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04/11/2019 | FRANCE | N°19MA02222

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 04 novembre 2019, 19MA02222


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Enedis a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté n° AR_05_2017 du 2 juin 2017 par lequel le maire de la commune de Gabriac a réglementé le déploiement des compteurs de type " Linky " sur le territoire de la commune et d'annuler la décision du maire de la commune de Gabriac rejetant implicitement le recours gracieux formé le 1er août 2017 contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1703150 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du

maire de Gabriac du 2 juin 2017 ainsi que la décision implicite de rejet du recours grac...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Enedis a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté n° AR_05_2017 du 2 juin 2017 par lequel le maire de la commune de Gabriac a réglementé le déploiement des compteurs de type " Linky " sur le territoire de la commune et d'annuler la décision du maire de la commune de Gabriac rejetant implicitement le recours gracieux formé le 1er août 2017 contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1703150 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du maire de Gabriac du 2 juin 2017 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2019, la commune de Gabriac, représentée par son maire en exercice, et ayant pour conseil Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 mars 2019 ;

2°) de rejeter les demandes de la société Enedis ;

3°) de mettre à la charge de la société Enedis une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

1/ à titre principal :

- la requête de première instance est irrecevable pour absence de qualité à agir de la société Enedis ;

- la société Enedis n'a pas produit ses statuts ;

2/ à titre subsidiaire :

Sur l'arrêté du 2 juin 2017 pris par le maire de la commune de Gabriac :

- les dispositions de l'article L. 2122-27 du code général des collectivités territoriales n'ont pas été correctement appliquées ;

- les autres moyens soulevés en première instance par la société Enedis tirés de l'incompétence du maire au titre du code de l'énergie et du code général des collectivités territoriales ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la société Enedis le 22 mai 2019, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la décision n°426060 du 11 juillet 2019 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n° AR_05_2017 du 2 juin 2017, le maire de la commune de Gabriac a règlementé le déploiement des compteurs de type " Linky " sur le territoire de la commune. Le recours gracieux formé le 1er aout 2017 par la société Enedis a été rejeté implicitement par le maire. La commune de Gabriac relève appel du jugement du 19 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du maire de Gabriac du 2 juin 2017 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté.

2. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les premiers vice-présidents (...) des cours, (...) peuvent, par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ".

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Les juges de première instance ont répondu au moyen tiré du défaut de la qualité à agir de la société Enedis aux points 6 à 8 de leur jugement. Les mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative ont qualité, devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, pour représenter les parties et signer en leur nom les requêtes et les mémoires sans avoir à justifier du mandat par lequel ils ont été saisis par leur client. Par ailleurs, s'il appartient à la Cour ou au tribunal administratif de s'assurer que le représentant d'une personne morale justifie de sa qualité pour introduire une requête, une telle vérification n'est toutefois pas normalement nécessaire lorsque la personne morale requérante est dotée, par des dispositions législatives ou réglementaires, de représentants légaux ayant de plein droit qualité pour agir en justice en son nom. En vertu des articles L. 225-64 et L. 225-66 du code de commerce, applicables aux sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance, le directoire est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et le président du directoire ou, le cas échéant, le directeur général unique, voire les directeurs généraux, représentent la société dans ses rapports avec les tiers. Il en résulte que ces personnes ont de plein droit qualité pour agir en justice au nom de la société, laquelle avait en l'espèce un intérêt pour agir.

4. Le directeur Nord Midi-Pyrénées de la société Enedis, M. D... a donné délégation, par décision du 1er juin 2017, pour agir en justice devant toutes juridictions, tant en demande qu'en défense, et pour représenter la société Enedis, à M. B... C..., adjoint au directeur. Cette compétence pour agir en justice devant être regardée comme lui donnant nécessairement compétence pour introduire un recours administratif préalable au recours juridictionnel. Par ailleurs et comme relevé à juste titre par le tribunal, si la commune soutient qu'il n'est pas justifié de la validité de la délégation de pouvoir consentie, elle ne justifie pas davantage en appel d'élément de nature à établir une éventuelle irrégularité de cette délégation qui est de surcroît sans incidence sur l'organisation du service public dont elle a la charge. Par suite, c'est à bon droit que les juges de première instance ont écarté ce moyen tiré de l'incompétence de M. C... et, par voie de conséquence, la prétendue tardiveté de la requête.

