Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Jvris Publica a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de condamner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la commune d'Aramon à lui verser, à titre provisionnel, les sommes de 8 835,72 euros toutes taxes comprises, 3 000 euros et 40 euros correspondant respectivement aux prestations de conseil juridique qu'elle a exécutées pour la création d'un pôle santé et d'un espace culturel sur le territoire de la commune d'Aramon, aux préjudices qu'elle estime avoir subis à raison du défaut de paiement de ces prestations et à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de la facture y afférente.
Par une ordonnance no 1703940 en date du 29 mars 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 avril et 18 mai 2018, la société Jvris Publica, représentée par MeD..., demande au juge des référés de la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de condamner la commune d'Aramon à lui verser les sommes provisionnelles d'une part, de 8 835,72 euros toutes taxes comprises correspondant aux factures impayées, d'autre part de 3 000 euros au titre de préjudice moral et de dommages et intérêts, et enfin de 40 euros pour frais de recouvrement de la facture ;
3°) d'assortir le versement de la somme de 8 835,72 euros toutes taxes comprises des intérêts moratoires à compter du 29 janvier 2017, ainsi que de la capitalisation de ces intérêts ;
4°) d'enjoindre à la commune d'Aramon de lui verser les sommes en cause sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente ordonnance ;
5°) de mettre à la charge de la commune d'Aramon la somme de 3 600 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le premier juge des référés a rejeté sa requête comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
- la facture du 23 décembre 2016 dont elle réclame le paiement est un contrat administratif au sens des dispositions de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 ;
- eu égard à son montant, ce marché public pouvait être conclu sans mise en concurrence ni publicité préalable ;
- la réalité des prestations qu'elle a effectuées à la demande du maire de la commune d'Aramon n'est pas contestée ;
- les honoraires qu'elle réclame, qui ne sont pas prohibitifs, correspondent à ceux qu'elle avait proposés dans la lettre de mission du 7 novembre 2012 que la commune a refusé de signer ;
- l'absence de lettre de mission et, par-là même, de convention d'honoraires ne fait pas obstacle à ce qu'un avocat perçoive des honoraires pour les prestations effectuées ;
- la créance qu'elle détient sur la commune n'est pas prescrite ;
- l'obligation dont elle se prévaut n'est en tout état de cause pas sérieusement contestable, tant dans son principe que dans son montant ;
- à titre subsidiaire, elle a droit au paiement des prestations qu'elle a exécutées sur le fondement de l'enrichissement sans cause de la commune ;
- en raison de l'absence de règlement de sa facture dans les délais impartis, elle est fondée à réclamer l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement y afférente ;
- elle est également fondée à réclamer le versement, à compter du 31 janvier 2017, des intérêts moratoires correspondants, ainsi que la capitalisation de ces intérêts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2018, la commune d'Aramon, représentée par MeA..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mise à la charge de la société Jvris Publica une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que le premier juge des référés a rejeté la demande de la société Jvris Publica comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
- seul le bâtonnier, sous le contrôle du premier président de la cour d'appel, est compétent pour connaître du présent litige ;
- le marché de services juridiques allégué par la société appelante est inexistant, dès lors qu'aucune lettre de mission n'a été signée ;
- les honoraires qu'il était proposé de fixer dans la lettre de mission du 7 novembre 2012 étaient prohibitifs ;
- le montant de la facture émise le 23 décembre 2016, qui comporte un taux de TVA erroné, est injustifié au regard des prestations effectivement réalisées ;
- cette facture n'étant pas de nature à interrompre le délai de la prescription quadriennale, la créance dont se prévaut la société Jvris Publica est prescrite ;
- l'obligation dont se prévaut cette société est en tout état de cause sérieusement contestable, tant dans son principe que dans son montant ;
- les autres demandes indemnitaires, en ce compris les dommages intérêts réclamés, sont infondées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
- le décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision en date du 17 février 2018 par laquelle la présidente de la Cour administrative d'appel de Marseille a désigné Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, présidente-assesseur de la sixième chambre, pour la présider par intérim et juger des référés, à compter du 1er avril 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courriel en date du 31 juillet 2012, la commune d'Aramon a confié à la société Jvris Publica, prise en la personne de Me B...C..., une mission de conseil juridique pour la création d'un pôle santé et d'un espace culturel sur le territoire de cette commune. Le 7 novembre 2012, la société Jvris Publica a rédigé la lettre de mission y afférente et, par-là même, proposé de fixer ses honoraires. La commune d'Aramon a refusé de signer cette lettre de mission. Le 23 décembre 2016, la société Jvris Publica a émis une facture d'un montant de 8 835,72 euros toutes taxes comprises et l'a adressée, le 27 décembre suivant, à la commune d'Aramon en vue de se faire régler les honoraires qu'elle estime lui être dus au titre des prestations qu'elle a effectuées dans le cadre de sa mission de conseil juridique. Le 13 novembre 2017, la somme réclamée n'ayant toujours pas été mandatée par le maire de la commune, la société Jvris Publica a saisi le préfet du Gard pour que celui-ci procède, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1612-16 du code général des collectivités territoriales, au mandatement d'office de cette somme. Le 28 décembre 2017, la société Jvris Publica a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de condamner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la commune d'Aramon à lui verser, à titre provisionnel, les sommes de 8 835,72 euros toutes taxes comprises, 3 000 euros et 40 euros correspondant respectivement aux prestations de conseil juridique qu'elle a exécutées pour la création d'un pôle santé et d'un espace culturel sur le territoire de la commune d'Aramon, aux préjudices qu'elle estime avoir subis à raison du défaut de paiement de ces prestations et à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de sa facture du 23 décembre 2016. La société Jvris Publica relève appel de l'ordonnance du 29 mars 2018 par laquelle le juge des référés de ce tribunal a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Pour demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque, la société Jvris Publica soutient que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes s'est déclaré incompétent pour connaître de sa demande, dès lors que le présent litige est relatif à l'exécution financière d'un marché de services juridiques conclu entre un avocat et une collectivité publique.
