La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2020 | FRANCE | N°19MA04660

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 23 mars 2020, 19MA04660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Le Brusquet a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la Société Générale d'Assainissement et de Distribution (SGAD) à lui verser une provision de 225 251,13 euros toutes taxes comprises, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, à valoir la réparation des conséquences dommageables de désordres affectant sa sta

tion d'épuration.

Par une ordonnance n° 1807684 du 11 octobre 2019, le juge d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Le Brusquet a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la Société Générale d'Assainissement et de Distribution (SGAD) à lui verser une provision de 225 251,13 euros toutes taxes comprises, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, à valoir la réparation des conséquences dommageables de désordres affectant sa station d'épuration.

Par une ordonnance n° 1807684 du 11 octobre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 octobre 2019, la commune de Le Brusquet, représentée par Me A..., demande au juge des référés de la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 11 octobre 2019 ;

2°) de condamner la société SGAD à lui verser une provision de 225 251,13 euros toutes taxes comprises, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, à valoir la réparation des conséquences dommageables de désordres affectant sa station d'épuration ;

3°) de mettre à la charge de cette société la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle est fondée à se prévaloir, à l'encontre de la société SGAD, d'une obligation non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, dès lors que :

- les désordres constatés, affectant les bassins des lits de roseaux, les bassins d'affinage ou de finition, le prétraitement, le lit bactérien initial, le nouveau lit bactérien, le bassin d'orage, le dispositif de rejets au ruisseau, les alimentations électriques, les postes enterrés, le local technique, la passerelle enjambant le ruisseau, la boulonnerie des raccords, la protection des canalisations, enterrées, rendent l'ouvrage impropre à sa destination et sont donc de nature décennale ;

- ces désordres sont imputables à la société SGAD et n'étaient pas visibles lors de la réception ;

- elle prétend ainsi valablement au paiement des sommes de 81 467,04 euros au titre des travaux supplémentaires rendus nécessaires par les insuffisances du marché de la société SGAD, de 83 814,87 euros au titre de facturations complémentaires générées par les travaux, de 11 182,60 euros au titre de surcoûts résultants de demandes formulées par la direction départementale des territoires, de 17 478,76 euros au titre de travaux nécessaires pour permettre l'exploitation courante de la station d'épuration, enfin de 31 307,86 euros au titre des frais d'expertise.

La requête a été communiquée à la société SGAD, qui en a accusé réception le 8 novembre 2019 et n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du 1er septembre 2019 par laquelle la présidente de la Cour administrative d'appel de Marseille a désigné M. David Zupan, président de la sixième chambre, pour juger les appels formés contre les décisions rendues par les juges des référés des tribunaux du ressort.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement signé le 16 août 2010, la commune de Le Brusquet a confié à la Société Générale d'Assainissement et de Distribution (SGAD) la réalisation des travaux d'extension de sa station d'épuration, sous la maîtrise d'oeuvre de la société Bureau d'Etude Méditerranéen pour l'Eau et l'Assainissement (BEMEA). La société SGAD a sous-traité à la société Nouvelle Gardiol le montage des équipements, à la société Etablissement Fornes les travaux portant sur la rampe d'alimentation, la martelière, le batardeau, la couverture en caillebotis et la canalisation inox, et à la société EM Electricité l'étude, la fourniture, la pose et le raccordement de l'armoire électrique. La réception des travaux a été prononcée le 14 janvier 2013 avec diverses réserves qui ont été levées par décision du maître de l'ouvrage du 30 mai 2013. Se plaignant de dysfonctionnements récurrents de la station d'épuration, la commune de Le Brusquet, après avoir obtenu la désignation d'un expert, a engagé à l'encontre de la société SGAD une action en référé tendant au paiement d'une provision de 225 251,13 euros toutes taxes comprises à valoir la réparation des conséquences dommageables des désordres constatés. Elle relève appel de l'ordonnance, en date du 11 octobre 2019, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.

3. En vertu des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs les désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans et sous réserve que les vices à l'origine de ces désordres n'aient pas été apparents à la réception ou que la conséquence et la gravité des vices apparents n'aient pas été décelables au moment de la réception.

