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19/10/2016 | FRANCE | N°15MA03322

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 19 octobre 2016, 15MA03322


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Papoul (Aude), représentée par son maire en exercice, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la SAS René Gaxieu, la SAS Guintoli et le département de l'Aude à lui verser la somme provisionnelle de 1 178 540,80 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du jour d'introduction de la requête, correspondant à l'opération de construction d'une voie d'évitement du centre ville par les poids lourds entre les routes d

épartementales n°103 et 126.

Par une ordonnance n° 1501386 en date du 24 juille...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Papoul (Aude), représentée par son maire en exercice, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la SAS René Gaxieu, la SAS Guintoli et le département de l'Aude à lui verser la somme provisionnelle de 1 178 540,80 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du jour d'introduction de la requête, correspondant à l'opération de construction d'une voie d'évitement du centre ville par les poids lourds entre les routes départementales n°103 et 126.

Par une ordonnance n° 1501386 en date du 24 juillet 2015 le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de la commune de Saint-Papoul.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 août 2015 et le 11 février 2016 au greffe de la Cour administrative d'appel sous le n°15MA03322, la commune de Saint-Papoul, ayant pour avocat la SCP Scheuer-Vernhet et Associés, demande au juge des référés de la Cour administrative d'appel de Marseille :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1501386 en date du 24 juillet 2015 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner solidairement la SAS René Gaxieu, la SAS Guintoli et le département de l'Aude à lui verser la somme provisionnelle de 1 178 540,80 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de la requête et de la capitalisation des intérêts pour chaque année échue des intérêts ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement la SAS René Gaxieu, la SAS Guintoli et le département de l'Aude à lui verser la somme provisionnelle de 294 635,20 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de la requête et de la capitalisation des intérêts pour chaque année échue des intérêts ;

4°) de condamner solidairement la SAS René Gaxieu, la SAS Guintoli et le département de l'Aude à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner solidairement la SAS René Gaxieu, la SAS Guintoli et le département de l'Aude aux entiers dépens, ainsi qu'aux frais et honoraires d'expertise intégralement avancés par la commune de Saint-Papoul.

Elle soutient que :

- l'ordonnance n° 1501386 en date du 24 juillet 2015 du tribunal administratif de Montpellier est irrégulière ;

- les désordres affectant la voie de déviation sont tels qu'ils la rendent impropre à sa destination, engageant la responsabilité décennale des entreprises ;

- la responsabilité du maître d'oeuvre peut également être recherchée à titre contractuel pour manquement à son obligation de conseil ;

- la commune de Saint-Papoul n'a commis aucune faute de nature à atténuer la responsabilité des entrepreneurs, quel que soit le fondement invoqué ;

- le montant de la demande de provision ne souffre d'aucune contestation sérieuse.

Par des mémoires aux fins d'intervention volontaire en sa qualité d'assureur décennal de la SAS Guintoli, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille les 6 novembre 2015, 8 février 2016 et le 1er avril 2016, la société HDI Gerling Industrie Versicherung (ci-après " société HDI Gerling "), dont le siège social est Tour Opus 12, 77 esplanade du Général de Gaulle à Puteaux (92800) et représentée par MeA..., demande au juge des référés de la Cour administrative d'appel de Marseille :

1°) de déclarer son intervention recevable ;

2°) de rejeter la requête de la commune de Saint-Papoul ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum la SAS René Gaxieu, la société ACR, la société Eiffage ainsi que le département de l'Aude à relever indemne et garantir la SAS Guintoli de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

4°) de condamner la commune de Saint-Papoul à verser à la société HDI Gerling la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de la commune de Saint-Papoul concerne des désordres dont le caractère non apparent est discutable ;

- le montant de la demande provisionnelle se heurte à des contestations sérieuses.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 novembre 2015 et le 7 avril 2015, la SAS Guintoli, dont le siège social est Parc d'Activités de la Laurade, Saint-Etienne du Grès à Tarascon (13156 Cedex), représentée par son représentant légal régulièrement habilité, ayant pour avocat MeC..., demande au juge des référés de la Cour administrative d'appel de Marseille :

1°) de rejeter la requête de la commune de Saint-Papoul ;

2°) subsidiairement de condamner la SAS René Gaxieu à la relever et garantir de toute condamnation provisionnelle qui serait mise à sa charge ;

3°) de condamner la SAS René Gaxieu et la commune de Saint-Papoul à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance n° 1501386 en date du 24 juillet 2015 du tribunal administratif de Montpellier est régulière ;

