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16/03/2017 | FRANCE | N°14MA04706

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 16 mars 2017, 14MA04706


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...D..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses trois enfants mineurs, M. B...D..., Mlle I...D...et Mlle A...D..., ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner solidairement le centre hospitalier de Draguignan et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affectations iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme de 722 756,43 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait du décès de Mme C...D..., consécu

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...D..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses trois enfants mineurs, M. B...D..., Mlle I...D...et Mlle A...D..., ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner solidairement le centre hospitalier de Draguignan et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affectations iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme de 722 756,43 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait du décès de Mme C...D..., consécutif à l'état neuro-végétatif dans lequel celle-ci s'est trouvée au terme de son accouchement le 1er juillet 2009.

Par un jugement n° 1202594 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 novembre 2014 et le 6 février 2017, M. G... D..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses deux enfants mineurs, L...D...et K...D..., et M. B...D...représenté par MeH..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 2 octobre 2014 ;

2°) d'ordonner avant dire droit une expertise ;

3°) à titre principal de condamner solidairement le centre hospitalier de Draguignan et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affectations iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme de 717 794,35 euros en réparation des préjudices subis du fait de la prise en charge de Mme D...par le centre hospitalier de Draguignan ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affectations iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser ces mêmes sommes ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Draguignan et de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) n'a pas envisagé certains aspects de la phase post accouchement ;

- les facteurs de risques présentés par Mme D...auraient dû conduire le centre hospitalier à dispenser une information plus complète et opter pour une césarienne ou une délivrance assistée ;

- la tardiveté et l'inefficacité des soins apportés pour juguler l'hémorragie sont à l'origine de l'état neuro-végétatif ;

- la responsabilité de l'ONIAM est engagée à raison des actes médicaux au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que sont l'accouchement par voie basse, la révision utérine à l'origine de la rupture utérine et de l'hémorragie, et les interventions chirurgicales ayant abouti à l'anoxie cérébrale.

Par un mémoire enregistré le 19 janvier 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Var, représentée par MeF..., conclut à l'annulation du jugement du 2 octobre 2014 et demande à la Cour de condamner le centre hospitalier de Draguignan à lui verser la somme provisoire de 150 083,24 euros au titre des débours exposés et la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Elle soutient avoir exposé les sommes demandées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affectations iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) représenté par Me E...conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les conditions de son intervention au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2016, le centre hospitalier de Draguignan, représenté par MeJ..., demande à la cour de rejeter la requête des consorts D...et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Il soutient que :

- les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Var sont nouvelles en appel et irrecevables ;

- l'expertise demandée ne présente aucune utilité ;

- l'absence de facteurs de risques excluait le recours à une césarienne ;

- les conditions d'une information sur les risques encourus, qui n'était pas obligatoire pour un accouchement par voie basse, n'étaient pas réunies ;

- la prise en charge des conséquences de l'hémorragie a été conforme aux règles de l'art ;

- l'évaluation des préjudices est excessive et injustifiée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafay,

- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.

1. Considérant que M. G...D..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses deux enfants mineurs, L...D...et K...D..., et M. B...D..., relèvent appel du jugement du 2 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Draguignan et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affectations iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur payer la somme de 722 756,43 euros en réparation des préjudices résultant du décès de Mme C...D...le 10 mars 2011, consécutif à l'état neuro-végétatif dans lequel celle-ci s'est trouvée au terme de son accouchement le 1er juillet 2009.

Sur la recevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Var :

2. Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, une caisse primaire d'assurance-maladie ayant été mise à même de faire valoir ses droits devant le tribunal administratif mais ayant omis de demander en temps utile le remboursement des frais exposés antérieurement au jugement de ce tribunal n'est plus recevable à le demander devant le juge d'appel ;

3. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Var, qui avait été régulièrement appelée en cause en première instance, et qui n'était pas dans l'impossibilité d'indiquer le montant de ses débours au cours de l'instruction devant le tribunal administratif, demande pour la première fois devant la cour le remboursement des frais exposés pour le compte de MmeD..., son assurée, notamment les frais d'hospitalisation, les frais médicaux et les frais de transport ; qu'il résulte de l'instruction que ces débours ont été exposés par la caisse avant l'intervention du jugement du tribunal administratif de Toulon du 2 octobre 2014 ; qu'elle était donc en mesure d'en solliciter le remboursement en première instance ; que dans ces conditions les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Var tendant au remboursement de ces débours sont irrecevables ; que les conclusions, nouvelles en appel elles aussi, tendant à la condamnation du centre hospitalier de Draguignan à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ne sont pas davantage recevables ;

Sur les conclusions à fin d'expertise

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : "La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'entre elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision " ;

