Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'infection qu'il aurait contractée au cours des hospitalisations du 5 mars 1999 et du 23 avril 2003. La caisse primaire centrale d'assurances maladie des Bouches-du-Rhône a demandé la condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille à lui verser la somme de 7 858,89 euros au titre des prestations servies à M. D... ainsi que le paiement de l'indemnité forfaitaire instituée par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Par un jugement avant dire droit n° 1105807 du 8 octobre 2013, le tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille responsable des conséquences dommageables résultant de l'infection nosocomiale contractée par M. D..., mis hors de cause l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et ordonné une expertise aux fins notamment de déterminer les préjudices subis par la victime en lien direct avec l'infection nosocomiale.
Par un jugement n° 1105807 du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille à verser à M. D... la somme de 3 500 euros en réparation des préjudices subis et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 4 456,05 euros au titre des dépenses de santé.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 14MA04988 le 16 décembre 2014, l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement avant dire droit du tribunal administratif de Marseille du 8 octobre 2013 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. D... et par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Elle soutient que :
- le moyen de défense tiré de ce que la victime a déjà été indemnisée des conséquences de l'infection nosocomiale par l'assureur de l'auteur du dommage ne pouvait être écarté sans disposer du protocole transactionnel correspondant ;
- l'expertise n'a pas été contradictoire ;
- la créance dont se prévaut la victime est prescrite en vertu de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le patient a déjà été indemnisé par l'assureur de l'auteur du dommage ;
- il n'est pas établi que les infections de 1999 et 2003 ont été contractées dans un établissement relevant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2015, M. D..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exception de prescription n'a pas été opposée par la personne compétente ;
- elle ne peut être soulevée pour la première fois en appel ;
- sa demande n'est pas prescrite ;
- le préjudice lié à l'infection nosocomiale n'a pas été indemnisé par l'assureur ;
- l'infection dont il a été victime présente un caractère nosocomial et a été contractée dans un établissement de l'Assistance publique des Hôpitaux de Marseille.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2015, l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la SELARL de la Grange et Fitoussi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de
2 500 euros soit mise à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le fait générateur de l'infection est antérieur à la date du 5 septembre 2001 fixée à l'article 101 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 modifié par l'article 3 de la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 ;
- les préjudices invoqués sont d'une gravité inférieure au seuil fixé à l'article
L. 1142-1-1 du code de la santé publique.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 14MA05139 le 23 décembre 2014, l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, représentée par Me C... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 octobre 2014 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. D... et par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'annulation du jugement avant dire droit du 8 octobre 2013 entraînera celle du jugement attaqué ;
- la demande d'indemnisation relative à la première infection est prescrite en vertu de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique ;
- M. D... ne peut solliciter une indemnisation pour un préjudice lié à l'infection nosocomiale qui a déjà été indemnisé par l'assureur de l'auteur de l'accident ;
- le déficit fonctionnel temporaire consécutif à l'infection de 2003 est sans lien avec celle de 1999 qui ne lui est pas imputable ;
- les frais médicaux exposés en 1999 ne peuvent être mis à sa charge ;
- le tribunal a alloué à M. D... un montant supérieur à celui demandé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2015, M. D..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exception de prescription ne peut être opposée pour la première fois en appel ;
- la demande n'est pas prescrite ;
- le préjudice lié à l'infection nosocomiale n'a pas été indemnisé par l'assureur.
Par un mémoire enregistré le 27 avril 2015, la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) et, par la voie de l'appel incident, à ce que l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille lui verse une somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2015, l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le fait générateur de l'infection est antérieur à la date du 5 septembre 2001 fixée à l'article 101 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 modifié par l'article 3 de la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 ;
- les préjudices invoqués sont d'une gravité inférieure au seuil fixé à l'article
L. 1142-1-1 du code de la santé publique.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- l'arrêté du 10 décembre 2013 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafay,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de Me B...représentant M.D....