- le caractère apparent des désordres affectant la voie de déviation ne fait aucun doute, faisant obstacle à l'engagement de sa responsabilité décennale ;

- la commune de Saint-Papoul, en tant que maître d'ouvrage, a commis des fautes de nature à l'exonérer de toute responsabilité ;

- la SAS René Gaxieu, en tant que maître d'oeuvre, a également commis des fautes de nature à l'exonérer de toute responsabilité ;

- le quantum des sommes réclamées souffre de contestations sérieuses.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 février 2016 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, la SAS René Gaxieu, dont le siège est 760 chemin du Mas de la Bedosse à Alès (30100), prise en la personne de son représentant légal en exercice et ayant pour avocat la SCP Sanguinede Di Frenna et Associés, demande au juge des référés de la Cour administrative d'appel de Marseille :

1°) de confirmer l'ordonnance n°1501386 en date du 24 juillet 2015 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner le département de l'Aude à relever indemne la SAS René Gaxieu de toute condamnation, à tout le moins à ce que la part de responsabilité de la SAS René Gaxieu ne puisse excéder 10 % des imputabilités totales ;

3°) de condamner toute partie succombante à relever et garantir la SAS René Gaxieu de l'ensemble des condamnations excédant sa part de responsabilité ;

4°) de condamner toute partie succombante au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative outre les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Elle soutient que :

- aucune faute n'est imputable à la SAS René Gaxieu, les choix déterminants de l'opération de construction étant ceux du maître d'ouvrage ;

- le département de l'Aude, par le biais du laboratoire routier départemental, est également responsable des désordres affectant la voie de déviation ;

- le montant de la demande provisionnelle de la commune de Saint-Papoul se heurte à des contestations sérieuses.

Par un mémoire enregistré le 18 mars 2016 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, le département de l'Aude, représenté par le président du conseil départemental et ayant pour avocat MeB..., demande au juge des référés de la Cour administrative d'appel de Marseille :

1°) de rejeter la requête de la commune de Saint-Papoul et les demandes de la SAS René Gaxieu ;

2°) de condamner la SAS René Gaxieu et la SAS Guintoli à garantir le département des sommes qui seraient mises à sa charge, à concurrence respectivement de 30 % et 70 % ;

3°) de condamner la commune de Saint-Papoul ou toute autre partie succombante au paiement d'une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les demandes dirigées contre le département de l'Aude sont irrecevables car elles sont nouvelles en appel ;

- aucune obligation non sérieusement contestable n'existe à la charge du département ;

- les demandes de la SAS René Gaxieu et de la commune de Saint-Papoul se heurtent à des contestations sérieuses.

Vu l'ordonnance attaquée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Vu la décision en date du 1er septembre 2016 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Marseille a, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, désigné M. Richard Moussaron, premier vice-président, président de la sixième chambre, pour juger des référés ;

1. Considérant que la commune de Saint-Papoul a réalisé une voie d'évitement du centre ville par les poids-lourds entre les routes départementales n°103 et 106 ; qu'elle a confié cette opération à la SAS René Gaxieu, chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre, et à la SAS Guintoli, chargée des travaux de terrassement ; que les travaux relatifs à cette opération ont commencé le 19 octobre 2009, la route ayant été ouverte à la circulation le 31 mars 2010 ; que les premiers désordres sont apparus en mai 2010 avec des affaissements ponctuels de la chaussée et l'apparition de nids de poule ; que la SAS Guintoli a, du 21 juin au 16 juillet 2010 et les 10 et 13 septembre 2010, procédé à des réparations localisées ; que la réception sans réserve des travaux a été prononcée à la date du 13 septembre 2010 ; que les désordres sont apparus de nouveau postérieurement à la réception ; qu'à ce titre, la commune de Saint-Papoul a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier afin d'obtenir du maître d'oeuvre et du constructeur une provision de 1 178 540,80 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de la requête, sur le fondement de leurs responsabilités décennale et contractuelle ; que par l'ordonnance attaquée le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de la commune de Saint-Papoul ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Considérant que la commune de Saint-Papoul avait, devant le juge des référés de première instance, soulevé le moyen tiré de la responsabilité contractuelle de la SAS René Gaxieu ; qu'elle soutient que le tribunal administratif de Montpellier a omis de se prononcer sur ce moyen, alors que l'ordonnance attaquée, en ses points 3 et 6, statue sur la responsabilité contractuelle de la SAS René Gaxieu ; que, par suite, la commune de Saint-Papoul ne peut soutenir que l'ordonnance attaquée est irrégulière pour omission à statuer ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 742-5 du code de justice administrative : " La minute de l'ordonnance est signée du seul magistrat qui l'a rendue. "

