicale revêt un caractère utile puisqu'il convient avant d'engager une action en responsabilité envers la personne publique responsable de déterminer de manière précise le préjudice subi par la requérante et d'en évaluer l'étendue ; que les circonstances précises de l'accident sont établies par l'attestation du témoin de sa chute et par l'attestation d'intervention établie par le service départemental d'incendie et de secours du département de l'Hérault.

Par un mémoire, enregistré le 2 juillet 2020, la commune de Béziers, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme E..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que ni la preuve d'un fait générateur susceptible d'engager sa responsabilité, ni la preuve d'un lien de causalité entre ce fait générateur et le préjudice subi ne sont apportés.

La requête a également été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie de l'Hérault, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.

2. Mme E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de prescrire une expertise aux fins d'évaluer les préjudices qu'elle a subis, à la suite de la chute dont elle a été victime le 5 décembre 2018, rue de l'Industrie à Béziers. Par l'ordonnance attaquée du 3 mars 2020, le juge des référés a refusé de faire droit à sa demande, au motif qu'" en l'état de la procédure, l'existence même d'un fait générateur susceptible d'engager la responsabilité du maître de l'ouvrage, sur le fondement du défaut d'entretien normal d'un ouvrage public, ne peut être tenue comme suffisamment probable pour conférer à l'expertise sollicitée une utilité au sens de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ".

3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée de cette personne (cf. CE, 14.02.2017, n° 401514).

4. Par ailleurs, la responsabilité de la personne publique, propriétaire d'un ouvrage public, est engagée de plein droit à l'égard de l'usager victime d'un dommage, sans que l'intéressé ait à établir l'existence d'une faute à la charge de cette personne publique, si le dommage est effectivement imputable à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage et non à l'inattention de la victime à l'égard d'un obstacle ou d'une altération qui n'excédent pas, par leur nature et leur importance, ceux auxquels un usager peut normalement s'attendre, en particulier l'usager piéton d'une voie publique.

5. Mme E... soutient que, le 5 décembre 2018, alors qu'elle marchait sur le trottoir de la rue de l'industrie à Béziers, elle est tombée dans une bouche d'égout dont la plaque s'est ouverte sur son passage. Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, l'attestation d'intervention des sapeurs-pompiers de Béziers, produite par la requérante, témoigne des circonstances de sa " chute dans une bouche d'égout ouverte ". En l'état de l'instruction, aucun élément ne permet d'affirmer que cette attestation se bornerait à faire ainsi état des seules déclarations de l'intéressée, sans qu'elles aient été corroborées par les constatations matérielles opérées par les sapeurs-pompiers qui sont intervenus. Cette attestation précise également le lieu de la chute, " rue de l'industrie, face au magasin BUT " permettant ainsi de déterminer la bouche d'égout en cause. Au surplus, l'attestation établie par une amie de la requérante qui déclare avoir été témoin de l'accident, pour maladroite qu'elle soit dans son expression, corrobore ces circonstances. Ces documents permettent de regarder la matérialité des faits ainsi allégués comme suffisamment établie, au stade d'une procédure de référé visant au prononcé d'une mesure d'expertise.

6. Par ailleurs, les circonstances ainsi décrites, sans qu'il soit besoin, dans le cadre d'une telle procédure, de déterminer plus avant si la bouche d'égout était ouverte ou s'est ouverte au passage de Mme E..., suffisent pour que cette dernière puisse raisonnablement envisager d'engager la responsabilité de la commune de Béziers, sur le fondement d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Béziers n'est pas fondée à soutenir que l'existence d'un fait générateur susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de Mme E..., sur le fondement du défaut d'entretien normal d'un ouvrage public, ne peut être tenue, à ce stade de la procédure, comme suffisamment probable, pour justifier l'utilité d'une mesure d'expertise, au sens de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant au prononcé d'une mesure d'expertise. En conséquence, l'ordonnance du 3 mars 2020 doit être annulée et il y a lieu d'ordonner la mission d'expertise demandée.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de Mme E... qui n'est pas la partie perdante, dans la présente instance.

O R D O N N E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1906938 du 3 mars 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : M. F... C..., demeurant au 124 avenue Georges Clémenceau - Les Conviviales - Béziers (34500), est désigné avec pour mission de :

- se faire communiquer tous les documents médicaux utiles à sa mission, examiner Mme B... E... et décrire son état actuel ;

- préciser dans quelle mesure l'état actuel de Mme E... est imputable aux séquelles de l'accident dont elle a été victime le 5 décembre 2018 ;

- déterminer si l'état de Mme E... est consolidé et, dans l'affirmative, en préciser la date ;

- déterminer, à la date de l'expertise, la durée du déficit fonctionnel temporaire total, le préjudice esthétique, les souffrances physiques et le préjudice d'agrément subis par Mme E..., à la suite de l'accident dont elle a été victime le 5 décembre 2018 ;

- si son état est consolidé, déterminer le déficit fonctionnel permanent partiel, s'il ne l'est pas, déterminer le déficit fonctionnel permanent partiel ;

- préciser si le déficit fonctionnel temporaire ou permanent dont Mme E... est atteinte justifie ou a justifié l'assistance par une tierce personne, et, si oui, selon quel volume horaire.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour administrative d'appel.

Article 4 : L'expertise aura lieu en présence de Mme E..., de la commune de Béziers et de la caisse primaire centrale d'assurance maladie de l'Hérault.

Article 5 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 6 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 7 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 8 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera ces frais et honoraires.

Article 9 : Les conclusions de la commune de Béziers présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 10 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... E..., à la commune de Béziers, à la caisse primaire centrale d'assurance maladie de l'Hérault et à M. C..., expert.

Fait à Marseille, le 3 juillet 2020

N° 20MA012222

LH


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 20MA01222
Date de la décision : 03/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : DHEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-03;20ma01222 ?
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