Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...E..., représenté par MeB..., a demandé au tribunal administratif de Marseille :
1°) d'annuler l'arrêté en date du 25 janvier 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, ensemble la décision du même jour le plaçant en rétention administrative ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de l 000 euros, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil qui s'engageait alors à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Par un jugement n° 1500651 du 29 janvier 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel de Marseille :
Par une requête, enregistrée par Télérecours le 25 février 2015, sous le n° 15MA00843, M.E..., représenté par MeF..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 29 janvier 2015 en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi ;
2°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de cette décision portant obligation de quitter le territoire afin de lui permettre de régulariser sa situation administrative ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire au séjour ;
4°) d'ordonner audit préfet de communiquer l'ensemble des pièces sur lesquelles il s'est fondé pour prendre la décision contestée ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 000 euros qui sera recouvrée par son conseil.
Il soutient que :
- ni le préfet, ni le tribunal administratif de Marseille n'ont vérifié l'atteinte porté à sa vie privée et familiale ;
- le tribunal administratif n'a pas vérifié les risques d'atteinte à son intégrité physique s'il était renvoyé en Ukraine sur le fondement de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- la décision du tribunal administratif porte une atteinte manifestement disproportionnée en refusant de faire droit à ses demandes ;
- le tribunal administratif ne disposait pas de tous les éléments et la préfecture encore moins alors que cette dernière a pris une décision stéréotypée et en urgence sans étudier son dossier ;
- sur la légalité externe de la décision portant obligation de quitter le territoire français : si le préfet ne produit pas la délégation de signature qu'il a consentie à l'auteur de cette décision, celle-ci devra être annulée pour incompétence de son auteur ;
- sur la légalité interne de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
. il justifie être présent sur le territoire français depuis plus de dix ans ; il y est intégré et y a toutes ses attaches personnelles et amicales ; il se sent Français et n'a jamais eu la mentalité ukrainienne ; il n'a jamais été une charge pour la France ; sa vie n'a pas été facile et on ne peut plus lui reprocher son passé puisqu'il est sérieux et honnête ; le préfet a donc commis une erreur de fait et sa décision est contraire à l'article L. 311-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il appartient à l'administration de tenir compte de la situation personnelle de l'intéressé en vertu de l'application de la directive européenne du 16 décembre 2008 et en particulier de son article 6 ; par ailleurs, en estimant qu'il n'entrait dans aucune des catégories de plein droit définies aux articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le représentant de l'Etat a commis une erreur manifeste d'appréciation puisqu'il n'a pas motivé son refus au regard des pièces versées aux débats ; cette erreur de fait indique une absence totale d'examen de sa situation personnelle ;
. s'il était renvoyé dans son pays, il risquerait de connaître la guerre et de subir des traitements inhumains en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; nul doute que sa vie serait en danger.
Par une décision en date du 16 juin 2015, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille a admis M. E...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu la décision du 1er septembre 2014 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Marseille a désigné M. Philippe Bocquet, président de la 5ème chambre, pour statuer, dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, sur les litiges mentionnés à l'article R. 776-1 du même code.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement (...) des cours peuvent, par ordonnance : (...) / 3° Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête (...) ".
2. Aux termes de l'article R. 776-1 du code de justice administrative : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : / 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues au I de l'article L. 511-1 et à l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; / 2° Les décisions relatives au délai de départ volontaire prévues au II de l'article L. 511-1 du même code ; / (...) 4° Les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 513-3 du même code (...) " et aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, applicables à la contestation des décisions mentionnées à l'article R. 776-1 du code de justice administrative prises à compter du 18 juillet 2011 : " (...) Le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet peut statuer par ordonnance dans les cas prévus à l'article R. 222-1. Il peut, dans les mêmes conditions, rejeter les requêtes qui ne sont manifestement pas susceptibles d'entraîner l'infirmation de la décision attaquée. "
3. M.E..., né le 24 juillet 1980 et de nationalité ukrainienne, relève appel du jugement rendu le 29 janvier 2015 par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, il ressort des pièces produites en première instance par le préfet des Bouches-du-Rhône que ce dernier a, par arrêté n° 2014288-0007 du 15 octobre 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de ce département, donné à M. A...D...délégation à fin de signer " [l]orsque qu'[il assure] la permanence des services de la préfecture (...) toute mesure imposée par l'urgence et notamment : / (...) [les] obligations de quitter le territoire, / [les] décisions relatives au départ volontaire (...) ". Par conséquent, M. D...était compétent pour signer l'arrêté en litige au nom et pour le compte du préfet des Bouches-du-Rhône. Le moyen soulevé par M. E... et tiré de l'incompétence de l'auteur de cet acte doit, dès lors, être écarté.
5. En deuxième lieu, M. E...persiste à soutenir devant la Cour que le préfet des Bouches-du-Rhône, qui aurait pris une décision stéréotypée et en urgence, n'a pas motivé son refus au regard des pièces qu'il a produites. Toutefois, et alors que l'autorité administrative n'est pas tenue de faire état de tous les éléments caractérisant la situation particulière de l'intéressé, l'arrêté préfectoral litigieux comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a écarté le moyen tiré de son insuffisante motivation et il y a également lieu, pour la Cour, d'écarter ce moyen repris en appel.
