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17/01/2020 | FRANCE | N°19MA04067

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 17 janvier 2020, 19MA04067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affectations iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 150 000 euros.

Par une ordonnance n° 1900873 du 20 août 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... la somme de 30 00

0 euros à titre de provision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête n° 19MA04...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affectations iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 150 000 euros.

Par une ordonnance n° 1900873 du 20 août 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... la somme de 30 000 euros à titre de provision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête n° 19MA04067, enregistrée le 28 août 2019, l'ONIAM, représenté par Me Fitoussi, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 20 août 2019 ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nîmes.

Il soutient que :

- l'imputabilité de la contamination de Mme C... par le virus de l'hépatite C aux transfusions sanguines effectuées en 1986 n'est pas établie, la requérante ayant pu contracter le virus lors des interventions chirurgicales qu'elle a subies par le passé, ou lors de la réalisation de ses tatouages au début des années quatre-vingt ;

- elle a bénéficié en 2009 d'un traitement pour soigner son hépatite C, dont elle a guéri au plus tard en 2010. Il n'est pas établi que la cirrhose du foie soit imputable à sa contamination par le virus de l'hépatite C, les pièces du dossier ne faisant état que de l'apparition d'un carcinome hépatocellulaire à compter du mois d'août 2016, sans mentionner de traitement pour une cirrhose de 2010 à 2016. En outre, l'état de santé de Mme C... présente des facteurs de risque de développer un carcinome hépatocellulaire, tels qu'un surpoids important et un diabète insulino-dépendant ;

- une expertise est nécessaire pour établir que l'obligation de l'ONIAM n'est pas sérieusement contestable.

Par une lettre, enregistrée le 25 septembre 2019, Mme B... C..., Mme A... C... et M. F... C... déclarent reprendre l'instance engagée par Mme D... C..., aujourd'hui décédée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2019, Mmes B... et A... C..., et M. F... C..., représentés par Me El Mabrouk, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Alfonsi, président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ".

2. L'ONIAM relève appel de l'ordonnance du 20 août 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes l'a condamné à verser à Mme C... une provision de 30 000 euros en réparation des préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C et de la cirrhose du foie dont elle a été victime après une transfusion sanguine réalisée le 22 avril 1986, outre une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

3. Aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa. / Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination. S'agissant des contaminations par le virus de l'hépatite C, cette recherche est réalisée notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Il procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. (...) ".

4. Et aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. (...) ".

5. La présomption prévue par les dispositions précitées de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte-tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance.

6. Il est constant que Mme C... a subi des transfusions sanguines le 22 avril 1986 au cours de son hospitalisation au centre hospitalier d'Avignon pour une complication de grossesse.

7. Il résulte de l'instruction que l'enquête transfusionnelle réalisée par l'Etablissement français du sang, dont les résultats ont été adressés à l'ONIAM le 27 juin 2018, n'a pas permis de retrouver les deux donneurs à l'origine des produits sanguins labiles qui ont été administrés à Mme C... le 22 avril 1986. Dès lors que l'innocuité de ces produits sanguins n'a pu être établie, c'est à bon droit que le premier juge, après avoir à juste titre écarté comme insuffisamment plausible l'hypothèse selon laquelle la contamination de Mme C... par le virus de l'hépatite C pourrait résulter d'autres causes et, en particulier, de ses antécédents médicaux et chirurgicaux ou des tatouages qu'elle s'est fait faire avant 1982, a retenu que l'origine transfusionnelle de cette contamination présentait un degré suffisamment élevé de vraisemblance.

8. Il résulte également de l'instruction, notamment du certificat du docteur E... du 23 mai 2018, que, contrairement à que soutient l'ONIAM, Mme C... était atteinte de cirrhose dès l'année 2009. Les documents médicaux établis lors de l'hépatectomie de Mme C... indiquent en outre que sa cirrhose est une complication de sa contamination par le virus de l'hépatite C. Il y a lieu, dans ces conditions, d'admettre que la cirrhose dont a souffert M. C... résulte, avec un degré suffisamment élevé de vraisemblance, de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

9. Eu égard à ce qui vient d'être dit, c'est à juste titre que le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a retenu que tant la contamination de Mme C... par le virus de l'hépatite C que la cirrhose du foie dont elle a été atteinte, sont imputables aux transfusions sanguines qu'elle a subies le 22 juillet 1986.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'existence de l'obligation de l'ONIAM à l'égard de Mme C... présente un caractère non sérieusement contestable au sens des dispositions de l'article R.541-1 du code de justice administrative. L'office requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, qui n'a pas fait une évaluation exagérée des préjudices qui ont résulté de ces pathologies, l'a condamné à verser une provision de 30 000 euros à Mme C....

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les consorts C... et non compris dans les dépens.

ORDONNE

Article 1er : La requête de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est rejetée.

Article 2 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera aux consorts C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme B... C..., à Mme A... C... et à M. F... C....

Fait à Marseille, le 17 janvier 2020.

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N°19MA04067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 19MA04067
Date de la décision : 17/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : EL MABROUK

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-01-17;19ma04067 ?
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