Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté d'agglomération Var-Esterel-Méditerranée (CAVEM), représentée par MeA..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon :
- à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser une provision, sur le fondement indemnitaire, d'un montant de 5 874 540 euros, assortie des intérêts au taux légal capitalisé pour chaque année ;
- à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 5 874 540 euros, assortie des intérêts au taux légal capitalisé pour chaque année, compte tenu de l'illégalité manifeste des prélèvements effectués ;
- à titre infiniment subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une provision du fait du prélèvement illégal effectué sur 2013 et donc à lui verser la somme de 1 980 284 euros, assortie des intérêts au taux légal capitalisé pour chaque année ;
- en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 1500826 du 7 avril 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel de Marseille :
Par une requête, enregistrée par Télérecours le 23 avril 2015, sous le n° 15MA01697, la CAVEM, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance susvisée du 7 avril 2015 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une provision :
- d'un montant de 5 114 284 euros, assortie des intérêts au taux légal capitalisé pour chaque année, à titre principal, sur un fondement indemnitaire, et, à titre subsidiaire, compte tenu de l'illégalité manifeste des prélèvements effectués ;
- à titre infiniment subsidiaire, de limiter cette provision à la somme de 1 701 825 euros, au titre du prélèvement illégal effectué sur 2013, assortie des intérêts au taux légal capitalisé pour chaque année ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête d'appel est recevable :
. elle n'est pas tardive ;
. elle a qualité et intérêt pour faire appel ;
- l'ordonnance attaquée est irrégulière en ce que le juge des référés retient, d'une part, l'affirmation du préfet du Var selon laquelle sa requête serait tardive sans avoir vérifié que les délais et voies de recours lui étaient opposables et, d'autre part, que les prélèvements en cause seraient légaux en dépit de l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat le 16 juillet 2014 :
. le préfet du Var doit apporter la preuve de l'irrecevabilité de sa requête pour tardiveté ; or, il n'a pas produit les fiches individuelles de dotation globale de fonctionnement (DGF) qui constituent le fondement de sa demande ;
. par un arrêt en date du 16 juillet 2014, le Conseil d'Etat a annulé la circulaire n° INTB1309069C du 5 avril 2013 ; les prélèvements en cause ont donc été opérés sur la base d'une circulaire annulée ainsi que sur des circulaires irrégulières ; ils sont donc nécessairement illégaux ;
- sa demande de provision n'est pas sérieusement contestable :
. les voies et délais de recours contre les décisions lui ayant causé un préjudice ne lui sont pas opposables et elle ne peut être forclose dès lors que la date de réception tant des notifications d'attribution des dotations que des fiches individuelles DGF ne peut être établie :
. les décisions illégales par lesquelles l'Etat lui a causé un préjudice ne sont pas les notifications d'attribution de la dotation de compensation mais bien les décisions de déduction de ces dotations du montant du produit de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) perçu par l'Etat en 2010 ; ces décisions de déduction sont formalisées par les fiches individuelles DGF ; or, aucune mention des voies et délais de recours n'est mentionnée sur ces décisions de déduction formalisées par les fiches individuelles DGF ;
. les notifications d'attribution des dotations de compensation ne lui ont été envoyées que par lettre simple ;
. les décisions déduisant ces dotations du montant de la TASCOM perçu par l'Etat en 2010 formalisées par les fiches individuelles DGF lui ont été transmises à une date très largement postérieure à la date des notifications d'attribution des dotations et donc à la date d'expiration des délais de recours contre ces dernières ; dès lors, à considérer que les délais de recours lui seraient opposables en ce qu'ils seraient mentionnés sur les notifications d'attribution des dotations, leur point de départ ne peut être établi ;
. aucune des trois conditions cumulatives qui doivent être réunies pour qu'un recours de pleine juridiction consécutif à une décision à objet pécuniaire puisse être déclaré irrecevable en application de la jurisprudence Lafon n'est en l'espèce remplie :
. les décisions fautives ne sont pas devenues définitives ;
. elle ne fonde pas sa demande indemnitaire exclusivement sur l'illégalité des décisions individuelles en cause, à savoir les fiches individuelles DGF ;
. la demande indemnitaire est différente dans son principe et dans son quantum de la déduction figurant dans les décisions en cause ; elle ne réclame pas une indemnité égale au montant dont les décisions en cause l'ont privée ;
- à titre principal, l'Etat a commis une faute en décidant d'opérer des prélèvements sur la base de circulaires irrégulières ; cette faute lui a causé un préjudice financier important dont elle entend obtenir réparation ;
