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15/04/2020 | FRANCE | N°20MA01191

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 15 avril 2020, 20MA01191


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Uniparc Cannes a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire une expertise aux fins notamment d'évaluer le préjudice qu'elle a subi, en raison de la résiliation anticipée du contrat de délégation de service public conclu le 31 mars 1995 avec la commune de Cannes, pour l'exploitation des parcs de stationnement Suquet-Forville, Lamy, Ferrage, Palais, Croisette, République et Vauban.

Par une ordonnance n° 1905227 du 24 février 2020, il a été fait droit

à cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Uniparc Cannes a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire une expertise aux fins notamment d'évaluer le préjudice qu'elle a subi, en raison de la résiliation anticipée du contrat de délégation de service public conclu le 31 mars 1995 avec la commune de Cannes, pour l'exploitation des parcs de stationnement Suquet-Forville, Lamy, Ferrage, Palais, Croisette, République et Vauban.

Par une ordonnance n° 1905227 du 24 février 2020, il a été fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 et 13 mars 2020, la commune de Cannes, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 24 février 2020;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de première instance de la société Uniparc Cannes ;

3°) de mettre à la charge de la société Uniparc Cannes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le juge des référés a commis une erreur de droit en prescrivant une mesure d'expertise alors que deux requêtes déposées par la société Uniparc Cannes sont pendantes au fond, l'une indemnitaire, l'autre en reprise des relations contractuelles, seul le juge du fond ayant compétence pour ordonner, s'il l'estime utile, une telle mesure ; que la mission confiée à l'expert va ainsi nécessairement l'amener à se prononcer sur des questions de droit, ce qu'il ne lui appartient pas de faire, les différents postes de préjudice invoqués étant sérieusement contestables et nécessitant d'apprécier la justification de la mesure de résiliation ; que l'utilité de la mesure d'expertise n'est pas établie, à ce stade, s'agissant du manque à gagner allégué ainsi que des frais annexes, rien ne permettant de penser que ces chefs de préjudice sont susceptibles de prospérer ; qu'enfin, l'ordonnance attaquée ne fait aucunement mention de l'expertise déjà ordonnée et actuellement en cours sur l'état des ouvrages alors que les conclusions de cette expertise auront nécessairement un impact sur l'ampleur du préjudice allégué par la société Uniparc Cannes.

La requête a également été communiquée à la société Uniparc Cannes et à la société Interparking France, qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.

2. Par l'ordonnance attaquée du 24 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a, la demande de la société Uniparc Cannes, ordonné une expertise aux fins d'évaluer son préjudice consécutif à la résiliation anticipée du contrat de délégation de service public conclu le 31 mars 1995 avec la commune de Cannes, pour l'exploitation des parcs de stationnement Suquet-Forville, Lamy, Ferrage, Palais, Croisette, République et Vauban.

3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. Il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée de cette personne (cf. CE, 14.02.2017, n° 401514).

4. En premier lieu, il résulte de l'article R. 625-1 du code de justice administrative qu'il peut être fait application des dispositions de l'article R. 532-1 du même code, alors même qu'une requête au fond est en cours d'instruction. Par suite, la commune requérante ne peut utilement soutenir que le juge des référés ne pouvait ordonner une expertise, au seul motif qu'étaient pendantes devant le juge du fond deux requêtes introduites par la société Uniparc France, l'une tendant à la condamnation de la commune au versement d'une indemnité, l'autre tendant à la reprise des relations contractuelles.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance attaquée, il appartient à l'expert " d'apporter tous éléments techniques et/ou comptables et de fait permettant de déterminer ledit préjudice, notamment au titre des actifs non-amortis, le cas échéant du manque à gagner, des indemnités pour résiliation anticipée des contrats de prestataires, des services fournis ainsi que de l'ensemble des frais engagés dans le cadre de la résiliation précitée ". Il est ainsi demandé à l'expert d'évaluer notamment l'éventuel manque à gagner qu'aurait subi la société Uniparc France du fait de la résiliation du contrat de concession qu'elle avait conclu ainsi que les frais qu'elle a engagés, à cette occasion. L'évaluation comptable de ces chefs de préjudice ne doit conduire l'expert ni à apprécier la réalité ou le fondement d'une obligation de la commune pour indemniser ces chefs de préjudice, ni à se prononcer sur leur caractère effectivement indemnisable, questions qui relèvent exclusivement de l'appréciation des juges du fond. Ainsi, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que la mission ainsi confiée à l'expert lui impose de se prononcer sur des questions de droit.

6. Ces préjudices n'apparaissant pas manifestement insusceptibles d'être invoqués dans le cadre de l'action introduite par la société Uniparc Cannes à l'encontre la commune, celle-ci n'est pas davantage fondée à soutenir que la contestation qui porte sur le principe même de leur caractère indemnisable ôte à la mesure d'expertise ordonnée le caractère d'utilité requis l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

7. Enfin, si l'expertise prescrite par l'ordonnance n° 1901357 et 1901490 du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 2 juillet 2019, portant sur l'état d'entretien des parkings souterrains, ouvrages et équipements annexes, objets de la convention de délégation de service public, est susceptible d'avoir une influence sur l'évaluation comptable des chefs de préjudice invoqués par la société Uniparc Cannes, il appartiendra aux parties d'en faire état auprès de l'expert désigné par l'ordonnance présentement attaquée, sans qu'il puisse être fait grief à celle-ci d'avoir omis de le préciser.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Cannes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a prescrit la mesure d'expertise demandée par la société Uniparc Cannes.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Uniparc Cannes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la commune de Cannes est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Cannes, à la société Uniparc Cannes, à la société Interparking France et à Mme B... A..., experte.

Fait à Marseille, le 15 avril 2020

N° 20MA011912

LH


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 20MA01191
Date de la décision : 15/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN et THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-04-15;20ma01191 ?
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