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30/10/2018 | FRANCE | N°18MA02885

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 30 octobre 2018, 18MA02885


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de prescrire une expertise aux fins de déterminer la réalité comptable du déséquilibre de la convention conclue avec le groupement Intériale - Gras Savoye et d'évaluer le préjudice résultant de la résiliation fautive de cette convention par le groupement.

Par une ordonnance n° 1703600 du 11 juin 2018, cette demande a été rejetée comme portée devant un ordre de

juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la Cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de prescrire une expertise aux fins de déterminer la réalité comptable du déséquilibre de la convention conclue avec le groupement Intériale - Gras Savoye et d'évaluer le préjudice résultant de la résiliation fautive de cette convention par le groupement.

Par une ordonnance n° 1703600 du 11 juin 2018, cette demande a été rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2018, le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard, représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 11 juin 2018 ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la société Gras Savoye et de la mutuelle Intériale la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la convention litigieuse a pour objet, ainsi que l'a estimé la Commission européenne dans sa décision du 30 mai 2007, une aide d'Etat à caractère social au sens du a) du 2 de l'ex article 87 du Traité instituant la Communauté européenne, ce qui justifie la compétence du juge administratif pour en connaître ; que la qualification de contrat administratif est expressément reconnue par la circulaire du ministre de l'intérieur du 25 mai 2012 ; que celle-ci découle logiquement des critères jurisprudentiels dès lors que, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, ce contrat contient bien des clauses exorbitantes du droit commun, s'agissant du caractère dérogatoire des modalités de sa passation, de l'exigence de clauses à caractère social et de l'interdiction pour le cocontractant de faire du profit sur le versement de la participation et le contrôle de cette obligation ; que la mesure d'expertise demandée est utile dès lors que, préalablement à la mise en cause de la responsabilité de groupement Interiale - Gras Savoye pour résiliation unilatérale fautive de la convention litigieuse, il doit, d'une part, obtenir les informations et documents découlant de l'exécution du contrat et connaître précisément la réalité comptable du prétendu déséquilibre, d'autre part, chiffrer le préjudice subi.

Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2018, la société Intériale, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. A titre subsidiaire, elle demande de modifier la mission qui serait confiée à l'expert.

Elle soutient que le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard ne démontre pas que les critères de compétence du juge administratif sont réunis ; qu'à titre subsidiaire, la mesure demandée ne présente pas de caractère d'utilité dès lors que la résiliation de la convention n'est pas fautive, que l'expert ne peut se prononcer sur des questions d'ordre juridique, que les questions technico-comptables n'ont aucun lien avec les questions dont serait saisi le juge du fond et qu'enfin la demande porte sur des faits déjà établis ou pouvant être établis par d'autres moyens.

La requête a également été communiquée au préfet du Gard qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2011-1474 du 8 novembre 2011 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.

2. Le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes d'ordonner une expertise portant sur la convention de participation qu'il avait conclu avec le groupement Interiale - Gras Savoye, en application de l'article 88-2 de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 8 novembre 2011, pour le financement de la protection sociale complémentaire des agents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics qui l'avaient mandaté à cette fin ainsi que de ses propres agents. Par l'ordonnance attaquée, le juge des référés a rejeté cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, aux motifs que le contrat litigieux qui ne peut être regardé comme passé en application du code des marchés publics ne constitue pas un contrat administratif par détermination de la loi et que, ne faisant pas participer le cocontractant à l'exécution d'un service public, ni ne comportant de clauses exorbitantes de droit commun, ni ne relevant d'un régime exorbitant du droit commun, il ne peut être qualifié de contrat administratif.

3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative (cf. CE, 14.02.2017, n° 401514).

4. Aux termes de l'article 22 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I. - Les personnes publiques mentionnées à l'article 2 peuvent contribuer au financement des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles les agents qu'elles emploient souscrivent. /II. - La participation des personnes publiques est réservée aux contrats ou règlements garantissant la mise en oeuvre de dispositifs de solidarité entre les bénéficiaires, actifs et retraités ". L'article 88-2 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale précise, à cet effet, que : " I. - Sont éligibles à la participation des collectivités territoriales et de leurs établissements publics les contrats et règlements en matière de santé ou de prévoyance remplissant la condition de solidarité prévue à l'article 22 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, attestée par la délivrance d'un label dans les conditions prévues à l'article L. 310-12-2 du code des assurances ou vérifiée dans le cadre de la procédure de mise en concurrence prévue au II du présent article. / Ces contrats et règlements sont proposés par les organismes suivants : / - mutuelles ou unions relevant du livre II du code de la mutualité ; / - institutions de prévoyance relevant du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale ;/ -entreprises d'assurance mentionnées à l'article L. 310-2 du code des assurances. / II. - Pour l'un ou l'autre ou pour l'ensemble des risques en matière de santé et prévoyance, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ont la faculté de conclure avec un des organismes mentionnés au I, à l'issue d'une procédure de mise en concurrence transparente et non discriminatoire permettant de vérifier que la condition de solidarité prévue à l'article 22 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée est satisfaite, une convention de participation au titre d'un contrat ou règlement à adhésion individuelle et facultative réservée à leurs agents. Dans ce cas, les collectivités et leurs établissements publics ne peuvent verser d'aide qu'au bénéfice des agents ayant adhéré à ce contrat ou règlement. / Les retraités peuvent adhérer au contrat ou règlement faisant l'objet d'une convention de participation conclue par leur dernière collectivité ou établissement public d'emploi ". L'article 25 de la même loi prévoit que " les centres de gestion (de la fonction publique territoriale ...) peuvent souscrire, pour le compte des collectivités et établissements de leur ressort qui le demandent, des contrats-cadres permettant aux agents de bénéficier de prestations d'action sociale mutualisées et conclure avec un des organismes mentionnés au I de l'article 88-2 une convention de participation dans les conditions prévues au II du même article ". Enfin, le décret du 8 novembre 2011 fixe, en application de ces dispositions, la procédure de mise en concurrence permettant de conclure une telle convention de participation, les conditions auxquelles cette convention doit répondre ainsi que les critères selon lesquels la collectivité peut fonder son choix.