- à titre subsidiaire, et si par extraordinaire le juge des référés ne faisait pas droit à sa demande sur le fondement indemnitaire, il ne pourra que constater que les circulaires sur la base desquelles ont été décidés les prélèvements de TASCOM sont illégales ; ces circulaires ont organisé le principe des prélèvements entre 2012 et 2014 ; or, c'est ce prélèvement, décidé uniquement par voie de circulaire, que le Conseil d'Etat a censuré par son arrêt du 16 juillet 2014 ; la circonstance que le montant soit similaire à celui de 2011 pour les années 2012 à 2014 est sans incidence sur l'irrégularité des circulaires et donc sur la faute commise par l'Etat ; les prélèvements de TASCOM devaient être décidés par la loi de finances, ce qui n'a pas été fait ; aucun texte législatif n'autorise les prélèvements de TASCOM pour les années 2012 à 2014 ;
- à titre infiniment subsidiaire, le juge des référés ne pourra que faire droit à la demande de remboursement au titre de l'année 2013 ; en effet, par son arrêt en date du 16 juillet 2014, le Conseil d'Etat a annulé la circulaire n° INTB1309069C du 5 avril 2013 du ministre chargé des collectivités territoriales ; dans ces conditions, le prélèvement de TASCOM effectué en 2013 a été fait sur la base d'un texte inexistant.
Une mise en demeure a été adressée le 15 juin 2015 au ministre de l'intérieur.
Par un mémoire en défense, enregistré par Télérecours le 2 juillet 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la demande de provision présentée par la CAVEM est irrecevable :
. les sommes dont cette communauté d'agglomération demande le reversement correspondent aux montants de compensation de la TASCOM imputés par 1'Etat sur ses dotations pour chacune des années concernées ; ces montants ont été portés à sa connaissance par des arrêtés préfectoraux de notification de dotations de communes pris en 2012, 2013 et 2014, lesquels incluaient la compensation TASCOM ; ces arrêtés, qui seuls font foi et grief, sont aujourd'hui définitifs ; les fiches individuelles DGF, transmises plus tardivement, n'ont qu'une valeur informative ; ces arrêtés comportaient la mention des voies et délais de recours et n'ont pas été déférés à la censure du juge administratif, si bien qu'ils ne peuvent plus être contestés par la voie de l'excès de pouvoir ; leur caractère définitif et leur objet exclusivement pécuniaire emportent l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées par la CAVEM et, partant, celle de sa présente demande de provision ;
. bien que la recevabilité d'une requête en référé-provision ne soit pas conditionnée par le dépôt d'une demande au fond, il reste que la CAVEM a introduit devant le juge du fond du tribunal administratif de Toulon une requête aux mêmes fins qui est irrecevable, de sorte que l'obligation dont elle se prévaut ne peut qu'apparaître sérieusement contestable dans son principe ;
- à titre subsidiaire, la demande de provision présentée par la CAVEM pose plusieurs questions juridiques sérieuses qui font obstacle à la compétence du juge du référé-provision :
. pour que soit admis le caractère non sérieusement contestable de la créance dont se prévaut la CAVEM sur l'Etat, il faudrait que puisse être acceptée la voie du recours pour excès de pouvoir, dont l'exercice est forclos en raison de 1'expiration du délai de recours de deux mois contre les arrêtés de notification de dotations de communes ; tel n'est cependant pas l'état de la jurisprudence, la juridiction administrative en jugeant différemment pour ce qui est des décisions expresses à objet exclusivement pécuniaire ; or, la résolution de cette difficulté préalable nécessite de répondre à plusieurs questions délicates, notamment celles de savoir si le requérant peut encourir la forclusion et si le référé-provision peut relayer l'exercice d'un recours en excès de pouvoir désormais irrecevable ; apporter une réponse à ces questions outrepasserait, à l'évidence, l'office du juge du référéprovision ;
. la CAVEM excipe de l'illégalité des circulaires litigieuses pour appuyer son action indemnitaire ; cette exception est irrecevable ; la recevabilité de cette exception pose, à l'évidence, des difficultés juridiques sérieuses ;
. il en va ainsi, encore, de la question de l'illégalité fautive alléguée pour les circulaires prises au titre des années 2012 et 2014 qui n'a pas été reconnue par le juge administratif ;
. dans sa décision du 16 juillet 2014, le Conseil d'Etat a rejeté le recours dirigé contre la circulaire du 15 mars 2012 au motif de son caractère tardif et ne s'est pas prononcé sur le fond concernant le dispositif instauré pour l'année considérée ; l'illégalité alléguée et la faute qu'elle constituerait expose, à l'évidence, le juge du référé-provision à trancher une question juridique sérieuse qui n'est pas de son office ;
- à titre subsidiaire, la CAVEM fonde à tort sa requête indemnitaire sur le fondement de l'existence d'un préjudice financier et moral causé engageant la responsabilité de l'Etat pour faute.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 portant loi de finances pour l'année 2010 ;
- le code de justice administrative.