5. Considérant que la prescription d'une mesure d'expertise est subordonnée au caractère utile de cette mesure ; qu'il appartient au juge, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en réparation des conséquences dommageables d'un acte médical, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier, notamment, le cas échéant, du rapport de l'expertise prescrite par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux s'il existe, et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon le demandeur, la mesure sollicitée ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) qu'immédiatement après l'accouchement de son troisième enfant au centre hospitalier de Draguignan le 1er juillet 2009 à 0h25, Mme D...a été victime d'une hémorragie ; que la poursuite de saignements importants malgré un traitement médicamenteux a conduit le médecin, dans le cadre du protocole de prise en charge des hémorragies de la délivrance, à procéder à 0h55 à une révision utérine sous valves avec injections d'ocytociques ; que confronté à la persistance de l'hémorragie, le médecin a décidé entre 1h45 et 2h00 de pratiquer une hystérectomie d'hémostase interannexielle totale réalisée à partir de 2h39, qui a mis en évidence une rupture utérine, suivie à 8h00 d'une ligature des artères hypogastriques et à 21h00 d'une réintervention pour évacuer une collection sanguine intrabdominale ; qu'au cours de ce processus, trois arrêts circulatoires, l'un de quarante cinq à soixante minutes et les deux autres de quinze minutes chacun, sont survenus qui ont entraîné une anoxie cérébrale irréversible à l'origine de l'état neuro-végétatif dans lequel l'intéressée s'est trouvée plongée avant de décéder le 10 mars 2011 ;

7. Considérant que l'indication générale, dans le rapport d'expertise, d'une absence de tout manquement dans le fonctionnement et l'organisation du service hospitalier dans la prise en charge de Peggy D...ne permet pas de savoir si la rupture utérine n'aurait pas pu être diagnostiquée plus tôt et si l'hystérectomie d'hémostase n'aurait pas dû être pratiquée plus rapidement qu'à 2h39, alors que le protocole de prise en charge des hémorragies de la délivrance en vigueur à la date des faits, mentionné comme pièce n° 1 du rapport, en référence duquel les experts ont posé leur affirmation, est absent du dossier et n'a pas été produit malgré une mesure d'instruction effectuée en ce sens ; qu'en outre, les experts n'indiquent pas en quoi la délivrance dirigée, dont ils admettent qu'elle aurait été souhaitable, et dont les consorts D...invoquent l'absence, aurait eu une incidence sur la survenue ou l'étendue de l'hémorragie ; que la Cour n'étant pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments recueillis, il y a lieu d'ordonner une expertise dans les conditions et aux fins précisées ci-après ;

DECIDE

Article 1er : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Var sont rejetées.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête de MM.D..., procédé à une expertise médicale contradictoire avec le centre hospitalier de Draguignan et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affectations iatrogènes et des infections nosocomiale.

Article 3 : Un collège de deux experts, composé d'un gynécologue obstétricien et d'un anesthésiste réanimateur, sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 4 : Il aura pour mission :

1°) de se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé, à la prise en charge et au décès de Mme C...D...et, notamment, tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins, et aux diagnostics pratiqués sur elle lors de son hospitalisation au centre hospitalier de Draguignan ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ; procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de MmeD...;

2°) de donner un avis motivé sur le point de savoir :

- à quel moment l'hémorragie de la délivrance a été constatée et si son diagnostic a été fait sans retard ;

- si la prise en charge médicamenteuse, transfusionnelle et chirurgicale de cette hémorragie a été décidée puis réalisée sans retard et dans les temps prescrits par le protocole de prise en charge des hémorragies de la délivrance et les recommandations professionnelles alors en vigueur dont le contenu sera joint au rapport d'expertise ;

- en cas de retard dans la prise en charge médicamenteuse, transfusionnelle et chirurgicale,

o de dire si des raisons d'ordre médical, matériel ou de service expliquent ce retard,

o de dire si ce retard a fait perdre à Mme D...une chance d'éviter les arrêts cardio-circulatoires et/ou d'en subir des séquelles moindres,

o de fournir tous éléments statistiques permettant de chiffrer le pourcentage de la chance que Mme D...aurait eu, avec une prise charge adaptée plus précoce, de subir une hémorragie et des séquelles moindres ;

- si les facteurs de risque d'une hémorragie de la délivrance présentés par Mme D...nécessitaient une délivrance assistée, et si l'absence de ce geste a eu une incidence sur la survenue et l'étendue de l'hémorragie ; en cas de retard, de dire si cette faute a fait perdre à Mme D...une chance de conserver des séquelles moindres ;

-

3°) de fournir toutes précisions complémentaires que le collège d'experts jugera utile à la solution du litige.

Article 5 : Le collège d'experts déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties intéressées dans le délai de quatre mois à compter de la prestation de serment.

Article 6 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 7 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...D..., à M. B...D..., à Mlle I...D..., au centre hospitalier de Draguignan, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affectations iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2017, où siégeaient :

- M. Laso, président-assesseur, présidant la formation du jugement en application de l'article R. 222.26 du code de justice administrative,

- M. Lafay, premier conseiller,

- Mme M..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 16 mars 2017.

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N° 14MA04706


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04706
Date de la décision : 16/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02-02-01 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation. Expertise. Recours à l'expertise.


Composition du Tribunal
Président : M. LASO
Rapporteur ?: M. Louis-Noël LAFAY
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : LADOUCE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-03-16;14ma04706 ?
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