Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 juin 2014 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 1500540 du 4 mai 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 juin 2015 et un mémoire enregistré le 6 juillet 2015, MmeE..., représentée par Me C..., demande au juge des référés de la cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté préfectoral du 16 juin 2014 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de l'ordonnance à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est satisfaite ; en effet, la mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet est susceptible d'être mise en oeuvre à tout moment ; de son union avec son compagnon, avec lequel elle réside depuis février 2012 et qui est titulaire d'une carte de résident, est issu un fils né en France le 27 novembre 2012 ; l'exécution de l'arrêté préfectoral aurait pour conséquence de la séparer de son compagnon ; elle a construit en France une carrière professionnelle en tant qu'employée agricole ; la perte brutale de ressources la place dans une situation de précarité ;
- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard notamment à la durée de son séjour sur le territoire français, à son intégration socio-professionnelle dans la société française et à ses attaches personnelles et familiales sur le territoire français ; à tout le moins cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- aucune attention n'a été portée à l'intérêt supérieur de son enfant, en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er juillet 2015, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions aux fins de suspension de la décision portant obligation de quitter le territoire français sont irrecevables, dès lors que cette décision n'est pas justiciable de la procédure instituée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;
- la condition d'urgence n'est pas remplie ; en effet, la requérante ne démontre pas l'ancienneté de la relation qu'elle déclare entretenir avec son compagnon ; rien ne s'oppose à ce qu'elle reconstitue sa cellule familiale dans son pays d'origine ; elle est sans emploi et ne peut se prévaloir d'une activité professionnelle stable ;
- les moyens de légalité soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu :
- la copie de la requête à fin d'annulation, enregistrée le 2 juin 2015 sous le n° 15MA02259 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par une décision en date du 1er septembre 2014, le président de la cour administrative d'appel de Marseille a, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, désigné M. Cherrier, président de la 4ème chambre, pour juger les référés.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 7 juillet 2015 :
- le rapport de M. Cherrier, juge des référés,
- et les observations de MeD..., substituant MeC..., pour MmeE....
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. " ;
2. Considérant que MmeE..., de nationalité marocaine, a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 juin 2014 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande par un jugement en date du 4 mai 2015 ; que, par la présente requête, Mme E...demande au juge des référés de la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions précitées du code de justice administrative, la suspension de l'arrêté préfectoral susmentionné ;
Sur les conclusions à fin de suspension de l'arrêté préfectoral du 16 juin 2014 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
3. Considérant que par les dispositions des I et II de l'article L. 511-1 et de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de la procédure contentieuse régissant la contestation de la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français ; que cette procédure se caractérise en particulier par le fait que la mesure d'éloignement ne peut pas être exécutée d'office pendant le délai de départ volontaire accordé, qu'elle doit être contestée dans le délai de trente jours en cas d'octroi d'un délai de départ volontaire ou dans le délai de quarante-huit heures, en cas de refus d'un tel délai, par le caractère suspensif du recours exercé devant le tribunal administratif à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et par le délai de trois mois accordé au tribunal administratif à compter de sa saisine pour statuer, délai réduit à soixante-douze heures en cas d'assignation à résidence ou de rétention administrative de l'intéressé ; que l'appel est lui-même enfermé dans un délai spécifique réduit à un mois par l'article R. 776-9 du code de justice administrative ; que, eu égard aux caractéristiques particulières de la procédure ainsi définie, l'étranger qui fait appel du jugement rejetant sa demande en annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire à trente jours, n'est, en principe, pas recevable à demander au juge des référés de la Cour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de ces décisions ; qu'une obligation de quitter le territoire français n'est justiciable d'une procédure de référé-suspension que dans le cas où les mesures par lesquelles il est procédé à l'exécution d'une telle décision comportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait depuis l'intervention de cet arrêté, excèdent le cadre qu'implique normalement sa mise à exécution ; que Mme E...n'invoque aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait survenu postérieurement à l'intervention de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français et qui serait susceptible de faire obstacle à son exécution normale ; qu'il s'ensuit que Mme E...n'est pas recevable à demander au juge des référés de la Cour, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 16 juin 2014 en tant que par cette décision, le préfet du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le délai de départ volontaire à trente jours ;
Sur les conclusions à fin de suspension de l'arrêté préfectoral du 16 juin 2014 en tant qu'il porte refus de séjour :
4. Considérant que Mme E...soutient qu'il a été porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle fait notamment valoir à cet égard qu'elle est entrée sur le territoire français au mois d'octobre 2006 sous le couvert d'un titre de séjour qui lui a été délivré en tant que conjoint d'un ressortissant français et qu'elle s'y est maintenue depuis lors, qu'elle est restée en situation régulière pendant cinq années, qu'elle a travaillé en France en qualité d'employé agricole pendant plusieurs mois au cours des années 2006 à 2008 puis en 2010 et 2011, qu'après avoir divorcé en mai 2011 elle vit depuis le mois de février 2012 avec un compatriote titulaire d'une carte de résident, que de cette relation est issu son fils B...né à Nîmes le 27 novembre 2012 et que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet du Gard, la cellule familiale ne pourra se reconstituer au Maroc en raison des obligations professionnelles du père de son enfant, qui gère sa propre exploitation agricole ; que Mme E...soutient en outre que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ont été méconnues en ce que l'exécution de la décision critiquée aurait pour effet de séparer le jeune B...de l'un de ses parents, dans la mesure où le père de cet enfant a vocation à demeurer sur le territoire français ;
5. Considérant que le préfet du Gard ne conteste pas que Mme E...séjournait habituellement en France depuis presque huit années à la date de l'arrêté attaqué ; qu'il ne discute pas davantage les pièces produites par l'intéressée pour justifier l'allégation selon laquelle son compagnon exerce une activité professionnelle exigeant sa présence sur le territoire français et faisant dès lors obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer au Maroc ; que, dans ces conditions, alors même que l'ancienneté et l'effectivité de la communauté de vie dont se prévaut Mme E...ne peuvent, au regard des documents versés aux débats, être regardées comme établies avant le mois d'octobre 2012, les moyens analysés au point 4 paraissent de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité du refus d'admission au séjour en litige ;
6. Considérant que, dès lors que l'exécution de la décision attaquée aurait pour effet d'empêcher Mme E...et son enfant de mener une vie familiale normale, pour les raisons ci-dessus exposées, tenant à la situation du compagnon de la requérante, cette dernière doit être regardée comme justifiant de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier à très bref délai d'une mesure provisoire dans l'attente de la décision juridictionnelle statuant sur la requête d'appel formée contre le jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 4 mai 2015 ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision de refus d'admission au séjour qu'elle conteste ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
8. Considérant que la présente ordonnance implique que le préfet du Gard délivre à Mme E...une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la requête d'appel formée contre le jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 4 mai 2015 ; que, par suite, il y a lieu de prescrire au préfet du Gard de prendre cette mesure dans le délai de quinze jours suivant la notification de ladite ordonnance ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Mme E...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
O R D O N N E :
Article 1er ; L'exécution de l'arrêté du préfet du Gard en date du 16 juin 2014 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme E...est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la requête d'appel formée contre le jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 4 mai 2015.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gard de délivrer à Mme E...une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance.
Article 3 : L'Etat versera à Mme E...la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à MmeE..., au préfet du Gard et au ministre de l'intérieur.
Fait à Marseille, le 9 juillet 2015.
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N° 15MA02260 2