3. Aux termes de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée : " Dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions d'application du présent titre. / Ils présentent notamment : / (...) 6° La procédure de règlement des contestations concernant le paiement des frais et honoraires des avocats ; (...) ". Aux termes de l'article 174 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat : " Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats ne peuvent être réglées qu'en recourant à la procédure prévue aux articles suivants. ". Aux termes de l'article 175 de ce décret : " Les réclamations sont soumises au bâtonnier par toutes parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé. Le bâtonnier accuse réception de la réclamation et informe l'intéressé que, faute de décision dans le délai de quatre mois, il lui appartiendra de saisir le premier président de la cour d'appel dans le délai d'un mois. / L'avocat peut de même saisir le bâtonnier de toute difficulté. (...) ". Aux termes de l'article 176 dudit décret : " La décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi par l'avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Le délai de recours est d'un mois. / Lorsque le bâtonnier n'a pas pris de décision dans les délais prévus à l'article 175, le premier président doit être saisi dans le mois qui suit. ".
4. Si les dispositions des articles 174 à 176 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 pris en application de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 confient au bâtonnier, sous le contrôle du premier président de la cour d'appel, la compétence pour instruire tout litige portant sur les honoraires des avocats, les litiges relatifs au règlement financier d'un marché conclu entre un avocat et une collectivité publique portent sur l'exécution d'un marché public et ne peuvent, dès lors, relever que de la seule compétence du juge administratif.
5. D'une part, en vertu du premier alinéa du I de l'article 1er du code des marchés publics, alors en vigueur, les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs et des opérateurs économiques publics ou privés pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services sont des marchés publics soumis aux dispositions de ce code. Aux termes de l'article 11 dudit code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les marchés et accords cadres d'un montant égal ou supérieur à 15 000 euros HT sont passés sous forme écrite. (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. / A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que la commune d'Aramon a confié à la société Jvris Publica une mission de conseil juridique pour la création d'un pôle santé et d'un espace culturel sur le territoire de cette commune. A ce titre, cette société lui a prodigué des conseils sur la possibilité et l'opportunité de déclarer un marché public de conception réalisation sans suite pour un motif d'intérêt général, de vendre un terrain appartenant au domaine privé de la commune ou, encore, de conclure un bail emphytéotique administratif. La mission confiée à la société Jvris Publica avait donc pour objet la fourniture de prestations de services juridiques à la commune d'Aramon pour répondre à ses besoins propres. En contrepartie des prestations ainsi fournies, la société Jvris Publica a proposé de fixer les honoraires y afférents dans une lettre de mission du 7 novembre 2012. Si la commune d'Aramon, les estimant excessifs, a refusé de signer la lettre de mission, cette circonstance ne saurait toutefois faire obstacle à ce que le contrat dont s'agit puisse être regardé comme ayant été conclu à titre onéreux, dès lors qu'en ayant émis la facture du 23 décembre 2016 dont elle réclame le paiement, la société Jvris Publica doit nécessairement être regardée comme ayant fixé les honoraires qu'elle estimait lui être dus dans les conditions prévues par les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971. Dans ces conditions, le contrat verbal conclu entre la commune d'Aramon et la société Jvris Publica doit être qualifié de marché public de services juridiques soumis aux dispositions du code des marchés publics. Par suite, le présent litige, qui est relatif au règlement financier d'un marché conclu entre un avocat et une collectivité publique, ressortit à la compétence de la juridiction administrative.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Jvris Publica est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Elle est, par suite, fondée à en demander l'annulation.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nîmes pour qu'il statue à nouveau sur la demande présentée par la société Jvris Publica.
Sur les frais liés au litige :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
11. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Jvris Publica, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la commune d'Aramon et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Aramon le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Jvris Publica au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les autres frais liés au litige :
12. La présente affaire n'a pas occasionné de dépens pour les parties. Par suite, les conclusions de la société Jvris Publica tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de la commune d'Aramon ne peuvent qu'être rejetées.
O R D O N N E :
Article 1er : L'ordonnance no 1703940 en date du 29 mars 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes est annulée.
Article 2 : La société Jvris Publica est renvoyée devant le tribunal administratif de Nîmes pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 3 : La commune d'Aramon versera à la société Jvris Publica une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune d'Aramon sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la société Jvris Publica au titre des dépens sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Jvris Publica et à la commune d'Aramon.
Fait à Marseille, le 16 juillet 2018.
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N° 18MA01670