6. En troisième lieu, contrairement à ce que M. E...soutient en se prévalant de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, et en particulier de son article 6, il ne ressort pas de l'examen des pièces versées au dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône ainsi que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille ne se seraient pas livrés à l'examen de sa situation personnelle.
7. En quatrième lieu, M. E...allègue séjourner en France depuis le 8 février 2005. Il affirme qu'il est très bien intégré dans ce pays où il a désormais toutes ses attaches personnelles et amicales. Il ajoute qu'il se sent Français et que, bien que fils unique, il n'a plus de relations avec sa mère qui vit toujours en Ukraine. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. E... est célibataire et sans enfant. Il ne fait état d'aucune source de revenus et, constamment hébergé, il ne possède pas de domicile personnel. Mise à part une attestation en date du 28 mars 2008 selon laquelle il aurait travaillé un mois sur un chantier à Saint-Nazaire, M. E... n'établit, ni même n'allègue avoir déjà exercé une quelconque autre activité professionnelle sur le territoire français. S'il soutient être parfaitement intégré en France et se sentir Français, il a manifesté le souhait de s'engager dans les forces armées des Etats-Unis d'Amérique. Par ailleurs, il ressort des pièces produites en première instance par le préfet des Bouches-du-Rhône que M. E... a été condamné à un mois d'emprisonnement avec sursis pour vol par un jugement rendu le 23 novembre 2010 par le tribunal correctionnel de Marseille et qu'il a été interpellé, le 24 janvier 2015, en état d'ébriété à l'hôpital d'Aubagne et placé, le lendemain, en garde à vue pour des faits de rébellion et de violences volontaires sur personne dépositaire de l'autorité publique. En outre, il n'a déféré ni à l'invitation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 3 mars 2006 suite au rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis la Commission des recours des réfugiés de sa demande d'asile et au refus consécutif du préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de résident, ni à Office français de protection des réfugiés et apat l'arrêté préfectoral portant reconduite à la frontière pris à son encontre le 1er décembre 2008. Par la suite, et bien qu'il ait été mis en possession, pour des raisons médicales, d'une autorisation provisoire de séjour valable du 25 février 2010 au 15 janvier 2011, il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et n'a pas exécuté l'arrêté préfectoral du 14 juin 2011 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois alors même, que sa légalité a été confirmée par un jugement n° 1106486 rendu le 16 décembre 2011 par le tribunal administratif de Marseille puis par une ordonnance n° 12MA00136 prise, le 19 mars 2012, par le président de la 7ème chambre de la Cour de céans sur le fondement des articles R. 222-33 et R. 222-34 du code de justice administrative alors en vigueur. Il n'a pas plus déféré à l'arrêté du 10 janvier 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a, une nouvelle fois, refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Enfin, quelle que soit l'intensité des liens qui les unissent, il est constant que sa mère vit toujours en Ukraine et qu'en tout état de cause, âgé de trente-cinq ans, M. E... ne pourrait être regardé comme isolé en cas de retour dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'au moins l'âge de vingt-quatre ans. Eu égard à la situation de M. E... et à ses conditions de séjour ci-dessus rappelées, en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français, l'arrêté préfectoral contesté du 25 janvier 2015 n'est entaché ni d'erreurs de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation. Il n'a pas davantage porté au droit de l'appelant au respect de sa vie personnelle et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. En édictant cet arrêté, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a ainsi ni méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En cinquième lieu, M. E...ne fait état d'aucune circonstance exceptionnelle ou motif humanitaire justifiant son admission au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Partant, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
9. En sixième et dernier lieu, si M. E...soutient qu'en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, l'arrêté préfectoral contesté a été pris en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen est inopérant à l'encontre d'une telle décision qui n'a ni pour objet, ni pour effet de contraindre l'intéressé à retourner dans son pays d'origine. A supposer que ce moyen soit regardé comme dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi contre laquelle il est, en revanche, opérant, il est constant que l'appelant ne démontre pas plus en appel qu'en première instance, qu'en cas de retour en Ukraine, il y serait personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants. Par suite, et en tout état de cause, ce moyen doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner au préfet des Bouches-du-Rhône de communiquer l'ensemble des pièces sur lesquelles il s'est fondé pour édicter son arrêté du 25 janvier 2015, la requête de M. E... n'est manifestement pas susceptible d'entraîner l'infirmation du jugement attaqué. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'annulation doivent, en application de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, être rejetées.
Sur les conclusions subsidiaires à fin de suspension :
11. Par la présente ordonnance, la Cour statue sur les conclusions de M. E...tendant à l'annulation du jugement rendu le 29 janvier 2015 par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. Par suite, et en tout état de cause, les conclusions présentées à titre subsidiaire par M. E...et tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté préfectoral sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. La présente ordonnance n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Il suit de là que les conclusions présentées à cette fin par M. E...ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Les dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le conseil de M. E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de suspension présentées par M. E....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C...E...et MeG....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet des Bouches-du-Rhône.
Fait à Marseille, le 24 juin 2015.
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No 15MA00843
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