4. En premier lieu, la commune de Le Brusquet réclame le versement d'indemnités, d'une part, de 81 467,04 euros en remboursement de travaux supplémentaires rendus nécessaires par l'insuffisance des spécifications initiales du marché de la société SGAD et objets d'un avenant, d'autre part, de 83 814,87 euros au titre de diverses " facturations complémentaires générées par les travaux ". Les prestations supplémentaires dont la commune a ainsi dû supporter la charge correspondent, selon l'expert, à des modifications apportées à l'ouvrage au fur et à mesure de sa construction en raison de sérieuses lacunes dans sa conception initiale. Ainsi, à supposer même que ces dépenses excèdent le montant de celles qui étaient de toute façon nécessaires pour permettre la livraison d'installations conformes aux attentes du maître de l'ouvrage, elles correspondent à des défaillances décelées avant la réception de la station d'épuration et ne peuvent dès lors entrer, en tout état de cause, dans le champ de la garantie décennale des constructeurs.

5. De même, en deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les dépenses correspondant aux études et travaux nécessaires pour adapter la réalisation de l'ouvrage aux préconisations de la direction départementale des territoires des Alpes de Haute-Provence, visant notamment à préserver le lit d'un ruisseau durant le chantier et à prévoir une phase provisoire d'alimentation du lit bactérien depuis le dégrilleur, ont toutes été exposées au cours de l'année 2011 et ne peuvent donc correspondre à la reprise de désordres apparus postérieurement à la réception. La commune de Le Brusquet ne saurait donc prétendre, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, au paiement de l'indemnité de 11 182,60 euros réclamée à ce titre.

6. En troisième lieu, la commune du Brusquet réclame une indemnité d'un montant total de 17 478,76 euros en remboursement du coût de divers " travaux nécessaires pour permettre l'exploitation courante de la station d'épuration ", en l'occurrence le remplacement de vannes enterrées, la pose de nouvelles vannes, la fourniture d'un modem analogique avec installation d'un nouveau logiciel, le remplacement de la pompe de recirculation, le remplacement du groupe électrogène, des interventions sur le dispositif d'aspersion et son motoréducteur, la réinitialisation du poste de télégestion " suite aux perturbations atmosphériques ", le remplacement du télérupteur du poste de relevage, ou encore le nettoyage de la vis sans fin du dégrilleur. Si ces dépenses ont été engagées postérieurement à la réception de l'ouvrage, la commune, en se bornant à produire les factures y afférentes, ne démontre pas que les dysfonctionnements auxquelles elles ont permis de remédier étaient de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination, sans pouvoir relever d'opérations normales d'entretien et de maintenance de cette installation. Le rapport d'expertise, il est vrai, énumère une partie de ces mêmes dépenses et souligne la vétusté prématurée de certains dispositifs, en particulier l'asperseur et le système de rotation mécanisé de distribution du flux, mais indique que la cause en était connue depuis 2012, donc avant la réception. L'expert rappelle ainsi que la direction départementale des territoires avait alerté à de multiples reprises la commune et le maître d'oeuvre sur l'intrusion chronique d'eaux claires parasites, occasionnant son vieillissement prématuré du fait, notamment, d'une surcharge hydraulique, de l'apport de matériaux dans le dégrilleur et de la nécessité de faire fonctionner en permanence les équipements motorisés. Dans ces conditions, l'existence, sur ce point, d'une obligation incombant à la société SGAD au titre de la garantie décennale des constructeurs ne peut être regardée, en l'état de l'instruction, comme non sérieusement contestable au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.

7. Enfin, la commune de Le Brusquet n'étant pas fondée, par les moyens qu'elle invoque, à rechercher la responsabilité décennale de la société SGAD, les frais d'expertise, taxés et liquidées par le président du tribunal administratif de Marseille à la somme de 31 307,86 euros, doivent être maintenus à sa charge.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Le Brusquet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de provision. Sa requête d'appel dit en conséquence être rejetée, y compris ses conclusions accessoires présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la commune de Le Brusquet est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Le Brusquet et à la société SGAD.

Fait à Marseille, le 23 mars 2020.

3

N° 19MA04460


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 19MA04660
Date de la décision : 23/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : BEAUVILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-23;19ma04660 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award