Par une décision en date du 1er septembre 2014, le président de la cour administrative d'appel de Marseille a désigné M. Philippe Bocquet, président, en application notamment des articles L. 555-1, R. 533-3 et R. 541-5 du code de justice administrative, pour statuer sur les appels formés devant la Cour contre les décisions rendues par le juge des référés des tribunaux administratifs du ressort, pour les matières relevant de la compétence de la 5ème chambre.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
1. La CAVEM soutient que l'ordonnance attaquée est irrégulière en ce que, d'une part, le premier juge aurait retenu l'affirmation du préfet du Var selon laquelle sa requête serait tardive sans avoir vérifié que les délais et voies de recours lui étaient opposables et, d'autre part, que les prélèvements en cause seraient légaux en dépit de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la décision rendue par le Conseil d'Etat le 16 juillet 2014. Toutefois, de telles critiques ne se rattachent pas à la régularité de cette ordonnance, au demeurant suffisamment motivée, mais en réalité à son bien-fondé.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle statue sur la demande de provision :
2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " Or, une obligation dont l'existence soulève une question de droit présentant une difficulté sérieuse ne peut être regardée comme une obligation dont l'existence n'est pas sérieusement contestable. Par suite, le juge des référés ne saurait, sans méconnaître les dispositions de cet article, se prononcer sur la difficulté ainsi soulevée pour accorder la provision demandée.
3. En l'espèce, la CAVEM relève appel de l'ordonnance du 7 avril 2015 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 5 874 540 euros, assortie des intérêts au taux légal capitalisé pour chaque année, présentée, à titre principal, sur un fondement indemnitaire, à titre subsidiaire, en conséquence de l'illégalité des prélèvements effectués par l'Etat sur les dotations forfaitaires et, à titre infiniment subsidiaire, et pour un montant limité à la somme de 1 980 284 euros, assortie des intérêts au taux légal capitalisé pour chaque année, du fait de l'illégalité du seul prélèvement effectué au titre de l'année 2013. Le premier juge a rejeté cette demande de provision au motif que l'existence de l'obligation dont se prévalait la CAVEM soulevait des questions de droit présentant des difficultés sérieuses qui faisaient obstacle à ce qu'elle puisse être regardée comme non sérieusement contestable.
4. En cause d'appel, la CAVEM persiste dans sa demande par les mêmes moyens. L'Etat confirme s'opposer à cette requête, d'une part, par le maintien de sa fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance et, d'autre part, par la contestation de l'illégalité des prélèvements en cause, nonobstant la référence à la décision n° 369736 du 16 juillet 2014 du Conseil d'Etat.
5. La demande de provision de la CAVEM pose effectivement, comme le soutient l'Etat dans son mémoire en défense, sans être contredit, des questions de droit tant sur la recevabilité que sur le fond. Ces questions présentent des difficultés sérieuses et il n'appartient dès lors pas au juge du référé-provision de les trancher. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a retenu ce motif et, par suite, il y a lieu, pour le même motif, de rejeter l'ensemble des demandes de la présente requête, y compris, et par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la CAVEM est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la communauté d'agglomération Var-Esterel-Méditerranée (CAVEM) et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
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N° 15MA01697
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