Sur l'arrêté du 2 juin 2017 pris par le maire de la commune de Gabriac :

5. Aux termes de l'article L. 2122-7 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : " Le maire est chargé, sous l'autorité du représentant de l'Etat dans le département : / 1° De la publication et de l'exécution des lois et règlements ; / 2° De l'exécution des mesures de sûreté générale (...) ".

6. Comme en première instance, la commune de Gabriac soutient que l'arrêté attaqué a été pris uniquement dans le but d'assurer l'exécution de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans le cadre de la délibération n° 2012-404 du 15 novembre 2012 de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) portant recommandation relative aux traitements des données de consommation détaillées collectées par les compteurs communicants, du pack de conformité sur les compteurs communicants établi sous l'égide de la CNIL en mai 2014 et de la communication effectuée par la CNIL le 30 novembre 2015 sur la conservation de la courbe de charge à l'intérieur du compteur communicant. Mais ainsi que l'a rappelé le tribunal, tant la délibération du 15 novembre 2012 que le pack de conformité et la communication du 30 novembre 2015 sont dépourvus de force contraignante et en outre les prescriptions de l'arrêté en litige dépassent le simple rappel des recommandations de la CNIL qui préconise seulement que l'information soit transmise à l'usager par le biais de son contrat d'abonnement et d'une plaquette informative, mais ne prévoit nullement de vérifier au préalable le consentement des usagers à l'installation des compteurs. De plus, la commune de Gabriac ne démontre pas davantage en appel que l'utilisation des informations collectées par les compteurs communicants s'effectuerait dans des conditions contraires à la loi du 6 janvier 1978, ou aux recommandations de la CNIL, et serait ainsi de nature à porter atteinte à la vie privée ou aux libertés individuelles des habitants de la commune. C'est donc à bon droit que le tribunal a annulé l'arrêté en litige.

7. Au surplus et ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans la décision n° 426060 en date du 11 juillet 2019, il résulte des articles L. 111-52, L. 322-8 et L. 341-4 du code de l'énergie que le législateur a prévu que les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en oeuvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents selon les périodes de l'année ou de la journée et incitant les consommateurs à limiter leur consommation pendant les périodes de forte consommation. La loi a imposé à cette fin aux gestionnaires de réseaux publics de mettre à la disposition des consommateurs leurs données de comptage, des systèmes d'alerte de consommation et des éléments de comparaison sur les consommations. Il appartient, dans ce cadre, au Premier ministre de fixer par décret les modalités de mise à disposition des données devant être recueillies par les compteurs électriques communicants, lesquels permettent de disposer et de transmettre les données nécessaires. Le ministre chargé de l'industrie a été chargé, avec la Commission de régulation de l'énergie, de déterminer les fonctionnalités et spécifications de ces compteurs. Ces compteurs sont, par ailleurs, soumis aux dispositions de l'article R. 323-28 du code de l'énergie. Ils sont également soumis au décret n° 2015-1084 du 27 août 2015, qui transpose en droit interne les objectifs de la directive 2014/30/UE du 26 février 2014.

8. Il appartient ainsi aux autorités de l'Etat de veiller, pour l'ensemble du territoire national, non seulement au fonctionnement optimal du dispositif de comptage au vu notamment des exigences d'interopérabilité mais aussi à la protection de la santé publique par la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques, en mettant en oeuvre des capacités d'expertise et des garanties techniques indisponibles au plan local. Dans ces conditions, si les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait adopter sur le territoire de la commune des décisions portant sur l'installation de compteurs électriques communicants.

9. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de la commune de Gabriac est manifestement dépourvue de fondement et doit être rejetée, en application des dispositions précitées, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la commune de Gabriac est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Gabriac et à la société Enedis.

Copie en sera adressée au préfet de la Lozère.

Fait à Marseille, le 4 novembre 2019.

2

N° 19MA02222


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 19MA02222
Date de la décision : 04/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : BRAS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-11-04;19ma02222 ?
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