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20/03/2019 | FRANCE | N°18MA05392

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 20 mars 2019, 18MA05392


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...F...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire une expertise médicale aux fins de déterminer les causes du décès de son épouse, MmeE... H..., survenu le 14 juillet 2016 au centre hospitalier de Cannes.

Par une ordonnance n° 1802596 du 12 décembre 2018, il n'a pas été fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, M. C...F..., agissant en son nom propre et au nom de son fils mineu

rD..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 12 décembre 2018...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...F...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire une expertise médicale aux fins de déterminer les causes du décès de son épouse, MmeE... H..., survenu le 14 juillet 2016 au centre hospitalier de Cannes.

Par une ordonnance n° 1802596 du 12 décembre 2018, il n'a pas été fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, M. C...F..., agissant en son nom propre et au nom de son fils mineurD..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 12 décembre 2018 ;

2°) de faire droit à sa demande présentée devant le juge des référés.

Il soutient que la proximité du décès de MmeE... H... par rapport à la réalisation d'une césarienne sous anesthésie générale et sa sortie de la maternité interrogent sur les causes réelles du décès ; le compte rendu de sa prise en charge le 1er juillet 2016 présente également des incohérences ; l'opportunité de son transfert en psychiatrie pose également question.

Par un mémoire, enregistré le 8 janvier 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me G..., indique ne pas s'opposer à l'organisation d'une mesure d'expertise et demande que la mission de l'expert soit complétée.

Par un mémoire, enregistré le 10 janvier 2019, le centre hospitalier de Cannes, représenté par Me I..., indique ne pas s'opposer à l'organisation d'une mesure d'expertise.

Il relève, toutefois, que la dégradation de l'état de santé de MmeE... H... n'est pas liée aux conditions de son accouchement.

M. F...a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.

2. M. C...F..., agissant tant en son nom propre qu'au nom de son fils mineur, D...F..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire une expertise médicale en vue de déterminer les causes du décès de son épouse, MmeE... H..., survenu le 14 juillet 2016 au centre hospitalier de Cannes, après qu'elle ait été successivement prise en charge pour un accouchement sous césarienne, le 28 juin précédent, puis, à compter du 30 juin, par le service psychiatrique en raison de son état psychotique, puis, à compter du 1er juillet, par le service de réanimation et ait subi une laparatomie justifiant une résection d'une partie du colon, le 3 juillet, puis, en raison d'une défaillance multiviscérale, une colectomie totale ainsi qu'une amputation du pied gauche le 7 juillet. Par l'ordonnance attaquée du 8 juin 2018, le juge des référés a rejeté sa demande au motif que le requérant n'avait apporté aucun commencement de preuve d'un lien entre le décès de son épouse et sa prise en charge au centre hospitalier de Cannes.

3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher (cf. CE, 14.02.2017, n° 401514).

4. Quand bien même le requérant ne peut faire état d'aucun indice sérieux propre à suspecter la commission par le centre hospitalier de Cannes d'une faute ayant pu contribuer au décès de son épouse et alors que ni le centre hospitalier, ni l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des infections nosocomiales (ONIAM) ne s'y opposent, la mesure d'expertise demandée qui porte sur le décès d'une femme âgée de 24 ans, provoqué par les conséquences d'une défaillance multiviscérale consécutive à un choc septique, survenue après un accouchement par césarienne, présente avec évidence le caractère d'utilité exigé par l'article R. 532-1 du code de justice administrative, dès lors qu'elle permettra, en tout état de cause, aux ayants droit de la victime de comprendre, en l'état des connaissances médicales, les causes de ce décès inattendu, en dépit des antécédents pathogènes de l'intéressée, et, selon les conclusions de l'expert, de rechercher la responsabilité du centre hospitalier de Cannes, si des éléments permettant de suspecter une faute sont révélés, ou une indemnisation de la part de l'ONIAM si la survenance d'un aléa thérapeutique au sens du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ou d'une infection nosocomiale au sens de l'article L. 1142-1-1 du même code est attestée.