5. La nature de la convention souscrite, en application de ces dispositions, entre une collectivité territoriale, ou un centre de gestion de la fonction publique territoriale, et une mutuelle, une institution de prévoyance ou une entreprise d'assurance, ne fait pas, à ce jour, l'objet d'une jurisprudence établie. Eu égard tant à l'objet de ce contrat conclu par une personne de droit public qu'au régime auquel il est soumis, il n'apparaît pas insusceptible d'être qualifié comme un contrat de droit public. Par suite, la demande du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard ne peut être regardée comme se rattachant à un litige qui ne relève pas manifestement de la compétence de la juridiction administrative.

6. Il résulte de ce qui précède que le centre de gestion est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

7. Il y a lieu d'évoquer et, par là, de statuer en qualité de juge des référés de première instance sur la demande présentée par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard.

8. Le centre de gestion justifie l'utilité de la mesure d'expertise qu'il demande en faisant valoir qu'il est susceptible de mettre en cause la responsabilité contractuelle du groupement Interiale - Gras Savoye notamment en raison de la modification de la convention conclue le 28 septembre 2012, en application des dispositions précitées, puis de sa résiliation unilatérale prononcée par ce dernier le 29 août 2017, au motif de son déséquilibre financier. En l'absence de réponse manifeste, la question de savoir si cette résiliation unilatérale est susceptible d'engager la responsabilité du groupement Interiale - Gras Savoye à l'égard du centre de gestion ne saurait relever de l'office du juge des référés, en application de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

9. Contrairement à ce que soutient la société Intériale, une mission peut ainsi être confiée à un expert pour donner un avis portant exclusivement sur des questions comptables, en dehors de toute appréciation de nature juridique, et la circonstance que le centre de gestion dispose déjà des comptes de résultats du groupement Interiale - Gras Savoye ne saurait priver d'utilité la mesure d'expertise demandée, eu égard, en tout état de cause, à la technicité de l'analyse qu'il convient d'en faire.

10. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner la mesure d'expertise ci-après définie.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Gras Savoye et de la société Intériale, la somme demandée par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

O R D O N N E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1703600 du 11 juin 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes est annulée.

Article 2 : M. A...B..., demeurant..., est désigné en qualité d'expert. Il aura pour mission de :

- se faire communiquer toutes les pièces comptables et tous autres éléments utiles relatifs à la convention de participation pour le financement de la protection sociale complémentaire des agents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics qui l'avaient mandatée à cette fin ainsi que de ses propres agents, conclue le 28 septembre 2012 entre le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard et le groupement Intériale - Gras Savoye, ainsi qu'à ses deux avenants conclus respectivement le 1er juillet 2016 et le 7 mars 2017, et convoquer et entendre les parties et tous sachants ;

- examiner, pour chacun des exercices, les comptes de résultat relatifs à cette convention et ses avenants et apprécier leur sincérité ;

- dire, pour chacun des exercices, si ces comptes attestent d'un déficit, et, dans l'affirmative, en déterminer la cause, en préciser l'ampleur et indiquer dans quelle mesure ce déficit a été corrigé par les avenants conclus ;

- examiner, en particulier, la sinistralité observée et la comparer avec les statistiques de sinistralité communiquées dans le cadre de l'avis d'appel public à la concurrence ;

- dans le cas où le déficit aurait été surévalué, déterminer le préjudice financier subi par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard, à l'occasion de la conclusion de l'un ou l'autre des avenants ainsi que de la résiliation de la convention ;

- d'une façon générale, recueillir tous éléments et faire toutes autres constatations utiles à l'évaluation du préjudice matériel que le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard soutient avoir subi.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour administrative d'appel.

Article 4 : L'expertise aura lieu en présence du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard, de la société Gras Savoye et de la société Intériale.

Article 5 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 6 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 7 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 8 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la Cour liquidera et taxera ces frais et honoraires.

Article 9 : Les conclusions du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard et de la société Intériale présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 10 : La présente ordonnance sera notifiée au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard, à la société Gras Savoye, à la société Intériale et à M. A...B..., expert.

Fait à Marseille, le 30 octobre 2018

N° 18MA028852

LH


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 18MA02885
Date de la décision : 30/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : HOLMAN FENWICK WILLAN FRANCE LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-30;18ma02885 ?
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