1. Considérant que les requêtes n° 14MA04988 et n° 15MA05139 sont relatives à la situation d'un même patient et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
2. Considérant que M. D..., victime d'un accident de la circulation le 27 janvier 1998, a été pris en charge par le centre hospitalier de la Conception à Marseille où il fait l'objet d'une opération le lendemain, à la suite de laquelle il n'a pas présenté de complications ; que les prélèvements, effectués trois semaines après une intervention chirurgicale effectuée le 5 mars 1999 dans un centre hospitalier relevant également de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, ont révélé la présence d'un staphylocoque doré ; qu'une nouvelle intervention chirurgicale pratiquée le 24 avril 2003, au sein du même établissement de soins, s'est accompagnée d'un épisode infectieux par staphylocoque doré ; qu'au vu du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille, le tribunal administratif de Marseille a, par jugement avant dire droit du 8 octobre 2013, retenu la responsabilité de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille au titre de l'infection nosocomiale contractée par M. D... et prescrit une nouvelle expertise portant notamment sur l'évaluation des préjudices ; que par jugement du 23 octobre 2014, le tribunal administratif a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille à verser à M. D... la somme de 3 500 euros et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 4 456,05 euros au titre des dépenses de santé ; que l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille demande à la cour d'annuler les jugements des 8 octobre 2013 et 23 octobre 2014 ;
Sur la régularité du jugement du 23 octobre 2014 :
3. Considérant qu'en se bornant à soutenir dans sa requête que le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont les premiers juges étaient saisis, l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille ne permet pas à la Cour d'apprécier la pertinence de ce moyen qui ne peut dès lors qu'être écarté ;
Sur le bien fondé des jugements :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
4. Considérant que la circonstance que l'assureur de l'auteur responsable de l'accident de la circulation dont a été victime M. D... aurait déjà indemnisé celui-ci de l'ensemble des préjudices qu'il a subis ne prive pas l'intéressé de son intérêt à agir devant la juridiction administrative pour demander la condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille à réparer les préjudices qu'il estime imputables à ses conditions de prise en charge ; qu'il appartient seulement au juge administratif de prendre, en déterminant la qualité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires en vue d'empêcher que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu'elle a pu ou qu'elle peut obtenir par ailleurs à raison des conséquences dommageables du même accident, une réparation supérieure au montant total du préjudice subi ; qu'il suit de là que l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille n'est pas fondée à soutenir que la demande de M. D... devant le tribunal n'était pas recevable ;
En ce qui concerne les opérations d'expertise :
5. Considérant que la circonstance que l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille n'ait pas été partie aux opérations de l'expertise privée réalisée à l'initiative de l'assureur de l'auteur responsable de l'accident, ni à celles de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille, ne faisait pas obstacle à ce que les rapports des experts puissent être retenus à titre d'élément d'information par les premiers juges dès lors que l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, qui en a eu communication dans le cadre de la procédure contradictoire devant le tribunal, a été mise à même de présenter utilement ses observations ;
En ce qui concerne la responsabilité
6. Considérant, d'une part, que l'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme d'un patient lors d'une hospitalisation antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la réparation des infections nosocomiales issues de la loi du 4 mars 2002 révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci ; qu'il en va toutefois autrement lorsqu'il est certain que l'infection, si elle s'est déclarée à la suite d'une intervention chirurgicale, a été causée par des germes déjà présents dans l'organisme du patient avant l'hospitalisation, ou encore lorsque la preuve d'une cause étrangère est rapportée par l'établissement de santé ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des rapports des expertises ordonnées par le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille et par le tribunal administratif de Marseille, que M. D... a subi plusieurs opérations au sein d'un établissement de soins relevant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, à la suite d'un polytraumatisme avec fractures du fémur et du col du fémur gauche, ainsi que du calcanéum gauche ayant bénéficié d'une ostéosynthèse secondaire avec pseudarthrose ; que postérieurement à l'intervention du 5 mars 1999, des prélèvements effectués ont révélé la présence d'un staphylocoque doré ; que, si l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille soutient que les résultats des analyses qu'elle a réalisées étaient stériles et que les infections sont apparues alors que M. D... se trouvait en soins à la clinique Saint Jean, les signes inflammatoires sont apparus dans les trois semaines suivant l'intervention chirurgicale, sous la forme de douleurs, de rougeurs au niveau de la cicatrice et d'un écoulement purulent ; qu'il n'est pas certain que l'infection de M. D... ait été causée par un germe déjà présent dans son organisme ; que l'Assistance publique n'établit pas que cette infection serait due à une cause étrangère ; que dans ces conditions, l'infection contractée par M. D... doit être regardée comme consécutive à l'acte de soins réalisé dans l'établissement relevant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille et qu'elle présente, par suite, un caractère nosocomial ; que cette infection révèle l'existence d'une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service public hospitalier de nature à engager sa responsabilité ;
8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère " ; que si ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère soit rapportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale ;
9. Considérant que M. D... a fait l'objet, le 24 avril 2003, d'une nouvelle intervention dans un établissement relevant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, à la suite de laquelle est apparue une autre infection ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette infection aurait été présente ou en incubation au début de la prise en charge du patient ; que l'établissement public ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère ; qu'ainsi, et alors que le germe n'était pas identique au précédent, cette infection doit être qualifiée de nosocomiale ;
En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :
Quant à la compétence pour opposer la prescription :
10. Considérant qu'en vertu de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, si les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de cette loi, les créanciers des personnes publiques entrant dans son champ peuvent toutefois " être relevés en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier " ; qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 7 de la même loi : " L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond " ; qu'aux termes de l'article 8 de la même loi : " La juridiction compétente pour connaître de la demande à laquelle la prescription est opposée, en vertu de la présente loi, est compétente pour statuer sur l'exception de prescription " ;
11. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'administration ne peut renoncer à opposer la prescription, sauf à en relever le créancier selon la procédure ou pour les motifs qu'elles prévoient ; que ces dispositions ne déterminent pas l'autorité ayant qualité pour l'opposer ni ne régissent les formes dans lesquelles cette autorité peut l'invoquer devant la juridiction du premier degré ; que ni ces dispositions, ni aucun élément tenant à la nature de la prescription ne font obstacle à ce que celle-ci soit opposée par une personne ayant reçu de l'autorité compétente une délégation ou un mandat à cette fin ; que l'avocat, à qui l'administration a donné mandat pour la représenter en justice et qui, à ce titre, est habilité à opposer pour la défense des intérêts de cette dernière toute fin de non-recevoir et toute exception, doit être regardé comme ayant été également mandaté pour opposer l'exception de prescription aux conclusions du requérant tendant à la condamnation de cette administration à l'indemniser ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal a jugé que l'exception de prescription quadriennale n'avait pas été valablement opposée, au motif qu'elle l'avait été sous la seule signature de l'avocat de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille ;
Quant au point de départ du délai de prescription :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même, soit par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) " ; que, en matière de responsabilité médicale, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a substitué une prescription décennale à la prescription quadriennale ; que son article 101 rend le nouveau délai de prescription immédiatement applicable ;
13. Considérant que l'infection nosocomiale liée à la présence d'un staphylocoque doré postérieurement à l'intervention chirurgicale du 5 mars 1999 a été mise en évidence le 12 avril 1999 ; qu'à supposer même que l'infection nosocomiale contractée en 1999 soit sans lien avec celle de 2003, il résulte de l'instruction que la consolidation de l'état de santé de M. D... consécutivement à l'infection nosocomiale décelée en 1999 aurait alors été acquise au cours du mois de mars 2000 ; qu'ainsi, le délai de prescription quadriennale, qui court à compter du 1er janvier de l'année suivant celle de la consolidation, n'était en tout état de cause pas expiré à la date d'entrée en vigueur de la prescription décennale instituée par la loi du 4 mars 2002 ; que la saisine du juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille, le 13 août 2008, pour rechercher les causes des dommages et évaluer les préjudices en résultant, a eu pour effet d'interrompre le délai de prescription qui n'était dès lors pas acquise le 6 septembre 2011, date d'enregistrement de la demande de M. D... au greffe du tribunal administratif de Marseille ; que, dans ces conditions, l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 8 octobre 2013 prescrivant une expertise avant dire droit, le tribunal administratif a écarté l'exception de prescription qu'elle avait opposée à la demande présentée par M. D... ;
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne les dépenses de santé :
14. Considérant que la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône justifie avoir supporté des frais de biologie, pharmaceutiques, de spécialités, de transport et d'appareillage en lien direct avec les infections nosocomiales contractées par M. D... pour un montant de 4 456,05 euros au cours de la période comprise entre le 12 avril 1999 et le 30 juin 2004 ; qu'il résulte de ce qui a été indiqué aux points 7, 9 et 13 que l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, qui est responsable des infections constatées en 1999 et en 2003, n'est pas fondée à soutenir que seuls doivent être mis à sa charge les frais exposés à l'occasion de la seconde infection ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont condamnée à payer la somme de 4 456,05 euros qui a été exposée par l'organisme social ;
En ce qui concerne les préjudices personnels :
15. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise ordonnée avant dire droit par le jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille du 8 octobre 2013, que M. D... a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel évalué au taux de 5 % durant le traitement antibiotique jusqu'en juin 2004, soit pendant une période totale de deux ans pour les deux infections, et qu'il a enduré des souffrances évaluées à 2 sur une échelle allant de 1 à 7, qu'il y a lieu d'évaluer respectivement à 1 500 euros et à 2 000 euros ;
16. Considérant toutefois, que pour évaluer les préjudices subis par M. D..., l'expert désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille a pris en compte, dans son rapport sur le fondement duquel a été élaboré le protocole transactionnel que l'assureur de l'auteur responsable de l'accident de circulation a conclu le 12 juin 2010 avec la victime, pour un montant de 218 625 euros, et qui avait été produit le 11 juillet 2014 devant les premiers juges, l'ensemble des conséquences dommageables de l'accident de la circulation et de la prise en charge des épisodes infectieux résultant des fautes commises par l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, et notamment un déficit fonctionnel temporaire au titre de la période courant du 27 janvier 1998 au 23 mars 2005, pour un montant de 29 000 euros, et des souffrances endurées fixées à 5,5 sur une échelle de 1 à 7, pour un montant de 22 000 euros ; que ce rapport et la transaction intègrent par suite la période de déficit fonctionnel temporaire partiel en relation avec l'administration du traitement antibiotique et les souffrances évaluées à 2 sur 7 mentionnées au point précédent ; qu'il résulte ainsi de l'instruction que l'indemnité allouée par l'assureur à M. D... doit être regardée comme ayant réparé les préjudices directement imputables aux infections nosocomiales ;
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
17. Considérant que la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, qui, s'étant bornée à conclure au rejet des requêtes de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, n'obtient pas en appel la majoration des indemnités que le tribunal lui a accordées au titre des prestations qu'elle a servies à M. D..., ne peut dès lors prétendre à une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion instituée par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser une indemnité à M. D... ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
20. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. D... doivent être rejetées ;
21. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 octobre 2014 est annulé.
Article 2 : La requête n° 14MA04988 et le surplus des conclusions de la requête n° 15MA05139 de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de M. D... et de l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, à M. A... D..., à l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- M. Laso, président-assesseur,
- M. Lafay, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2016.
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N° 14MA04988, 14MA05139