5. Il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande. En conséquence, l'ordonnance du 12 décembre 2018 doit être annulée et il y a lieu d'ordonner la mission d'expertise demandée.

O R D O N N E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1802596 du 12 décembre 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.

Article 2 : M. B...J..., demeurant..., est désigné avec pour mission de :

- se faire communiquer tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins et aux diagnostics pratiqués sur MmeE... H..., entre le 28 juin 2016, date de son accouchement par césarienne, et le 14 juillet 2016, date de son décès ; se faire également remettre tout document relatif à l'organisation de la lutte contre les infections nosocomiales, les comptes rendus du CLIN, l'ensemble des protocoles d'hygiène applicables à l'acte litigieux, les résultats des enquêtes épidémiologiques effectuées, et, si nécessaire, les résultats des analyses environnementales ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ; procéder à l'examen sur pièces de son dossier médical ;

- décrire l'état de santé de MmeE... H... et les soins et prescriptions antérieurs à son admission au centre hospitalier de Cannes et notamment ses antécédents pathologiques ainsi que les conditions dans lesquelles elle a été prise en charge et soignée dans cet établissement ;

- donner son avis sur les traitements, interventions et soins prodigués au regard notamment des données acquises de la science ; donner, en particulier, son avis sur l'indication de la césarienne programmée, les conditions de sa réalisation, les conditions de son transfert au service psychiatrique et l'ensemble des soins réalisés à compter de son transfert au service de réanimation et notamment les deux interventions chirurgicales qu'elle a alors subies ;

- préciser la forme et le contenu de l'information donnée à la patiente sur les risques encourus ;

- déterminer les raisons de la défaillance multiviscérale dont elle a été victime et notamment du choc septique et de ses conséquences et donner son avis sur le point de savoir si cette défaillance puis le décès de MmeE... H... ont un rapport avec son accouchement par césarienne ou, le cas échéant, avec les interventions chirurgicales qu'elle a subies, par la suite ; le cas échéant, déterminer l'ampleur de la chance qu'elle aurait perdue de voir son état de santé s'améliorer ou d'éviter de le voir se dégrader jusqu'au décès ;

- donner son avis sur le point de savoir si son décès a été causé par une infection nosocomiale : déterminer, d'une part, si l'infection était présente ou en incubation au début de sa prise en charge par le centre hospitalier ou si cette infection a pu être contractée au cours ou au décours de sa prise en charge par ce dernier et, d'autre part, si l'infection a une autre origine que la prise en charge par ce centre hospitalier ;

- dire si un manquement aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales peut être relevé et si l'ensemble des mesures de prévention ont été appliquées conformément aux règles de l'art. Dans la négative, analyser la nature des erreurs, manque de précautions, négligences ou autres défaillances relevées ;

- dire dans quelle mesure l'état de santé de MmeE... H... l'exposait particulièrement à la survenue de l'infection ;

- préciser à quelle date a été porté le diagnostic d'infection et dire par quels moyens cliniques et paracliniques ce dernier a été porté, et si un retard au diagnostic a été constaté ; dans ce cas, déterminer la perte de chance encourue par MmeE... H... ;

- dire si la prise en charge de l'infection a été conforme aux données acquises de la science au moment des faits et indiquer si d'éventuels manquements dans cette prise en charge ont fait perdre une chance à Mme E...H..., compte tenu de son état initial, d'éviter les conséquences dommageables en lien avec cette infection et dans quelle proportion ;

- déterminer les souffrances physiques endurées par Mme E...H...avant son décès.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour administrative d'appel.

Article 4 : L'expertise aura lieu en présence de M. C...F..., du centre hospitalier de Cannes et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des infections nosocomiales (ONIAM).

Article 5 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 6 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 7 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 8 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera ces frais et honoraires.

Article 9 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C...F..., au centre hospitalier de Cannes, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des infections nosocomiales (ONIAM) et à M. B...J..., expert.

Fait à Marseille, le 20 mars 2019

N° 18MA053922

LH


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 18MA05392
Date de la décision : 20/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : DUPY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-03-20;18ma05392 ?
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