Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... E... et Mme A... C... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du 22 février 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté leur demande d'admission au séjour, a pris à leur encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1808295 et n° 1808299 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 janvier et 17 mars 2020, M. E..., représenté par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 avril 2019 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français du 7 février 2018 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches du Rhône de lui délivrer, dans un délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué par la Cour sur le recours au fond ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables, la décision d'obligation de quitter le territoire pouvant être exécuté à tout moment ce qui aurait pour conséquence une interruption prolongée des soins dont bénéficie en France son fils atteint d'un syndrome autistique sévère.
- il fait état de moyens sérieux d'annulation en l'état de l'instruction en ce que la décision de refus d'admission dont il excipe de l'illégalité a été prise en méconnaissance des articles R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation concernant l'accessibilité des soins en Algérie, viole les stipulations de l'article 6 alinéa 1-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et en ce que l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et en ce que le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est également insuffisant motivé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'exécution du jugement ne risque pas d'avoir des conséquences difficilement réparables dans la mesure où le requérant n'a jamais bénéficié d'un titre de séjour, où il n'est pas question pour l'administration de mettre à exécution d'office cette obligatoire de quitter le territoire, où la décision n'est bientôt plus exécutoire puisqu'elle est devenue définitive par le jugement du tribunal du 2 avril 2019 et où enfin le fils de M. E... peut tout à fait être pris en charge en Algérie ;
- les moyens soulevés par le requérant ne paraissent pas sérieux en l'état de l'instruction.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2019.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 janvier et 17 mars 2020, Mme E..., représenté par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 avril 2019 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français du 7 février 2018 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches du Rhône de lui délivrer, dans un délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué par la cour sur le recours au fond ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables, la décision d'obligation de quitter le territoire pouvant être exécuté à tout moment ce qui aurait pour conséquence une interruption prolongée des soins dont bénéficie en France son fils atteint d'un syndrome autistique sévère ;
- elle fait état de moyens sérieux d'annulation en l'état de l'instruction en ce que la décision de refus d'admission dont il excipe de l'illégalité a été prise en méconnaissance des articles R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation concernant l'accessibilité des soins en Algérie, viole les stipulations de l'article 6 alinéa 1-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et en ce que l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et en ce que le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est également insuffisant motivé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'exécution du jugement ne risque pas d'avoir des conséquences difficilement réparables dans la mesure où la requérante n'a jamais bénéficié d'un titre de séjour, où il n'est pas question pour l'administration de mettre à exécution d'office cette obligatoire de quitter le territoire, où la décision n'est bientôt plus exécutoire puisqu'elle est devenue définitive par le jugement du tribunal du 2 avril 2019 et où enfin le fils de Mme E... peut tout à fait être pris en charge en Algérie ;
- les moyens soulevés par la requérante ne paraissent pas sérieux en l'état de l'instruction.
Mme E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2019.
La présidente de la Cour a désigné par décision du 16 janvier 2020, Mme B..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 9ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Vu :
- les requêtes n° 20MA00031 et 20MA00032 enregistrées au greffe de la Cour le 6 janvier 2020 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- les ordonnances n° 2020-305 et n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été informées de ce que, sur le fondement de l'article 10 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, aucune audience ne se tiendrait et de ce que la clôture de l'instruction serait fixée le 24 avril à 12 heures.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes présentées par M. et Mme E... sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par la même décision.
2. Par deux arrêtés du 22 février 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté les demandes d'admission au séjour en qualité de parent d'un enfant malade de M. et Mme E..., ressortissants algériens, a pris à leur encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Ceux-ci qui ont fait appel de ce jugement, demandent à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision du premier juge en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français du 7 février 2018
Sur les conclusions à fin de sursis :
3. Aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative, " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par le juge d'appel dans les conditions prévues par le présent titre ". L'article R. 811-17 de ce code prévoit que " le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ". Et aux termes de l'article 10 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " Par dérogation à l'article R. 222-25 du code de justice administrative, le président de la cour ou le président de chambre peut statuer sans audience publique sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 du même code. ".
4. En premier lieu, le jugement du 2 avril 2019 a pour effet de mettre fin au caractère suspensif du recours exercé devant le tribunal à l'encontre des obligations de quitter le territoire en litige. Or, il ressort des pièces du dossier que le fils des requérants, né en 2010, est atteint d'un syndrome autistique d'une intensité sévère pour lequel il bénéficie depuis 2017 d'un traitement médicamenteux et d'une prise en charge multidisciplinaire très spécifique et adaptée à sa situation grâce auxquels il a accompli d'importants progrès alors que, d'une part, l'un des médicaments et son générique prescrit à cet enfant n'est pas disponible en Algérie et que, d'autre part, il n'est pas établi que la prise en charge de son handicap serait possible en Algérie dans des conditions équivalentes avec des perspectives de progrès comparables. Dans ces conditions, l'éloignement de M. et Mme E... vers leur pays d'origine risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.
5. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant invoqué tant par voie d'action que par voie d'exception parait sérieux en l'état de l'instruction.
6. Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du tribunal en tant qu'il a rejeté les demandes de M. et Mme E... d'annulation de l'obligation de quitter le territoire dont ils ont fait l'objet.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. La présente ordonnance implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à M. et Mme E... une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué sur leurs requêtes au fond. Il y a lieu, en conséquence, de prescrire au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer aux intéressés lesdites autorisations dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance.
Sur les frais liés au litige :
8. M. et Mme E... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur conseil, Me F..., peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a ainsi lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens, sous réserve de renonciation à la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
ORDONNE :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les appels de M. et Mme E... contre le jugement du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Marseille, il sera sursis à l'exécution de ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs demandes d'annulation de l'obligation de quitter le territoire dont ils ont fait l'objet.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. et Mme E..., dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance, une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué sur leurs requêtes au fond.
Article 3 : L'Etat versera à Me F... une somme de 1 500 euros, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme E... et à Me F..., dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ainsi qu'au préfet des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'intérieur.
Fait à Marseille, le 27 avril 2020.
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N° 20MA00037 ; 20MA00039