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la minute de l'ordonnance attaquée a été signée conformément aux prescriptions de l'article précité ; que la circonstance que l'ampliation de l'ordonnance qui a été notifiée à la commune de Saint-Papoul portait la signature du seul greffier suffit est sans incidence sur la régularité de cette ordonnance ;

Sur la recevabilité de l'intervention de la société HDI Gerling :

6. Considérant que, dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui peuvent se prévaloir d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier ; que l'assureur d'un constructeur dont la responsabilité décennale est recherchée ne peut être regardé comme pouvant, dans le cadre d'un litige relatif à l'engagement de cette responsabilité, se prévaloir d'un droit de cette nature ; que, par suite, la société HDI Gerling n'a pas qualité pour intervenir ; qu'en conséquence, son intervention ne peut être admise ;

Sur les conclusions de la commune de Saint-Papoul dirigées contre le département de l'Aude :

7. Considérant que les conclusions présentées par la commune de Saint-Papoul tendant à l'engagement de la responsabilité délictuelle du département de l'Aude, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont, par suite, irrecevables ;

Sur la demande de provision :

8. Considérant qu'il ressort de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la voie d'évitement du centre ville par les poids-lourds souffre d'affaissements créant un délitement du revêtement avec apparition de nids de poule ; que, compte tenu de leur importance, ces désordres sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et, ainsi, à engager la responsabilité décennale des constructeurs à l'égard du maître d'ouvrage ; que, selon le rapport d'expertise, les désordres ont pour origine, d'une part, la nature des sols, comportant une forte présence d'eau naturelle et de matière organique, insuffisamment prise en compte par les quelques études de sol réalisées, et d'autre part la négligence des entreprises qui ont manqué à leur obligation de conseil envers le maître d'ouvrage en ne lui faisant pas état des conséquences néfastes sur la solidité de l'ouvrage qu'auraient les difficultés rencontrées pendant les travaux d'exécution ;

9. Considérant que la requête présentée par la commune de Saint-Papoul tend à la condamnation de la SAS Guintoli sur un fondement exclusivement décennal, la réception définitive des travaux ayant eu lieu le 13 septembre 2010, et à la condamnation de la SAS René Gaxieu sur un fondement décennal ou contractuel ;

10. Considérant toutefois que la SAS Guintoli, en sa qualité de constructeur, oppose aux demandes de la commune l'objection tirée du fait que les désordres s'étaient manifestés antérieurement aux opérations de réception, qu'ils doivent donc être regardés comme ayant été apparents lors de la réception de l'ouvrage ; qu'en l'état du dossier, certaines pièces sont susceptibles de venir au soutien des défendeurs ; que, par suite, cette objection doit être regardée comme sérieuse et comme faisant obstacle à la condamnation des SAS René Gaxieu et Guintoli au versement d'une provision sur le fondement de la responsabilité décennale ;

11. Considérant, de plus, qu'il ressort du rapport d'expertise que les travaux de reprise s'élèvent à 1 135 343 euros TTC, alors que les travaux confiés à la SAS Guintoli ont fait l'objet d'un marché conclu au prix de 363 001,23 euros TTC ; qu'à ce titre, l'objection tirée de ce que les travaux de reprise auront pour effet de conférer une plus-value à l'ouvrage qui, en outre, ne correspondra plus à celui qui avait été originellement commandé par la commune de Saint-Papoul doit être regardée comme faisant obstacle à la condamnation des SAS René Gaxieu et Guintoli au versement d'une provision, quel que soit le fondement de responsabilité invoqué à leur encontre ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a refusé de lui accorder la provision demandée ; qu'il n'y a pas lieu de statuer, par suite, sur les conclusions à fin de garantie formées par les SAS René Gaxieu et Guintoli ainsi que par le département de l'Aude ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge des frais exposés et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

Article 1er : L'intervention de la société HDI Gerling Industrie Versicherung n'est pas admise.

Article 2 : La requête de la commune de Saint-Papoul est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Saint-Papoul, à la SAS René Gaxieu, à la SAS Guintoli, à la société HDI Gerling Industrie Versicherung et au département de l'Aude.

Fait à Marseille, le 19 octobre 2016.

Le président,

Signé

R. MOUSSARON

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 15MA03322


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 15MA03322
Date de la décision : 19/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : ROME ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-10-19;15ma03322 ?
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